11 novembre 1918
Un armistice met fin à la Grande Guerre
Le lundi 11 novembre 1918, à 11 heures, dans toute la France, les cloches sonnent à la volée. Au front, les clairons bondissent sur les parapets et sonnent le «Cessez-le-Feu», «Levez-vous», «Au Drapeau». La «Marseillaise» jaillit à pleins poumons des tranchées. Même soulagement en face, dans le camp allemand.
Pour la première fois depuis quatre ans, Français et Allemands peuvent se regarder sans s'entretuer. Un armistice a été conclu le matin entre les Alliés et l'Allemagne, dernière des Puissances Centrales à rendre les armes. Il laisse derrière lui huit millions de morts et six millions de mutilés.
Les survivants ont perdu la foi dans les valeurs morales et spirituelles qui ont fait la grandeur et l'unité de l'Europe. Mais ils veulent croire que cette guerre qui s'achève restera la dernière de l'Histoire, la «der des der»...
La défaite inéluctable de l'Allemagne
Dès l'échec de leur contre-offensive de juillet 1918, les Allemands ont compris qu'ils n'avaient plus aucun espoir d'arracher la victoire.
Les troupes américaines, potentiellement fortes de quatre millions d'hommes, arrivent en renfort des Anglais et des Français.
La 1ère armée américaine du général John Pershing lance sa première offensive à Saint-Mihiel, près de Verdun, le 12 septembre 1918. Ce tardif engagement suffit à convaincre les Allemands de leur infériorité. Les Alliés mettent aussi en ligne en nombre croissant des chars blindés («tanks») qui ont raison des barbelés qui protègent les tranchées allemandes.
Le 28 septembre 1918, le quartier-maître général («Generalquartiermeister») Erich Ludendorff, chef des armées allemandes et véritable maître du pays, apprend que ses alliés bulgares s'apprêtent à signer un armistice.
Hindenburg, Guillaume II et Ludendorff planifient les dernières offensives allemandes
Au quartier général allemand de Spa, en Belgique, Ludendorff, abattu, a un entretien dramatique avec l'empereur Guillaume II. Il lui révèle que la situation militaire est désespérée et que l'armistice est devenu inévitable.
Le 3 octobre, enfin convaincu de l'inéluctabilité de la défaite, l'empereur Guillaume II nomme chancelier le prince Max de Bade, un modéré dont il espère qu'il saura obtenir des conditions de paix raisonnables de la part des Alliés.
Le nouveau chef du gouvernement en appelle aussitôt au président américain Wilson. Mais celui-ci refuse toute négociation avec l'empereur comme avec les militaires. Maladroit, il en appelle à l'avènement d'un régime démocratique à Berlin. Le 26 octobre, Guillaume II, ne sachant que faire, demande et obtient la démission de Ludendorff.
Soldats allemands dans une tranchée
Les Puissances Centrales se délitent
L'Allemagne bascule dans l'anarchie et la guerre civile.
Le 3 novembre, dans le port de Kiel, les marins de la flotte de guerre refusent d'aller à nouveau au combat. Ils se mutinent et entraînent les ouvriers de la ville. La contagion révolutionnaire se répand à Hanovre, Cologne et Brunswick. À Munich, le 7 novembre, un socialiste, Kurt Eisner, dépose le roi de Bavière et installe un Conseil ouvrier. La Bavière menace de faire sécession !
Entre temps, l'un après l'autre, les alliés de l'Allemagne cessent les combats et signent des armistices (l'armistice est un arrêt des combats dans l'attente d'un traité de paix en bonne et due forme).
Les Bulgares, bousculés par l'armée du général Louis Franchet d'Esperey, signent un armistice dès le 29 septembre. Le 30 octobre, c'est le tour des Turcs. Ils signent à Moudros, sur l'île de Lemnos, en mer Égée, un armistice avec les Britanniques (ces derniers négligent d'associer les Français à la signature).
