L'Euro et le déficit d'organisation de l'Euroland
Posté le : 25 avril 2014 12 |
Catégorie : Attitudes - Monnaies et changes - Zone Euro
Les élections européennes vont remettre sur le devant de la scène la question de l'Euro. Le débat portera sur "oui à l'Euro", "non à l'euro".
L'Euro n’est pas actuellement menacé s'il l'a jamais été, et, en vérité, la question ne se pose pas.
En revanche, le mode d'organisation de la zone Euro, si poétiquement appelé Euroland, est une des questions difficiles qui se pose avec acuité et urgence.
Comme tous les "soft powers", la gestion de la zone Euro s'est révélée extrêmement inefficace et lente lorsque la tempête a soufflé.
L'Europe de l'Euro s'est découverte sans moyens d'action, sauf à violer tous ses principes.
Comment gère-t-on une crise de surendettement qui provoque une chute de l'activité ? Les économistes étaient à peu près d'accord depuis 1929 qu'il fallait agir par la création monétaire à tout va, coordonnée avec une relance budgétaire.
Plus doucement, on ajoutait :
- un peu de dévaluation mais pas trop pour ne pas indisposer les copains
- par un peu d'inflation, mais trop, pour ne pas euthanasier les rentiers complètement
- par un grand emprunt, pour assécher les excès de liquidité et financer le plan de relance.
Qui gère le cours du change en Europe ? Ne répondez pas tous à la fois. Juridiquement c'est l'Eurogroupe. Si vous l'avez entendu s'exprimer sur la question, bravo ! Si vous avez compris de quels moyens il dispose pour agir, encore bravo ! Dans la pratique le levier du change a été abandonné par les nations et non repris à l'échelon européen. Il est vrai que la doctrine dominante veut que le change varie en fonction du marché. Rions ensemble mes bien chers frères ! F. Fillon rappelle à juste titre que Maastricht permet de faire des recommandations à la BCE. Mais que l'Allemagne ne voulant pas, cette arme a été abandonnée.
La BCE a comme rôle statutaire de lutter contre l'inflation. Pas plus de 2 %.
Les budgets sont contraints par les deux normes européennes : 60 % de dettes et 3 % d'impasse par rapport au PIB.
Pour la relance, chacun fait ce qu'il veut.
En un mot, le mode d'organisation de la zone Euro interdit tout moyen d'action "normal" en cas de crise. Il faut que chacun mange son chapeau et viole toutes les règles, pour réagir.
Comment s'étonner que la réponse ait été tardive, hésitante, mal centrée et finalement désastreuse, plusieurs pays étant envoyés goûter l'enfer économique d'une dépression extravagante, avec quasi-liquidation de la classe moyenne.
L'ennui du viol de ses principes, c'est qu'il donne mauvaise conscience. Il faut tôt ou tard revenir à la norme. Le traité Merkozy est là pour cela. C'est bien par la dépression sélective à l'intérieur de la zone euro qu'on retrouvera les grands équilibres.
Pour la France les résultats sont cinglants :
- nous allons la queue basse devant les Commissaires faire valider notre plan de correction par la dépression.
- nous avons perdu toute autonomie et tout pouvoir sur les flux de populations, les flux commerciaux et les flux financiers.
- notre monnaie est grossièrement surévaluée par rapport à notre propre situation.
- nous allons vers les 100 % de dettes publiques par rapport au PIB
- les riches paient entre 80 et 1xx % d'impôts et ne songent plus qu'à partir en courant.
- la dépense publique et les prélèvements excèdent la production des entreprises de plus de une personne du secteur marchand privé.
- il nous manque entre 5 et 10 millions de salariés dans le secteur marchand.
- nous avons un mendiant devant chaque supérette et chaque boulangerie, en même temps que nos dispositifs d'accueils sont saturés de demandes impossibles à satisfaire.
- les vols explosent et la police est débordée.
- des milliers de bons Français vont faire le djihad et enlèvent d'autres Français contre rançon.
- la justice est en déshérence.
- l'enseignement national sombre.
- l'hôpital n'y arrive plus.
- notre armée fait rire même en Afrique pour des opérations humanitaires (l'affaire ukrainienne après la Syrie a montré notre totale impuissance en cas de conflits sérieux).
À chaque fois qu'on veut agir on tombe sur une impossibilité venant de l'Europe, soit pour des raisons de droit soit pour des raisons d'organisation. On dira : les Français sont capables de se suicider tout seuls. Les trente-cinq heures et les autres folies socialistes comme la retraite à 60 ans et le statut des intermittents du spectacle ou le "sociétalisme" délirant, ce n'est pas l'Europe mais bien le gouvernement choisi par les Français.
Ce que la crise a montré est qu'on ne peut pas conduire une politique par la norme. Ce concept est mort. Il faut, en matière économique, une action quotidienne et n'abandonner aucun levier de pouvoir. Il faut agir et réagir. Lorsqu'il n'y a ni cabine de pilotage, ni moteurs, ni gouvernes, ni pilote, ni plan de vol, il devient difficile d'atterrir en douceur en cas de crise et de redécoller avec énergie lors d'un nouveau départ.
