l’absence d’un communautarisme musulman généralisé
Le communautarisme musulman défie l'école
Une note confidentielle des services de renseignements, portée à la connaissance du Figaro , révèle que, de manière insidieuse, une forme de repli identitaire se fait jour dans certains établissements scolaires.
Port du voile dans la cour de récréation, revendication de repas halal à la cantine, absentéisme chronique lors des fêtes religieuses, prières clandestines… De manière inexorable, le communautarisme musulman gagne du terrain dans le système éducatif. À fleuret moucheté, il se propage au risque de faire vaciller le principe de laïcité censé en être la clé de voûte. Dix ans après la promulgation de la loi sur le port des signes religieux en milieu scolaire, le phénomène a pris des contours tels que les experts de la sous-direction de l'information générale (IG) de la Direction centrale de la sécurité publique, rebaptisée Renseignement territorial (RT), ont livré un examen au scalpel d'un fait qui, précisent-ils d'emblée, ne relève pas d'une «stratégie structurée» mais d'«initiatives isolées» susceptibles de «déstabiliser les équipes enseignantes». «Une stratégie à moyen ou long terme que l'on pourrait qualifier d'usure.»
Dans une note confidentielle portée à la connaissance du Figaro, ils dressent un état des lieux nuancé et édifiant. Ce document, daté du 28 novembre dernier, est émaillé d'environ 70 exemples précis à travers la France. Tous sont révélateurs et, parfois, surréalistes. Si l'application du texte du 15 mars 2004 prohibant les signes religieux à l'école «ne semble plus soulever de difficultés majeures», «le port du voile est en plein essor à l'extérieur des établissements, dans quasiment tous les départements». Et de citer le cas d'un lycée à Marseille «où la moitié du public féminin, toutes classes et formations confondues, se présente quotidiennement revêtu d'un voile, soit environ 600 jeunes femmes».
«Certaines adolescentes ne renoncent pas à défier l'autorité», déplore la note en citant le cas de lycéennes scolarisées à Longlaville (Meurthe-et-Moselle) qui bravent le règlement intérieur en se voilant dans la cour de l'établissement. À en croire le document à en-tête de la police et de la gendarmerie nationale, le problème prend toute son acuité quand il «s'agit des parents, la loi de 2004 ne permettant pas de faire face à tous les cas de figure». «C'est ainsi qu'élues par les parents d'élèves, des mères voilées pénètrent dans les établissements pour siéger au conseil d'administration, la tête couverte, sans qu'aucune disposition légale ne les en empêche». Ce qui entraîne la «protestation d'un corps enseignant attaché à la laïcité» et celle des élèves «contraintes d'ôter leur voile» à l'entrée et qui réclament une «égalité de traitement avec leurs aînées». Le nombre des candidates voilées au baccalauréat serait lui aussi en augmentation, puisque «la loi leur permet de se présenter ainsi accoutrées aux examens». Ainsi, en juin 2012, lors d'un concours d'aides soignantes dans un lycée marseillais, les candidates étaient «porteuses de toutes sortes de voiles islamiques», déclenchant là encore un regain de revendications de la part de ses propres élèves.
Le nombre des candidates voilées au baccalauréat serait lui aussi en augmentation, puisque « la loi leur permet de se présenter ainsi accoutrées aux examens ».
Par ailleurs, si elle juge les programmes scolaires «peu impactés», la note pointe des «difficultés», notamment en matière de sciences de la vie et de la terre (SVT), lorsque «certaines familles vont jusqu'à dispenser leurs enfants de cours» quand est abordé le sujet de la reproduction. Par ailleurs, des «contestations peuvent poindre» en histoire-géographie quand sont évoqués des «sujets sensibles» tels que «la guerre d'Algérie, la décolonisation, les harkis, la Palestine, la Shoah».
De manière plus «anecdotique», la note évoque le cas de ce lycée professionnel de Nîmes «spécialisé dans l'hôtellerie et l'esthétique» où le proviseur s'est ému du «refus de goûter les plats contenant du porc», de «préparation de toute autre viande non hallal». L'incompréhension devient totale face aux «refus de goûter les vins et alcools en section œnologie» ou à l'hostilité d'apprenties esthéticiennes de «toucher le corps d'une autre fille ou de procéder à une épilation». Toujours selon les policiers, la «tradition islamique rigoriste» toucherait plus les cours de sport. Ainsi, dans le Châlonnais, deux élèves féminines en moyenne par classe s'opposeraient à se mettre en maillot de bain pour les cours de natation, allant jusqu'à prétexter de mystérieuses allergies au chlore… «Dès lors, pour éviter tout problème, le cycle de natation a été supprimé pour les secondes, raconte la note. Les premières et les terminales se voient proposer un sport de substitution.»
Les «chefs d'établissement paraissent particulièrement démunis»
Au registre des «signes avérés de repli» face auxquels les «chefs d'établissement paraissent particulièrement démunis», les analystes du Renseignement territorial mentionnent pêle-mêle les cas d'un interne à Breuil-le-Vert (Oise) qui «réveillait ses trois coreligionnaires tous les matins à 6 heures pour la prière», de cet entraîneur en sport études de Wittenheim (Haut-Rhin) proposant à «l'équipe de football de faire la prière avant chaque match», les «corans posés sur les coins de table» par défi, ou encore de ces sonneries de portable lançant des «appels à la prière ou chants coraniques».
