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C'est compliqué. Maurras était pétri de culture païenne, il avait été nourri par Athènes et quand on veut faire le pont (entre Athènes et Jérusalem, comme on dit), c'est pas simple. Je ne suis pas sûr d'entendre ce que vous appelez "naturaliste", mais Maurras ultra suspect pour l'Eglise, c'est évident.
Pour revenir un moment à la digression nantaise, c'est étonnant comme cette ville manque de poésie. J'y suis sensible comme amateur d'art, point de vue qu'on peut ne pas partager bien sûr, et le caractère poétique d'une ville n'est peut-être pas un critère essentiel.
Mais c'est à remarquer, comme la poésie fuit cette ville. Jules Verne, un grand Nantais, n'a rêvé que de voyages lointains, autour du monde, dans le ciel en ballon, à des milliers de lieux sous les mers, dans la lune, enfin bref, tout sauf Nantes, et le plus loin possible. C'est curieux, ce refus du monde, cette escapade vers n'importe quel ailleurs, et comme par hasard inventé par un Nantais, croyez pas ? Croyez pas que cette haine du local, ce déni du réel, cette fuite de la vérité, c'est peut-être aussi Nantes qui le suscite ?
Ou bien, lorsque, malgré tout, Nantes devient poétique, c'est une poésie entièrement conférée du dehors, pour ne pas dire un mensonge. Barbara a écrit une fort belle chanson, mais hors le premier couplet, réaliste:
Il pleut sur Nantes, la ville avait ce teint blafard etc., qui est la part réaliste, dès qu'on s'élève à la poésie, on passe à l'invention : 25 rue de la Grange aux Loups, etc.. Dans les, je sais pas, 500 rues qu'il y a à Nantes, elle n'en a pas trouvé une qui soit un peu poétique, elle a été obligée de l'inventer.
Nous pleurons la mort récente d'Agnès Varda, pas Nantaise mais épouse d'un Nantais, Jacques Demy. Elle a fait à son mari un hommage, le film Jacquot de Nantes, chiant comme la pluie, la pluie qui pleut sur Nantes.
Mais il est à noter que Demy, qui ne parle jamais que de Nantes, au moins si j'en crois Varda, qui est loin d'être une conne et a partagé sa vie pendant plus de cinquante ans, délocalise son propos, comme Jules Verne : ça se passe à Cherbourg, à Rochefort, mais surtout pas à Nantes. On ne l'oublie pas, le troufion joué par Francis Perrin dans les Demoiselles de Rochefort part en perm' à Nantes. Aaah, en perm' à Nantes, jeu de mots, humour, poilade, mais on rit surtout quand on n'est pas à Nantes. Ca peut être drôle d'y aller, mais pas d'y être.