On pourrait définir l'homme : un animal qui fait des dogmes. Alors qu'il empile doctrine sur doctrine et conclusion sur conclusion pour édifier un formidable système de philosophie et de religion, il devient vraiment, dans le seul sens légitime du terme, de plus en plus humain. Quand, au contraire, il rejette une à une ses doctrines avec un scepticisme raffiné, quand il refuse d'être lié par aucun système, quand il déclare qu'il a dépassé l'âge des définitions, quand il dit qu'il ne croit plus à la finalité, quand, dans sa propre imagination, il s'installe comme Dieu, observant toutes les formes de croyance sans en partager aucune, alors par ce procédé même il retourne lentement à l'état vague des animaux errants, à l'inconscience de l'herbe. Les arbres n'ont pas de dogme. Les navets sont singulièrement larges d'esprit.
Donc, je le répète, s'il doit y avoir un progrès intellectuel, ce doit être un progrès dans la construction d'une philosophie définitive de la vie. Et cette philosophie doit être la vraie et toutes les autres doivent être fausses. Nul homme ne devrait écrire ni même parler, s'il n'est persuadé qu'il est dans le vrai et l'autre dans l'erreur. Je soutiens que je suis dogmatique et dans le vrai, alors que M. Bernard Shaw est dogmatique et dans l'erreur.
G.K. Chesterton