jack127 Je ne crois pas que le paquebot soit un élément mineur dans ce film qui est d'ailleurs le titre du film. Il représente le luxe, la démesure, la puissance d'un monde émergent et exhibitionniste. Imaginé le même film sans ce bateau, il y perdrait de sa superbe
Je suis d'accord avec vous, la seule chose c'est que vous ne voyez pas à quel point vous avez raison.
Le bateau n'est pas mineur, je ne dis rien de tel, je dis seulement que c'est une image, du monde et de la société. Ca n'a rien de nouveau, depuis l'Odyssée d'Homère, en passant par Sébastien Brandt - petit coucou aux amis alsaciens en passant - et sa Nef des Fous, dans Rabelais aussi, enfin, y en a mille, l'image du bateau est un topos littéraire absolu. Cela permet, sous couvert d'histoires d'aventures - et ce sera évidemment beaucoup mieux si c'est des bonnes histoires, comme dans Homère - de parler de la société. Le bateau, c'est une espèce d'utopie, un prétexte pour mieux voir en plus petit ce qu'est la société en plus grand, c'est un un levier littéraire et artistique puissant et donc rien de "mineur".
J'ai dit que le bateau, on s'en fout et ce n'est pas le sujet du film en songeant à l'épisode historique bien connu qui est un peu raconté. Mais le sujet du film, ce" n'est pas un reportage sur les naufrages ou des considérations sur la navigation, c'est l'histoire de jeunes gens charmants, beaux comme des Dieux et en plus super-sympa, et qui s'aiment, mais le Monsieur ne pourra mettre son zizi dans son panpan, bien qu'ils en éprouvent une forte démangeaison, l'un comme l'autre, parce qu'il n'a pas de pognon.
C'est ça, le sujet, l'amour contrarié.
Ici, ce ne sont pas les Dieux qui ont interdit, ce n'est pas non plus des histoires de pouvoir et de pureté nobiliaire, ou d'alliances politiques, comme dans Shakespeare (Roméo et Juliette), et s'il y a des histoires de flotte et de noyade, ce n'est ni les Dieux ni le sang qui commande, il n'y a pas de Prince de Florence ou un Zeus ou un Arès quelconque pour donner sens. L'eau dans laquelle on se noie, mais en priorité pour les pauvres, ça ressemble plutôt à ce que Marx appelait "les eaux glâcées du calcul égoïste", ou je me trompe ?
Pour le Grand Bleu, c'est tout autre chose, on s'intéresse plus à la mer qu'au bateau. Il n'y a donc rien de social, juste un mec tout seul qui va affronter les Eléments (aqueux, ici, mais on pourrait faire le même film en montagne), juste Lui, et en face le Monde.
Je ne pouvais que détester, ce qui n'a pas manqué d'arriver. C'est un film de droite. Ce qui normalement n'est pas une objection (John Ford a fait des films magnifiques et d'extrême-droite, ce n'est pas un problème en soi), mais quand c'est dépourvu de talent, ça agace.
La société - ce qu'on a aimé dans les films de Sautet avec Piccoli - n'existe plus, il n'y a aucune altérité, il y a juste un mec tout seul et face à la Nature. Le personnage principal, joué par Jean-Marc Barr, si je me souviens bien, est un demeuré (ce sur quoi on a dit que son jeu était "bressonien", le pauvre Bresson a dû se retourner dans sa tombe..., il n'a pas une page de dialogue dans tout le film. Il a échappé à la culture, c'est-à-dire tout ce qui vous vient des autres, qui vous est donné sans retour, gratos, il ne peut que proférer de temps à autres quelques monosyllabes, il y a dans le film un éloge de la connerie explicite et revendiquée, et dont la racine est de refuser tout ce qui vous vient des autres. Qu'ils vous on donné gratos et devrait susciter un minimum de gratitude.
L'idée de faire de la belle image (image de cartes postales à la con) pour étaler l'argent confirme, jusqu'à la nausée, le caractère outrageusement droitier de ce film.