Alberto
à ta mort tu m'as laissé en cadeau
une fiasque de vin vieux et ta pipe
je la fumerai aux heures lourdes
de souvenirs en pensant à la douceur
qui émanait de toi quand vivre
te devint impossible
ce vin
enivrera une larme dans les yeux
de ton frère, étranger en Amérique,
à son retour.
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Alberto
uno morendo m'hai lasciato in dono
fiasco di vecchio vino e la tua pipa
da quella fumerò nell'ore dense
di memorie pensando la dolcezza
che si sparse da te come la vita
ti si fece impossibile
quel vino
inebbrierà una lacrima negli occhi
di tuo fratelleo straniero in America,
quando ritornerà.
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Umberto Saba
(Extrait de "Choses dernières" (1935-1943) in "Du Canzoniere", p.126-127, traduit de l'italien par Philippe Renard et Bernard Simeone/ Ed. Orphée La Différence)
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Statue d'Umberto Saba à Trieste.
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Pousser la porte de la librairie de Saba et pénétrer dans son univers.
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VIDEO
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"La dernière fois que nous sommes allés à l’hôtel des Embruns, tu revenais de Trieste, tu étais allé faire des photographies du vieux port, de ce qu’il en restait, un immense cadavre abandonné depuis longtemps que la mer érodait et où le silence, selon toi, ne parvenait pas à engloutir la rumeur d’une vie d’avant, celle des hommes au travail, du va-et-vient des bateaux, du chant des grues, d’un passé flamboyant.
[...]
Tu avais tes habitudes au café San Marco qu'avaient assidûment fréquenté Umberto Saba, Svevo, Joyce, et sans doute Claudio Magris aujourd'hui. Tu avais trouvé la librairie de Saba, toujours là plus de cinquante ans après sa mort, dans la rue San Nicolo, identique, me disais-tu, à ce qu'elle est sur les photographies montrant le poète dans son petit univers, où les livres grimpaient et grimpent encore le long des murs, serrés les uns contre les autres et jaunis par le temps."
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Michèle Lesbre
(Extrait de "Ecoute la pluie" , p.19/ Ed. Héliotrope)