La demande de "gouvernement économique" est générale, dès qu'on réfléchit à la manière dont la crise a été gérée. Giscard a proposé l'idée d'un Directoire. Fillon la reprend en la complétant d'un dispositif permettant d'assurer un correctif démocratique. Tout le monde sait bien que Mme Merkel, qui a imposé le resserrement des normes avec le traité Merkozy, n'en veut pas. La position de Mme Merkel est indéfendable. Elle traduit un mercantilisme hyper-nationaliste à la tudesque en même temps qu'elle détruit l'idée même de zone Euro avec liberté totale des mouvements d'hommes, de marchandises et de capitaux.
Soyons clair : il est impossible d'accepter que la nation la plus grande d'un ensemble de monnaie unique gonfle indéfiniment un excédent commercial délirant vis-à-vis des autres. La conséquence est immédiate : la monnaie se retrouve dans les mains allemandes. Il faut alors les replacer. Mais où, sachant qu'on est déjà en excédent ? Dans des sottises. C'est l'argent capté par les Allemands qu'on retrouve dans toutes les opérations immobilières des pays du "club med", du Portugal à Ibiza, de l'Italie à la Grèce, mais aussi dans les subprimes américaines et les placements abusifs en Irlande ou en Islande. Ce sont toutes ces opérations qui se sont révélées en danger. Les différents plans dits de sauvetage ont été largement destinés à renflouer les projets d'investissements allemands en grand danger de tout perdre.
Une zone de monnaie unique sans organisation et uniquement gérée par la norme est une curiosité.
La constitution d'un gouvernement économique pose deux grandes questions :
- Doit-on l'envisager dans le cadre de la Commission ?
- Quel doit être son champ d'action ?
Mme Merkel ne veut entendre parler que de la Commission dont la supranationalité, l'alignement européen et la faiblesse lui conviennent. Des personnalités aussi appuyées que Barroso, Ashton et Van Rompuy, c'est elle.
Résumons : pas de gouvernement économique et si un croupion est mis en place, que ce soit via la Commission.
Nous sommes radicalement opposés à cette vision.
D'abord parce que les décisions à prendre sont si précises et lourdes pour les citoyens que le simulacre de démocratie qu'est l'appareillage de l'UE ne convient pas.
D'autre part, l'UE n'est pas la zone Euro. Il n'y a strictement aucune raison pour que des pays qui ne participent pas jouent un rôle dans la gestion de l'Euro.
Notre préférence va à un Chancelier de la zone Euro qui aura pour fonction de piloter les changes et la politique monétaire , en liaison avec la BCE, dont l'objet sera modifié pour intégrer le plein-emploi et la croissance, de contrôler les compatibilités budgétaires et de vérifier la compatibilité des politiques sectorielles afin d'éviter les divergences de trajectoire.
Nous souhaitons lui associer trois comités ad hoc, avec les représentants gouvernementaux des pays concernés, et une chambre consultative restreinte avec des délégués des différents parlements nationaux.
La mission exécutive de ce Chancelier sera d'abord de gérer le change et de promouvoir un système de changes fixes et ajustables comme système monétaire international. Il définira la politique monétaire en liaison avec la BCE. L'indépendance de la BCE sera garantie, mais comme aux Etats-Unis et partout ailleurs la politique générale viendra des Etats. On peut également confier au Chancelier la gestion des mécanismes de solidarités financières et la résorption de la dette.
Pour le reste, il n'a qu'un pouvoir de suggestion avec droit de veto contre des mesures qu'il estime dangereuses. Il peut dire non par exemple à, un déficit budgétaire extravagant ou une mesure comme la réduction du temps de travail, si elle n'est pas prise par tout le reste de la zone. Etc.
La structure n'a pas à être lourde. Nous suggérons qu'elle soit installée à Paris pour compenser le fait que le siège de la BCE soit en Allemagne.
On dira : il faut un traité, alors que l'idée du directoire n'en impose pas. On le fait et on agit dans le cadre des traités existants.
L'argument a du poids. Et il évite une dépossession trop apparente des Etats.
En fait, la discussion sur une organisation plus serrée de la zone Euro serait bénéfique. Au moins seraient posées les questions clé :
- Gère-t-on le change et comment et pourquoi ?
- Comment évite-t-on les divergences d'évolution entre les membres de la zone et les déséquilibres naissants ?
- Comment assure-t-on la convergence des économies autrement que par la déflation et la dépression ?
- Comment lutte-t-on contre la spéculation internationale ?
- Quelle vision et quelles propositions porte-t-on à l'échelon international ?
- Comment élimine-t-on le stock de dettes ?
Et au moins on aurait une chance que ces problèmes cruciaux soient, un jour, traités autrement que par l'horreur économique.