"Le Diable au bar" dédié à Albert Decaris
Les alcools fleurissaient les verres à facettes
Et le zinc lumineux semblait un reposoir.
Je trouvais au patron une figure honnête,
Un nerf de bœuf était derrière le comptoir.
Les flacons arboraient d’étranges étiquettes,
Une fille faisait ses lèvres au miroir.
L’aveugle sur le seuil, d’une aigre clarinette
Aggravait à dessein la descente du soir.
Des marins qui n’étaient inscrits sur aucun rôle
Troquaient pour un peu d’or de maigres perroquets
Ou des singes pelés juchés sur leur épaule,
Et les barques s’entrechoquaient le long des quais.
Alors au ciel monta la lune lente et plate
Qui fait hurler en chœur les déments et les chiens,
Et le Diable, vêtu d’un chandail écarlate,
Pénétra dans le bar et dénombra les siens.
Léon Vérane, in "La fête s'éloigne"/ collec. Points et contrepoints.