Je donne une explication supplémentaire sur le manque de bien, la privatio boni. , qu'on peut faire ressortir d'une autre manière. C'est ça qui est bien avec la vérité, vous pouvez l'éclairer de tas de manières, ça reste la vérité.
Pour la note perso, j'avais lu l_es Confessions_ de Rousseau et j'étais complètement conquis, et j'ai appris à l'occasion que Saint Augustin avait écrit un livre sous ce titre (et "volé" par Rousseau). Je suis donc allé voir (j'avais 18-19 ans à l'époque, quelque chose comme ça) les "vraies" confessions, celles d'Augustin. Ebloui par cette lecture, et tout particulièrement ce qu'il dit sur l'amour (et aussi les passages beaucoup plus spéculatifs des deux derniers livres), je me suis dit : moi je veux faire comme le monsieur, là. Inutile de préciser que je n'arriverais pas à la cheville et que mes efforts pour être Augustin ont lamentablement planté.
La lecture d'Augustin (et quelques autres) a été déterminante pour moi pour d'autres raisons aussi, mais j'arrête là et je reviens sur la privatio boni, l'absence du bien.
Ce que veut dire exactement "'privation", on pourra y revenir, je vais laisser cela tranquille pour le moment, on y reviendra après si vous voulez.
Mais imaginez la situation : vous êtes paraplégique. Pour des raisons génétiques ou autres, vous êtes incapable de bouger vos jambes et vos bras.
Ca, c'est "mal", mais pourquoi ça l'est ? Ben parce que vous voyez autour de vous des tas de congénères qui marchent et peuvent profiter de leurs bras pour faire des tas de trucs que vous ne pouvez pas faire. Vous êtes donc "privé" de quelque chose qui est supposé vous appartenir comme un pouvoir, en tant qu'être humain.
Mais en tant qu'être humain, vous êtes dépourvu (vous avez un manque) par rapport aux chauves-souris, qui savent voler, et qui ont une espèce de radar pour se diriger, ce dont vous êtes incapable.
Et personne ne dit que Dieu est méchant parce qu'il n'a pas donné à l'homme le pouvoir de voler ou d'avoir les forces de la chauve-souris, des chats et de toutes sortes d'animaux ayant des pouvoirs étonnants.
Pour ces pouvoirs et ses possibilités, nous en sommes simplement "privés". Pas dépourvus, pas handicapés, mais juste "privés", OK ? Pas de la negatio, mais de la privatio, voyez ? On n'a pas d'ailes ni de radar intégré, on est privé, mais ça n'a rien de mal.
La difficulté, ce n'est pas que, en tant qu'homme, nous soyons dépourvus de la possibilité de voler comme les oiseaux (alors que ce serait plutôt bien, comme pouvoir) et personne ne se plaint de cela. Ce n'est donc pas un mal, bien que ce soit une infirmité manifeste. Donc pourquoi les aveugles et les handicapés se plaignent-ils, parce qu'ils sont privés d'un pouvoir, alors que de toute manière, nous sommes privés de tas de pouvoirs ?
Si on entend bien ces raisonnements, on peut conclure (ce n'est pas forcé) que le bien est seulement le souhaitable, par exemple en tant qu'humain, il est souhaitable d'avoir des jambes qui vous permettent de vous déplacer et si vous n'avez pas, vous êtes "privé" et donc c'est mal. Et c'est souhaitable parce que la plupart des humains ont quand même des jambes qui sont supposées leur permettre de se déplacer de manière autonome et que ce n'est pas le but des jambes que d'être seulement un emmerdement, un truc qui vous fait mal et ne sert à rien, comme chez le handicapé.
La privatio boni, c'est juste la constatation d'un écart, d'une différence entre ce qui est (des jambes pourries qui ne marchent pas) et ce qui est souhaitable (ou devrait être : des jambes qui fournissent la prestation qu'on attend des jamnbes), c'est une différence et un écart.
Mais une différence, un écart, ce n'est rien. Ce n'est pas une chose, je veux dire, ce n'est qu'une différence que nous établissons entre deux choses, en l'espèce celle entre ce qui est et ce qui serait souhaitable.