Top-model à Hollywood et fier d’être palestinien
Le mannequin Anwar Hadid, frère des top-models Gigi et Bella Hadid, revendique avec force son identité palestinienne.
_La célébrité du mannequin Anwar Hadid, malgré les deux millions et demi d’abonnés de son compte Instagram, reste largement éclipsée par celle de ses deux soeurs Gigi et Bella, dont les fans se comptent par dizaines de millions. Anwar, âgé de 19 ans, a pourtant défrayé la chronique people par les liaisons qui lui furent prêtées, entre autres avec la sublime Kendal Jenner. Mais c’est sa revendication tranchée de son identité palestinienne qui alimente désormais le débat. Car Anwar, Gigi et Bella, néerlandais par leur mère, ont pour père Mohamed Hadid, un ancien réfugié palestinien, devenu richissime aux Etats-Unis.
Mohamed Hadid voit le jour en 1948 dans une famille de notables musulmans de la ville palestinienne de Nazareth. Il naît en pleine guerre israélo-arabe, lorsque l’Etat hébreu, tout récemment proclamé, combat les forces coalisées de ses voisins. Les Hadid, chassés par les hostilités, s’installent dans un camp de réfugiés palestiniens en Syrie, avant de déménager au Liban, trois ans plus tard. Anwar Hadid, le père de Mohamed, enseignait l’anglais avant 1948 à l’université de Haïfa, une compétence qui lui permet d’intégrer Voice of America, la radio de propagande des Etats-Unis durant la guerre froide. La famille Hadid obtient la nationalité jordanienne, alors généreusement accordée aux réfugiés palestiniens, et c’est avec ce passeport qu’elle émigre à Washington en 1963. L’adolescent Mohamed, à l’anglais d’abord très limité, parvient à intégrer au bout de quelques années le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston.
C’est le début d’une fulgurante carrière dans l’immobilier, marquée par la construction de palais assez délirants pour séduire les plus fortunés, ainsi que par la rénovation d’hôtels Ritz-Carlton à Washington et à New York. La construction d’un bâtiment de cette chaîne à Aspen l’amène à s’implanter dans le Colorado, où il affronte avec succès, en 1987, un autre promoteur immobilier du nom de Donald Trump. Papa Hadid ne nourrit aucune illusion sur le futur locataire de la Maison blanche: « Si vous êtes aussi fort que lui, il vous respecte. Mais s’il sent qu’il peut vous écraser, il ne s’en privera pas ». De ses secondes noces avec la top-model néerlandaise Yolanda Foster (dont il divorce en 2000) naissent Izabella/Bella, Jelena/Gigi et Anwar.
La famille Hadid a rarement mis en avant ses racines palestiniennes, sauf lors de la participation de Bella à un rassemblement de protestation, en 2017, contre la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Anwar, qui avait déjà créé sa ligne de bijouterie unisexe étonnamment baptisée « Martyre », vient de rompre cette neutralité au cours d’un récent séjour en Terre sainte: « un de mes rêves est que mes enfants portent partout avec eux le nom de la Palestine ». Cette projection d’une génération à l’autre est d’autant plus révélatrice qu’Anwar porte le prénom de son grand-père, chassé de Galilée en 1948. Il visite alors le berceau familial de Nazareth, ainsi que Jérusalem et Jéricho, mais aussi Deir Yassin, où une centaine de civils palestiniens furent massacrés en 1948, peu avant la proclamation de l’Etat d’Israël.
Anwar Hadid diffuse de nombreuses photos du mur édifié par Israël en territoire palestinien de Cisjordanie, notamment de la fresque qui y tourne Trump en dérision. Il salue, dans la ville israélienne de Haïfa, où vit une importante population arabe, l’existence des « espaces de créativité pour les Palestiniens ». Il tourne surtout la vidéo d’accompagnement de « Progression 101 », la chanson de lancement de son premier album, où il invite Robbie Krieger, le mythique guitariste des Doors. L’enregistrement en 8mm s’ouvre et se conclut par un drapeau palestinien, tandis qu’Anwar Hadid chante qu’il est « écoeurant » d’être « effacé de tout, par des balles ou des barres d’acier ». Son père relaie volontiers cet engagement en représentant Anwar, les couleurs palestiniennes sur le visage, posant par un photo-montage devant une planche du dessinateur Joe Sacco, très engagé dans la documentation de la tragédie palestinienne.
La famille Hadid fait dès lors bloc autour d’Anwar face à l’inévitable polémique suscitée par une telle prise de position. Le jeune mannequin persiste et signe: « Ils ne peuvent pas retirer à un peuple son esprit de liberté. Les murs ne seront jamais suffisants pour cela. L’ESPOIR réside dans les nouvelles générations des DEUX côtés. Je sais que l’espoir et la flamme du changement existent chez les Palestiniens. Quiconque voudra combler le fossé peut compter sur mes amis et moi ». Pour Anwar Hadid, c’est bel et bien aux Israéliens de faire mouvement pour une paix à laquelle, selon lui, les Palestiniens sont prêts. Une affirmation en rupture avec le discours dominant aux Etats-Unis, et bien sûr au sein de l’administration Trump_
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