Candidat à l'abélisme " j'ajoute ici un passage du site auquel je soutiens :( voir ma signature) :
""A son tour il interrogea :
- Vous arrive-t-il de voter pour décider collectivement de quelque orientation, dans votre vie citoyenne ?
- Nous ne faisons que cela, dit un garçon. A côté de ce que tu connais, notre régime te semblerait un type de démocratie directe, bien éloigné du vôtre.
- Nous avons aussi ce qui peut rappeler vos partis politiques, dit la fille, mais en plus éphémère. Des mouvements, plutôt que des partis : ils se génèrent spontanément pour défendre une idée et se dissolvent aussitôt que le but est atteint. Nos débats sont nos seules actions, en cela qu’ils se prolongent naturellement par un vote. Ceux qui déclenchent un regroupement sur un thème, n’ont rien de spécialistes et ne seront pas nécessairement, un jour, aux postes de décision...
Steff était bien intégré à la soirée. Les échanges furent denses et très instructifs. Il n’aurait pas pu faire un résumé de l’entretien, un livre n’y aurait suffit, mais il avait retenu l’essentiel.
Une des activités favorites des gens du lieu, et dès le plus jeune âge, était la politique : c’est-à-dire le souci de participer à la vie de la cité et aux décisions prises par les responsables.
Les réseaux informatifs, et parfaitement interactifs, permettaient de multiples échanges. Certaines heures, et jours, maintenaient les populations devant les écrans, claviers et microphones. Ces rassemblements des attentions, sinon des personnes, se faisaient sans contrainte, tellement la passion était forte. Il est vrai que nul n’avait de risques à manquer un spectacle télévisuel, ceux-ci étant accessibles, à n’importe qui, individuellement, et à tout moment. Des questions étaient posées qui, parfois, faisaient naître des émissions informatives spéciales. Des échanges contradictoires étaient étalés au su de tous, des références multiples renvoyaient à l’aide du documentarium. Cette population était la mieux renseignée qui fût et la plus motivée. Souvent les décideurs faisaient appel à la consultation populaire.
Quant à ces « gouvernants», ils alternaient aux commandes selon des échéances prévues par la constitution, mais pouvaient être révoqués bien avant d’avoir achevé leur mandat. Encore que, au fil du temps, le risque s’estompât, sagesse aidant.
Les équipes candidates au gouvernement devaient faire la preuve de la compétence de leurs membres. Une multitude de diplômes était exigée, ce qui allait bien dans le sens de la boulimie de savoir, propre à ces populations.
Aux époques électorales, des projets précis et détaillés selon un échéancier, devaient être soumis à la réflexion de chacun. Des groupes d’études spontanés se créaient pour les critiquer ou les amender. Des spécialistes établissaient des tableaux de comparaison, tout comme en réalisaient, au pays de Steff, les instituts de consommation. Des sondages entraînaient des correctifs. Enfin les équipes qui se proposaient à mettre en oeuvre les programmes se soumettaient aux élections.
Bien sûr, des avantages étaient alloués à ceux qui se dévouaient pour ces responsabilités, mais ils encouraient de sérieux risques. Les tribunaux et les mouvements spontanés de citoyens, veillaient à l’application des plans d’action. Une équipe pouvait être renvoyée en cas de manquement grave, des punitions (sous la forme de travaux à exécuter, ou diminution de pouvoir d’achat) étaient infligés à ceux qui auraient manqué à leurs promesses. Là, comme partout, la notion de responsabilité ne se concevait pas sans contrepartie de récompense ou de punition !
- Je vois soupira Steff, un peu fatigué, qu’ici, la sévérité et la rigidité s’appliquent surtout en matière de procréation, d’éducation, et de gouvernement ?
- Ne trouves-tu pas que, dans ton monde, vous êtes mal éduqués, mal instruits, mal gouvernés ? demanda Carène, avec dans le regard une insistance, qui titilla la petite révélation intuitive, qu’il avait ressentie, un instant plus tôt. Il crut bon de protester :
- Pourtant nous tenons autant que vous à certaines libertés. Nos moeurs évoluent un peu dans le sens où vous semblez être parvenus vous-mêmes.
- Mais vous n’y allez pas par le même chemin, interrompit Carène. La liberté relative à vos moeurs ne témoigne pas d’un réel progrès, mais plutôt d’une exploitation prévue de votre décadence à venir.
- Pourtant nous débattons à ce sujet.
- Mais vous ne voyez pas que la grille de vos débats est mise en place par ceux-là mêmes qui, dans l’ombre, profitent de vos faiblesses et de votre désordre, dit Carène. Et le ton incisif qu’elle employa culpabilisa Steff. Que voulait-elle de lui ?
Un garçon osa une conclusion : Vos plaisirs semblent identiques aux nôtres, mais on dirait qu’ils vous affaiblissent au lieu de vous grandir. A quels désordres allez-vous arriver, alors que vos penseurs en appellent sans cesse à plus d’humanité. Que ne puissiez-vous concilier droits de l’homme, comme vous dites, avec un devenir serein et sain, pour tous. Quels éléments pervertissent vos idéaux ?
- Je n’ai pas une vision assez élevée sur les choses, dit Steff. Dans ma province, on aspire à la vie simple et tout se passe chez quelques élites de la capitale."