katou
Et donc les gens peuvent posséder chez eux un objet qu'ils n'ont vu qu'apporté sur un lutrin, avec trois personnes pour le porter, à la messe.
Sitôt que le nouvel objet, qu'on appelle un livre, devient plus accessible, les gens commencent à lire, figurez-vous. Et quand vous lisez un livre, il y a des idées qui vous viennent en tête, dont certaines ne sont pas ce qu'on retient d'un discours oral. Vous êtes de fait entré dans un rapport différent avec le message évangélique (et plus globalement, le rapport au monde).
Il y a un passage dans Notre-Dame de Paris une grande réalisation du père Hugo, à lire absolument, avec dans le casting Frollo, Quasimodo, Esmeralda, que des vedettes..., où un prêtre, montrant un livre dans une main, et un autre doigt pointé vers la Cathédrale, dit : ceci détruira cela. Hugo écrit ensuite un chapitre philosophique sur l'idée que la pierre va être remplacée par le papier. Ceci veut dire que les Chrétiens ont écrit (gravé, inscrit dans la matière) des monuments, mais que maintenant les preuves de foi (disons), vont s'inscrire sur des pages. Le génie du catholicisme, c'est la pierre, ce sont les cathédrâles, celui du monde qui vient après est dans les livres.
Et donc... et donc ceci me paraît l'angle le plus radical. Les Juifs ont un Livre. Idem pour les musulmans, ils ont un Livre. Encore une fois, pas un truc caché, intouchable et incompréhensible, tu peux l'avoir dans ta bibliothèque entre le catalogue de Manufrance (celle-là, les moins de 70 ans ne peuvent pas la comprendre) et le numéro spécial de Elle sur comment booster votre beauté au bureau.
Sur ce point, celui-là précisément et comme je l'ai défini, j'ai plutôt une lecture catho. Si Jésus avait voulu écrire un bouquin, il l'aurait fait. Il serait étrange que ce que Michel Onfray peut faire, Jésus en soit incapable !
Je ne me souviens que d'un moment où il écrit, dans l'Evangile, le passage sur la Femme adultère (Marie-Madeleine). Il est mentionné (c'est dans Matthieu, je pense) qu'il a tracé des signes sur le sol. Mais ils n'ont pas été vus, et en conséquence on ne peut les citer, il les a effacés sitôt après qu'il les a écrits. On peut donc peut-être écrire des choses, mais à condition qu'on les efface tout de suite. C'est au moins ce que je crois comprendre et ce que les textes m'autorisent. J'en conclus que les écrits doivent être effacés.
Jacques Derrida était complètement hanté par ces difficultés et questions, notez. Il était Juif, notez.