france2100 PS : de quoi dérive donc le désir d'égalité sous-jacent au marxisme d'après vous ? Le marxisme ne rejettait pas toute morale, seulement une certaine morale au profit d'une autre. Le christianisme au profit du progressisme, qui évolua ensuite dans le second XXè. Ironiquement le progressisme était déjà bourgeois au XIXè, bien que cohabitant avec d'autres idées.
Je ne peux pas tout reprendre, juste une chose sur ce passage, qui semble m'être adressé. Juste une clause que je mets, qu'on soit bien d'accord.
On peut traquer le "désir d'égalité sous-jacent", aller y chercher des présupposés rousseauistes (pas du goût de Carl Schmitt à l'évidence) comme quoi les hommes seraient égaux par nature, etc. On peut le prendre comme ça, mais je souligne une considération qui vaut d'ailleurs pour beaucoup d'idées de Marx, qui sont prises de travers par négligence de cet élément. Qui est qu'on est dans la mésentente en transformant des propositions que Marx tient comme des constats comme étant des souhaits, l'expression de ses désirs. Ainsi, quand il parle de "lutte des classes", on entend qu'il veut la lutte des classes, alors que dans son esprit il ne fait que décrire ce qui existe. Alors qu il ne l'établit pas en considérant ses désirs, mais les études historiques. Ou on dit que c'est un extrémiste, qui "veut" la dictature du prolétariat", en imaginant peut-être qu'elle arrivera parce que lui, il le veut.
C'est pas comme ça que ça marche.
En ce qui concerne l'égalité, ce n'est pas le désir de Marx, ni des prolétaires, ni de personne, ce n'est pas un désir. Ce qui existe, c'est le système capitaliste, qui rabote absolument tout, qui renvoie au magasin des vieilleries toutes les différences (locales, de castes, de milieu, de sexe, d'ordres, de hiérarchies plus ou moins imaginaires, etc.) pour tout mettre sous la coupe du règne du pognon. Si tu as la thune, tu peux faire le même parcours de golf que le duc de Windsor, rien à foutre que tu sois un roturier. Peu importe que ta mère soit une bonniche et ton père un pauvre roulier, tu as la thune, t'es comme le duc de Windsor. Tu achètes tous les châteaux que tu veux et tu niques ses quartiers de noblesse.
En ce qui concerne maintenant les basses classes, il se trouve qu'elles sont de plus en plus égalisées. De Dunkerque à Tamanrasset, la condition d'un ouvrier est de plus en plus la même et les localisations, les races, les particularités vont à l'abîme.
Et ce n'est pas la faute à Marx, ce n'est pas lui qui l'a voulu, c'est juste comme ça et il faut raisonner à partir de cela.
De même pour l'internationale : il se trouve que la bourgeoisie est internationale - ça c'est un truc sur lequel il ne s'est pas gouré, je crois -, mais c'est pas parce qu'il le souhaite. Et il se trouve que les prolétaires ont de plus en plus les mêmes problèmes, pas parce qu'ils le veulent mais parce que c'est comme ça.
La question n'est donc plus de savoir si les prolétaires ont envie d'être égaux, le système lui-même le leur impose, que ça leur plaise ou non. Ils ont tous les mêmes salaires, les mêmes baraques, les mêmes fringues, les mêmes bagnoles et ils en arrivent à l'idée qu'ils sont donc égaux, mais pas parce qu'ils en ont formulé le désir.
Autre exemple : la famille. C'est important, puisque je rappelle que le programme communiste, s'il faut s'en tenir à la base minimale, c'est l'abolition de la propriété privée, de la famille et de l'Etat. Mais l'abolition de la famille, c'est déjà fait, d'après Marx, et pas par les communistes et leurs "désirs". C'est déjà fait parce que pendant que papa va se saouler la gueule au café en laissant les gamins se démerder comme ils peuvent, qu'avec un peu de pognon, tu peux te taper sa femme, cependant que la liberté autorise la tienne à aller baiser avec qui elle veut, il n'y a plus de famille mais c'est pas parce qu'on veut être marxiste. (Ca s'applique aussi à Marx bourgeois lui-même, qui a engrossé la bonne). Les désirs de baiser sans entrave, c'est peut-être dans le programme communiste, mais dans la société capitaliste, ce n'est plus un rêve, c'est la réalité.
