L'étude du CAC entend démonter la logique à l'œuvre derrière l'équation « montée de la dette = croissance excessive des dépenses publiques ». Pour parler simplement, l'Etat vivrait au dessus de ses moyens. En réalité, il faut aussi regarder du côté du ralentissement des recettes.
« L'augmentation de la dette de l'Etat ne peut s'expliquer par l'augmentation des dépenses, puisque leur part dans le produit intérieur brut (PIB) a chuté de deux points en trente ans. Si la dette a augmenté, c'est d'abord parce que, tout au long de ces années, l'Etat s'est systématiquement privé de recettes en exonérant les ménages aisés et les grandes entreprises », avancent les auteurs, dont des membres d'Attac et des Economistes atterrés.
Sur la même période, les recettes ont chuté de 5,5 points.
Depuis 1980, on observe une sorte de cycle avec des périodes d'augmentation du déficit (la zone grisée se gonfle). Après quelques années, les dépenses sont réduites pour s'ajuster à la baisse des recettes, du coup le solde (l'écart entre les deux courbes) se réduit. En clair, on resserre les cordons de la bourse jusqu'à la prochaine période de croissance... ou la prochaine élection.
« Une autre dette était possible »
Premier constat, si l'Etat n'avait pas laissé chuter ses recettes assez fortement à partir de 1998, le niveau de la dette serait bien plus bas qu'actuellement.
Le graphique ci-dessous montre l'impact des cadeaux fiscaux sur le ratio dette/PIB. En se privant d'une partie de ses recettes, l'Etat a laissé la dette s'accroître jusqu'à représenter 90 % de la richesse produite par le pays, alors que ce ratio aurait pu être ramené à 72 %.
Ensuite, l'étude souligne la cherté des taux pendant la période de 1985 à 2005 : prenant comme hypothèse que l'Etat aurait pu emprunter à 2 % (si la politique monétaire du « franc fort » puis de l'« euro fort » n'avait pas poussé les taux beaucoup plus haut), ils calculent que la dette publique aurait été inférieure de 29 points de PIB à son niveau actuel.
Au bout du compte, si l'on retire 29 points de PIB pour les intérêts et 18 points pour les cadeaux fiscaux, on arrive à cette conclusion : « Si l'Etat n'avait pas réduit ses recettes et choyé les marchés financiers, le ratio dette publique sur PIB aurait été en 2012 de 43 % au lieu de 90 % ». Soit largement sous le seuil des 60 % fixé par Bruxelles.
Une addition payée par les ménages
Le collectif y voit une « stratégie néolibérale » décrite ainsi : « La tendance permanente au déséquilibre budgétaire est donc engendrée par les choix de politique fiscale qui à leur tour viennent ensuite légitimer le recul ultérieur des dépenses publiques. »
Et de dresser la liste des gestes de l'Etat depuis 2000 : baisse de la taxe d'habitation, baisse de l'impôt sur le revenu, suppression de la vignette automobile... Des mesures destinées explicitement, sous la présidence de Jacques Chirac, à restituer aux Français la « cagnotte » des années de croissance.
Cette générosité, non dénuée de visées électoralistes, ne sera pas démentie sous Nicolas Sarkozy, alors que la croissance n'est plus à l'ordre du jour. Et se poursuit sous la présidence de François Hollande.
« C'est l'augmentation du taux normal de la TVA au 1er janvier 2014 à 20 % qui doit financer le Crédit d'impôt compétitivité emploi. De même, ce sont les coupes de 50 milliards dans les dépenses publiques qui doivent financer de nouvelles baisses de cotisations dans le cadre du Pacte de compétitivité décidé début 2014 », accusent les économistes. L'addition, salée, est donc payée au final par les ménages : hausse des prix à la consommation, moins de services publics...
Source: le monde - Dette : les choix de l'Etat sont-ils pertinents ?