Didier RAOULT. - Ce n’est pas faute d’avoir dit ce que je pensais qu’il fallait faire. Mais je n’ai pas été très suivi. La Chine et la Corée du Sud en ont déjà fini avec le Covid-19. Cela ne me surprend pas. Depuis 42 ans, j’enseigne la même chose sur les maladies infectieuses: il faut identifier et isoler les patients porteurs, et les soigner au mieux de ce que la science permet. Sur ce point, je n’ai jamais varié. Nous n’avons pas pu, ou voulu, tester le maximum de malades pour les isoler et les traiter. Le bilan est là: nous faisons partie des quatre pays dans lesquels il y a le plus de morts par million d’habitants, avec l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas. Ça pose quelques questions, tout de même.
C’est assez humiliant pour un pays qui se considère comme l’un des meilleurs du monde en matière de santé…
En 2003, après l’épidémie du Sras, le gouvernement m’avait commandé un rapport sur les risques épidémiologiques et la manière d’y faire face. J’y recommandais un grand discours fondateur d’une nouvelle politique de santé qui serait capable de mieux anticiper les risques épidémiologiques dont on voyait bien qu’ils allaient devenir un des enjeux forts d’un monde interconnecté. Je mettais en garde contre les risques de débordement de nos services. La première chose qu’il fallait faire, c’était doter les hôpitaux d’infectiopôles, et notamment d’unités de fabrication de tests afin de repérer le plus vite possible, et le plus tôt possible, les premiers malades.
Je crois qu’il faut bien comprendre qu’en matière de maladies infectieuses, il y a en France un groupe de gens qui ont l’habitude de travailler d’une certaine manière et qui se sont connus dans la lutte contre le sida, il y a 30 ans. Ils ont élevé en règle d’or les études «randomisées», autrement dit des études aléatoires sur de très grandes cohortes de malades cobayes. Ce sont des études qui peuvent rassurer à la marge pour améliorer certains médicaments dans la recherche sur le sida ou sur l’hépatite C. Mais ces méthodologies spécifiques ne peuvent pas être transformées en condition sine qua non de la médecine.
Les études sur les grandes cohortes rassurent les bureaucrates de la santé, qui en sont venus à considérer qu’on ne pouvait rien décider sans elles. Or, je dirais que 90 % des traitements qu’on a inventés en maladies infectieuses n’ont jamais donné lieu à de telles études. Jamais. Si le médicament tuait le microbe, c’est que ça marchait. Quand l’évaluation s’est éloignée du terrain pour devenir une activité à part, soutenue par des capitaux importants, on a mis en place des normes de vérification de plus en plus lourdes.
L’étude Discovery qui est en cours ne vous paraît donc pas nécessaire?
C’est une étude qui va occuper les gens qui font de la recherche et qui n’ont pas d’idées. Moi, je suis d’abord un docteur. Un docteur se donne pour règle de ne pas faire à ses patients ce qu’il ne ferait pas à ses enfants. Pourquoi m’empêcherait-on de donner des médicaments qui sont les seuls qui nous semblent produire un résultat ici et maintenant? On pourra ensuite conduire une étude rétrospective.
Où en êtes-vous de votre évaluation de la chloroquine?
Nous avons 1 003 patients soignés ici à l’IHU Méditerranée, et un seul est mort. Nous avons publié une deuxième étude il y a quelques jours sur 80 patients, dont la charge virale a été à chaque fois diminuée par l’administration de chloroquine. Et il y a déjà dix pays dans le monde qui recommandent ce médicament en première intention.
https://www.lefigaro.fr/sciences/faut-il-croire-le-professeur-raoult-20200403