france2100
Là tu es en train de m'expliquer qu'il ne faut pas manger de caviar avant d'avoir essayé les oeufs de lumps (ou lompes). Ou ne pas boire du Montrachet avant de s'être tapé du Gros Plant du pays Nantais. Ca a une apparence, mais rien de plus, parce que la coupure epistémologique, il faudra bien se la manger à un moment ou un autre. Et tu ne passeras pas doucement de la littérature de gare à Proust ou Thomas Mann, la claque, tu la prendras de toute manière. La Recherche, j'ai essayé 20 fois de le lire, me reprenant 20 fois le mur dans la gueule de ces foutues 20 ou 30 premières pages où il te bizute en racontant qu'il a du mal à s'endormir. Mais c'est comme dans la cour de l'école, le bizutage, il faut bien en passer par là, dépasser la révolte et les blessures narcissiques, pour en venir au vrai sujet.
Et le sujet, Merl, c'est pas Enthoven. Outre l'appréciation tout à fait personnelle et subjective que quand ce bellâtre apparaît sur un écran, il me prend des démangeaisons incontrôlables dans les mains, qui éprouvent une envie irrépressible d'aller à la rencontre de sa face, on est dans ce que j'ai appelé des gens trop pressés. Et qui, comme j'ai dit aussi, sabotent le boulot, alors que l'idée même de la philosophie, c'est d'être un domaine retiré de tous les objectifs de rentabilité immédiate, de prendre son temps sans être pressé par la nécessité, par des délais, c'est d'inventer un temps "scolaire", au sens où pouvait l'entendre Aristote. C'est une activité de loisir (skholè, en grec), quelque chose qui doit être séparé de l'affairement (askholia, dans le même idiome : le non-loisir, l'occupation, les affaires),on a le temps, on n'est pas sommé d'être efficace. C'est du luxe, ça ne sert à rien, c'est juste du plaisir, de se demander pourquoi il y a de l'être plutôt que rien comme le fait Aristote.
Mon plus grand m'a offert pour mon Noël la BD de Jul et Pépin (quelque chose de comparable à Enthoven dans l'idée, si ce n'est le format) Platon Lagaffe, que j'ai lu aux chiottes - c'est tronçonné de telle manière que ça s'adapte bien à ce genre de temporalité.
J'ai vu deux erreurs factuelles - je veux dire : pas une question d'interprétation, mais juste faux en fait. On est pressé, il faut rendre le bouquin pour Noël, on ne vérifie pas. On est dans l'affairement, on s'affaire, mais du coup on déconne.
Remarque en passant : que ce soit Pépin ou Enthoven, on a du mal avec Badiou. Dans le numéro du Nouvel Obs sur les dix intellectuels les plus influents dans le monde paru il y a quelques mois, on a du mal avec Badiou.
Badiou, je l'ai pas lu et d'après ce qu'on évoque, je ne suis pas au niveau. Je l'ai écouté sur Youtube et je comprends ce qu'il dit, mais je n'ai pas lu ses livres. Mais il ne me vient pas à l'idée de raconter des conneries sur un auteur que je n'ai ni lu ni compris (1). Pour le moment, je constate juste le fait qu'il fait bien chier les sociaux-démocrates genre Pépin ou Enthoven, ou Finkie, ou Onfray avec une approche autrement plus burnée et qui les emmerde.
Ce qui me le rend a priori plutôt sympathique. Sans en savoir plus, un garçon qui se fait insulter en permanence pas des sociaux-démocrates ne peut pas être fondamentalement mauvais.
(1) il a donné il y peu une nouvelle traduction de la République de Platon (il se réclame ouvertement comme un platonicien) Ca c'est dans mes cordes, je le lirai, et avec gourmandise : c'est Platon, quand même...Platon, j'en redemande, pas les conneries sociales-démocrates d'Enthoven sur Platon, c'est ça qui fait perdre du temps.