Et les policiers de désigner ce qu'ils appellent les «jeunes gardiens de l'orthodoxie», qui, «un peu partout sur le territoire national (…) distribuent conseils et remarques, avec parfois beaucoup d'agressivité». Les pressions, qui viseraient en particulier les filles «placées sous la surveillance constante des garçons», atteindraient leur paroxysme en période de ramadan. Ainsi, un lycéen de Chalon-sur-Saône autoproclamé «gardien de la loi islamique» a frappé une camarade musulmane de seconde car elle ne consommait pas hallal. Plus récemment, un élève de Valence a été quant à lui épinglé pour imposer aux «filles de s'habiller plus sobrement, sans maquillage, ni bijoux».
Face aux «sollicitations permanentes pour la nourriture halal», des municipalités n'hésitent plus à anticiper d'éventuelles requêtes, même si les instructions académiques départementales autorisent, en vertu d'une circulaire d'août 2011, la mise à disposition d'un plat alternatif lorsque le porc est prévu au menu des cantines. Ainsi, en décembre 2012, la municipalité du Havre (Seine-Maritime) avait préféré retirer des cantines des mousses au chocolat au prétexte qu'elles contenaient de la gélatine de porc. «L'adjoint au maire concerné, arguant d'une “nécessité sanitaire”, a fait jeter à la poubelle les 8500 entremets et provoqué l'émoi médiatique», ponctuent les auteurs du rapport avant de trouver une situation «plus problématique» à la cantine d'un collège de Lingolsheim (Bas-Rhin), où «se constituent des tables “sans porc” auxquelles les enfants non musulmans ne peuvent s'asseoir que si le contenu de leur assiette répond à ce critère»… Enfin, si les exigences en termes de pratique de la prière sont «rares» en milieu scolaire, la note remarque cependant quelques manifestations éparses. Ainsi, dans un lycée francilien, «les élèves avaient déployé des tapis de prières dans un coin des gymnases afin de se livrer à cette obligation religieuse». Ou encore la présence d'une «salle de prière clandestine» dans un local attenant à la cuisine d'un établissement nîmois où un agent de service affirme y avoir vu jusqu'à une trentaine d'élèves y prier simultanément. À Vénissieux et à Oullins (Rhône) ou encore à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), une cour de récréation, une salle de permanence et un couloir, entre deux portes coupe-feu, ont respectivement servi de cadre de fortune à cette ferveur religieuse.
Globalement, décryptent les experts du renseignement territorial, «le profil des élèves mis en cause pour des comportements contraires aux principes de laïcité présentent souvent des similitudes».«Fragilisées», ces jeunes recrues de l'islam, «particulièrement perméables aux discours de groupes prosélytes», sont «livrées à elles-mêmes». À croire que ces rejetons perdus se sont éloignés du chemin de l'école, au point d'en garrotter l'esprit républicain.
Absentéisme record pour l'Aïd
«Lors des fêtes musulmanes, et plus particulièrement lors de l'Aïd- el-Kebir, des classes sont désertées»: ce constat évoqué dans la note du Renseignement territorial serait d'autant plus chagrinant que «ce phénomène s'enracine dans le temps et prend de l'ampleur». Statistique à l'appui, la stricte observance de la «fête du sacrifice» se traduit cette année par des taux d'absentéisme records. Le jour de la «fête du mouton», ils atteindraient, selon le rapport, les 90% aux collèges Vilar à Saint-Gilles (30) et La Reynerie à Toulouse, 80 % pour l'Ariane et 50% pour la zone des Moulins, deux quartiers de Nice, ou encore 24% au collège Albert-Camus de La Chapelle-Saint-Luc. L'absentéisme concernerait aussi «les deux tiers des effectifs dans les établissements des grandes villes de Picardie (Amiens, Creil ou Compiègne)». «Fait nouveau, ce phénomène affecte les écoles primaires», avancent les services de renseignement qui énumèrent, toujours à l'occasion de l'Aïd, des taux d'absentéisme culminant à «95% à l'école élémentaire Vaillant dans le quartier Pissevin de Nîmes, 90 % à l'école élémentaire Wallon dans le quartier Valdegour de Nîmes» ou encore à «80% à l'école primaire Edouard-Herriot de Châtellerault».
La période du ramadan est aussi sensible. La dernière fois qu'elle s'est déroulée en période scolaire remonte à 2010: cette année-là, précise la note, «il n'était pas rare que les élèves sollicitent, en vain, les responsables afin de disposer de salles pendant les heures d'études dans le but d'étudier le Coran». De plus, affirment les auteurs, cette «période génère des comportements inquisiteurs qui se caractérisent par des insultes, des brimades, voire des menaces à l'égard des élèves d'origine maghrébine qui n'observent pas le jeûne, lesquels tendent à obtempérer ou à simuler». Les difficultés devraient se reposer d'ici deux ans, le ramadan devant coïncider avec la période du baccalauréat.
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