Mario Draghi et le cours de l'Euro
On connait la ritournelle qui prévaut dans les milieux économiques internationaux, notamment anglo-saxon : le change d'une monnaie ne doit dépendre que l'offre et de la demande sur un marché des changes le plus parfait possible. On doit donc laisser les marchés de capitaux à court terme aussi libres que possible pour que la vérité économique des cours apparaissent. Du coup l'optimisation des placements sera quasiment automatique. Les taux d'intérêt et les prix des produits seront véritables et correspondront bien à l'équilibre souhaitable. Les chocs extérieurs, seuls envisageables, seront gentiment absorbés. Le bonheur !
Les Etats doivent ôter leurs sales pattes des marchés monétaires et financiers pour éviter les distorsions. Les banques centrales ne s'occupent légitimement que d'une chose : éviter l'inflation. On aura alors une bonne monnaie permettant des calculs économiques justes.
Cette théorie est une farce. En quarante ans de ce système, les déficits et les excédents monstrueux n'ont cessé de fleurir, l'endettement mondial de grossir, les crises ont été constamment plus dures et la croissance plus basse.
Les monnaies ont effectivement flotté mais sans autre raison que la force des spéculations les plus moutonnières ou les plus informatisées, les effets de la fixation des marchés par quelques intervenants importants, ou l'intervention des banques centrales. Les transactions proprement commerciales ne représentent pas 1/10.000e des flux et ne les orientent pas.
La peur y est un facteur décisif. Les paniques sur les monnaies sont une constante depuis 1971.
La théorie est donc fausse et les pratiques ne correspondent en rien à ce qu'elle stipule. Les Etats usent et abusent de manipulations monétaires : le Yuan, le Won, le Yen, le Dollar, la Livre britannique, le Franc Suisse ont tous des cours artificiels liés aux pratiques des gouvernements.
Jusqu'ici le seul bon élève était l'Euro et la BCE. Il fallait voir les contorsions de JC Trichet dès que la question du cours de l'Euro venait sur le tapis ! C'était d'un comique achevé. La langue de bois était polie comme un miroir.
Après un nouvel épisode de crispations monétaires, avec de lourdes dévaluations dans de nombreuses nations émergentes, après les Abenomics théorisant la dévaluation du Yen pour lutter contre la déflation, après les mille manipulations de cours que l'on constatent depuis le 1er janvier sur des marchés affolés, voici que Mario Draghi explique qu'il fera baisser le cours de l'Euro !
On ne peut que se féliciter que l'Euro ne soit plus ce ballon crevé dans lequel tous les autres donnaient des coups de pied. Et ricaner de voir qu'il ne reste plus rien des justifications théoriques qui "fondent" le système monétaire international, malgré des justifications alambiquées qui ne trompent personne et n'ont pour but que de faire révérence aux principes que l'on viole. .
N'est-il pas temps de constater qu'une théorie constamment prise en défaut est fausse ? Le marché libre et pur permettant en concurrence parfaite de déterminer le meilleur taux des devises n'existe pas, n'a jamais existé et n'existera jamais.
Si la théorie est fausse alors l'organisation monétaire internationale est également controuvée.
Plutôt que de violer au quotidien tous les principes affichés, il faudrait mieux réformer le système monétaire international.