@liberté#4351548
Non, ce n’est pas 70 ans
Des dizaines de milliers d’ouvrages ont été rédigés depuis le XIX° siècle sur l’âge des Évangiles, sur les conditions dans lesquelles ils ont été rédigés, et par qui. Par exemple Jérôme Prieur et Gérard Mordillat ont écrit et réalisé en documentaires télé l’exceptionnel et relativement récent « Corpus Christi ». En vente chez Arte, tant pour les volumes écrits que pour les doc vidéos. Mais il y en a mille autres.
Les historiens, les scientifiques et les archéologues du monde entier ont élaboré les techniques les plus à même de dater un document scriptural, écrit, quel qu’en soit le support. De le dater si cela est possible, ou d’estimer à quelle époque celui que l’on détient a été rédigé, s’il ne s’agit pas de l’original. Il y a principalement deux méthodes.
Soit l’on peut dater le support. Les méthodes modernes de datation permettent de dater un document, quelle que soit la nature de ce document. L’on a daté avec une relative précision la vingtaine de « linceuls du Christ », le « linceul de Turin par exemple », présents aujourd’hui en Europe dans des collections privées ou dans des fondations religieuses. Pour tous, le tissu, et les peintures utilisées, sont datés majoritairement du XIII° siècle, et quelques-uns du XIV°. Les techniques de datation ne permettent pas de mettre en doute ces résultats. Les seigneurs croisés, sans doute en quête de souvenirs de leurs épopées guerrières placées sous le signe de la Croix, les rapportaient du Moyen-Orient en guise de souvenirs. Le Moyen-âge a été l’âge d’or des reliques chrétiennes.
Mais l’on peut ne pas disposer de l’original du document à dater d’une manière scientifique. L’on pratique alors une recension. L’on cherche quel document a donné naissance à celui que l’on possède. Quel document il a copié. Et partant de ce dernier, l’on opère ainsi en remontant dans le temps, jusqu’au document d’origine, ou jusqu’à celui daté le plus près de celui estimé d’origine. L’on cherche dans les textes ce qui varie de l’un à l’autre, ce qui permet d’estimer à quelle époque l’on a apporté telle ou telle modification au texte.
L’informatique fait des miracles en ce domaine en permettant des résultats rapides et exhaustifs, quant aux périodes de rédaction des textes, ou des parties d’un texte, mais aussi quant aux auteurs d’un texte. Elle permet de montrer si un texte est d’une seule main, de plusieurs, et en fonction du support, à quelle époque telle ou telle modification a été apportée.
D’innombrables chercheurs ont opéré en ce sens. Et toutes les recherches et études parviennent aux mêmes résultats. À savoir que les bribes de texte des Évangiles que nous connaissons et qui sont les plus anciennes, peuvent être avec certitude datés d’entre les les IV° et VI° siècle. Même Jérôme Prieur, ancien franciscain et émule des Jésuites, en convient dans ses œuvres magistrales citées plus haut. Les commissions historiques papales ad-hoc du Vatican le reconnaissent depuis longtemps.
Il y aurait paraît-il une exception. Une fondation suisse prétend possèder un fragment de l’un des Évangiles qui aurait été daté de l’an 165. Mais comme personne n’a pu étudier ce document, à fortiori le dater, seulement vu par quelques personnes, et qu’il s’agit d’un fragment de manuscrit de la taille d’un grand ongle, le doute fait plus que subsister.
Les recensions montrent que les Évangiles ont été réécrits et mis en forme principalement entre les VII° et X° siècles p.e.c. Ils n’ont acquis leur forme presque actuelle qu’au X° siècle. Et certains éléments considérés maintenant comme majeurs, ne sont apparus dans les textes écrits et dans les représentations, peintes, sculptées, ou dessinés, qu’au XI° et XII° siècle. C’est le cas des instruments de la passion. La lance, la blessure au côté, l’éponge et le vinaigre, le Saint Graal. Cette partie de l’histoire n’est apparue que pendant les croisades. Il est vraisemblable que les masses populaires avaient besoin d’images « vives », pour se mettre en chemin.
Les chrétiens savent-ils tous que jusqu’à bien après la Renaissance, les fidèles avaient interdiction de détenir un exemplaire des Évangiles ? Seuls les seigneurs en détenaient un. La majorité des prêtres n’en possédaient pas, et d’ailleurs généralement ne savaient pas lire en dehors de ceux venus de familles nobles ou dirigeantes. Qui tous avaient des postes élevés dans la hiérarchie catholique. C’est cette hiérarchie, sur ordre du Vatican et de l’Inquisition, qui ne voulait pas qu’ils en possèdent. Ce qui est intéressant est de se demander pourquoi.
C’est le même principe, celui de la volonté d’exiger la non connaissance hors des prêtres « de qualité » des textes des Évangiles, qui a amené la hiérarchie catholique à l’installation de jubés dans les églises. Les fidèles ne doivent pas souvent se poser la question. Entre parenthèses, celui de sainte Cécile à Albi est certainement le plus beau qui existe. Si vous passez par là-bas, que vous soyez bouddhistes, sikhs, juifs, musulmans ou chrétiens, ne manquez surtout pas la cathédrale d’Albi. C’est la plus belle de France, probablement d’Europe. Saint-Pierre de Rome étant hors concours. Mais elle, elle est une partie de l’Histoire.
Mais l’historique des Évangiles suffit à cette discussion pour le moment.
Pour plus amples renseignements en ce domaine de la connaissance des Évangiles par les prêtres, se référer à Emmanuel Le Roy Ladurie et à son monumental « Montaillou, Village Occitan ». Le premier ouvrage que les enseignants des facs d’Histoire demandent à leurs étudiants de lire.
Il n’est pas question de foi dans mon texte. Seulement de science et d’Histoire. Mais une discussion logique et intelligente sur les religions se doit d’abord de faire abstraction de la foi. Sinon tout est possible, l’on peut dire n’importe quoi ou son contraire. Mystère de foi ! Pan dans les gencives, c’est mon Jocker !
L’intéressant est l’Histoire, la vraie, appuyée sur les faits, la science et la logique. Pas sur la foi. Le mystère de foi est réservé aux personnes auxquelles il manque quelques neurones au niveau du sens logique et du raisonnement. Mais il n’est écrit nulle part que les mères doivent donner naissance à des mouflets dont le cerveau doit être impérativement terminé. Parfois, il l’est presque, mais pas tout à fait. Mais comme l’on prétend qu’il faut de tout pour faire un monde, tout est bien ainsi.