- Pensées sur le destin d'Oswald Spengler :
Nous sommes hommes d'un siècle, d'une nation, d'un cercle, d'un type. Telles sont les conditions nécessaires à l'intérieur desquelles nous pouvons conférer à l'existence un sens et une profondeur, être des agissants, fut-ce même agissant par le verbe. Plus nous remplissons ces limites qui nous sont données, et plus notre action s'étend au loin. Platon était Athénien, César était Romain, Goethe était Allemand : ils l'étaient entièrement et avant tout ; telle fut la condition même de leur empreinte dans l'histoire universelle.
De par sa naissance, l'individu reçoit sa nature et un cercle de tâches possibles, à l'intérieur duquel le libre arbitre existe légitimement.
Les tragédies des individus résultent de la contradiction entre ces destins internes et les destins extérieurs. C'est la manière dont chacun en vient à bout qui marque son rang : fièrement, lâchement, de manière vile, avec grandeur, sans loi...
Le libre-arbitre n'est pas un fait mais un sentiment. Tout acte est un destin qui se déguise en vouloir : notre volonté libre, c'est là le destin.
Peu importe, pour l'être vivant, qu'il croie ou non au libre-arbitre. Les conséquences qu'il en tire, c'est cela qui compte - car c'est à cela qu'on reconnaît s'il est ou non une âme faible. Tout est prédestiné ? Donc, cette grande tâche m'est prédestinée.
L'individu est libre. Il fait ce qu'il veut. Mais justement : le grand individu veut ce que veut le temps - à savoir : le temps qui vient.
L'homme qui importe vit de telle manière que son existence soit un sacrifice à son idée. Le sens que l'on donne à sa propre vie témoigne du respect envers-soi même. Le créateur se sent libre : en tout acte est contenue la liberté. Tout acte, même celui qui échoue, est, de par son essence, une victoire de la volonté libre.
On n'échappe pas au destin en fermant les yeux, en le niant, en luttant contre lui, en le fuyant. Ce ne sont là que d'autres manières de l'accomplir. Ducunt volentem fata, nolentem trahunt.