Pour répondre à la question j'ai changé aussi d'idées politiques.
J'ai commencé au PCF et j'ai rendu ma carte entre 97 et 2002 car le PCF qui à l'époque avait un groupe parlementaire qui permettait d'avoir une minorité de blocage, n'a jamais eu le courage de voter non contre les "mauvais" textes présentés par le PS (les modalités d'application de la loi sur les 35 h notamment, avec le blocage généralisé des salaires pendant plusieurs années, étaient une hérésie pure!).
Je vote encore "à la gauche de la gauche" aujourd'hui parce que je suis d'abord et avant tout un anti libéral du point de vue économique. Mais à l'inverse de ma jeune époque, je suis aujourd'hui d'accord avec beaucoup de thèmes défendus par la droite, c'est à dire le respect des valeurs, de l'ordre et des identités. Ca se traduit chez moi par des opinions opposées à celles défendues par la "gauche" (qu'elle soit PS ou Front de Gauche, ou encore Trotskyste).
La sécurité, l'identité nationale, la défense des traditions locales, le contrôle des flux migratoire, ce sont des idées qui ont ma préférence aujourd'hui.
Le problème est que je ne trouve personne aujourd'hui qui rassemble au sein d'un même corpus idéologique une analyse politique fondée sur la lutte des classes du point de vue économique et social (qui reste à mes yeux la seule pertinente) et en même temps, d'un point de vue culturel, sur la défense des valeurs qui font que la France est un pays unitaire et que les Français font "société" entre eux.
Des types comme Chevènement et Dupont Aignan sont les personnalités politiques qui incarnent le mieux ce que je pense. Mais, d'une part Dupont Aignan est marginalisé par la droite, et Chevènement est méprisé et récupéré par la gauche, et d'autre part ils persistent à se considérer soit de gauche soit de droite, sans se rendre compte que c'est précisément leur besoin de se rattacher à ce clivage qui ne veut plus rien dire qui les empêchent de recueillir l'adhésion du peuple.
Des penseurs comme Michéa ou De Benoist disent des choses fondamentales sur cette critique du clivage gauche-droite où l'on passe du pareil au même au gré des élections, sans que pour autant les politiques mises en oeuvre par l'un ou l'autre camp diffère sur quoi que ce soit.
La droite fait des discours sur les valeurs, mais détruit ces mêmes valeurs dans sa politique "réelle" par son adhésion au libéralisme économique, et la gauche fait des discours sur le social, sans se rendre compte que le social, c'est le peuple qui souffre de la précarisation de son milieu de vie, de son déracinement édicté en norme désirable, et détruit cette préoccupation sociale dont elle se réclame en favorisant le multiculuralisme qui in fine, fait le jeu du libéralisme économique (avec les dérégulations successives).
Je ne me sens plus ni de gauche ni de droite aujourd'hui, car la droite a abandonné sa défense des valeurs traditionnelles au nom du libéralisme économique, et la gauche a abandonné la défense des travailleurs et des exploités au nom de l'idéologie des droits de l'homme et du multiculturalisme.
Ce qui fait mal, c'est de voir que ces valeurs dont je me sens proche ne sont finalement plus défendues que par le FN (de manière réelle ou opportuniste -le FN ayant été longtemps Reaganien- telle est la question?), et que pour un homme qui vient de la gauche, il est compliqué de se dire ça.
Je crois donc que :
1/ le clivage gauche- droite ne signifie plus rien, dès lors que les politiques menées sont les mêmes,
2/ que les choix électoraux se résument à une alternance, et non à une alternative,
3/ que constatant qu'énormément de gens ressentant les choses de la même manière que moi, nos représentants ne nous représentent plus,
4/ que donc, nous ne vivons déjà plus dans une démocratie,
5/ et que les seules vraies questions qui nous sont posées aujourd'hui sont :
"Qu'est ce qui fait "société" entre nous?"
"Comment fait on pour que la volonté de ce peuple, qui fait "société", soit traduite en termes de décisions politiques?"
Je viens de lire "1984" d'Orwell. Le monde qu'il décrit n'est pas si différent du nôtre.
Je viens aussi de lire "Du contrat social" de Rousseau, et je crois que tout le monde gagnerait à s'inspirer de cette pensée pour se poser les bonnes questions sur ce qui fait société et comment le pouvoir doit s'exercer.