De l'Autriche-Hongrie se séparent les Tchécoslovaques le 28 octobre et les Hongrois le 1er novembre. L'empire croupion de Charles 1er signe le 3 novembre à Villa Giusti un armistice avec l'Italie après que celle-ci eut enfin réussi une percée victorieuse à Vittorio-Veneto.
Le 9 novembre au matin, la contagion révolutionnaire gagne Berlin. Une émeute éclate à l'instigation des spartakistes, un groupe très actif de militants marxistes-léninistes conduit par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Le prince Max de Bade téléphone à l'empereur, à Spa. «Votre abdication est devenue nécessaire pour sauver l'Allemagne de la guerre civile», lui dit-il. Comme ses propres généraux plaident aussi en faveur de l'abdication, Guillaume II s'y résout enfin.
La contagion révolutionnaire à Berlin
L'ancien empereur part en exil aux Pays-Bas. Ses six fils jurent de ne lui succéder en aucun cas. À Berlin, le même jour, le prince Max de Bade cède la chancellerie au leader social-démocrate Friedrich Ebert tandis que, dans une atmosphère révolutionnaire, un autre chef social-démocrate, Philipp Scheidemann, proclame la République. L'inquiétude est générale. Le quotidien parisien La Liberté titre dans son édition du 10 novembre : La Révolution maîtresse de Berlin, L'armée a pactisé avec les révolutionnaires...
Un armistice mal accepté
Les militaires s'étant défaussés, c'est à un civil, Matthias Erzberger, que revient la pénible tâche de négocier l'armistice (cela lui vaudra d'être assassiné par les nationalistes allemands le 26 août 1921).
Les négociateurs n'ont pas attendu la démission de l'empereur pour négocier l'arrêt des combats. Partis de Spa le 7 novembre à midi, ils ont franchi les lignes ennemies avec un drapeau blanc et sont arrivés à La-Capelle-en-Thiérache (Aisne) le soir même.
En France, leur demande d'armistice fait débat. Le président de la République Raymond Poincaré et surtout le général Philippe Pétain voudraient profiter de l'avantage militaire pour chasser les Allemands de Belgique, envahir l'Allemagne elle-même et signifier à celle-ci l'étendue de sa défaite.
Mais le généralissime des troupes alliées, Ferdinand Foch, le général Maxime Weygand et le chef du gouvernement, Georges Clemenceau, ne l'entendent pas de cette oreille. Ils ne croient pas l'armée française capable de se battre encore longtemps et souhaitent en finir au plus vite. Ils craignent aussi qu'à trop tarder, l'Allemagne ne devienne comme la Russie la proie des révolutionnaires bolcheviques.
Surtout, chaque jour qui passe renforce dans le camp allié le poids des Américains, alors que ceux-ci, arrivés très tard, ont encore très peu participé aux combats. En cas de prolongation des hostilités, Foch et Clemenceau craignent non sans raison que les Américains ne tirent toute la couverture à eux et ne relèguent la France à la deuxième place.
L'armistice est signé dans le wagon spécial du généralissime Foch, au carrefour de Rethondes, au milieu de la forêt de Compiègne, le 11 novembre à 5h15 du matin.
Les Français ne manquent pas de noter que ce jour est la fête du saint patron de leur pays, Saint Martin.
La délégation allemande est conduite par Matthias Erzberger, le général von Winterfeldt et le capitaine de vaisseau Vanselow.
Lui font face dans le wagon l'amiral Sir Rosslyn Wemyss, Premier Lord de l'Amirauté britannique, et le maréchal Ferdinand Foch. Le général Maxime Weygand assiste les deux plénipotentiaires alliés.
Les signataires de l'armistice devant le wagon de Rethondes
Au lieu des «propositions» qu'ils attendent, les Allemands, «à la merci des vainqueurs» selon Foch, se voient soumettre des «conditions». Aucune marge de négociation ne leur est laissée ! Ils se voient imposer la livraison de 5000 canons, 25000 mitrailleuses, 1700 avions, de leurs sous-marins et de leur flotte de guerre (celle-ci se sabordera dans la rade britannique de Scapa Flow)...
L'armée allemande est sommée d'évacuer sous quinze jours les territoires envahis ainsi que l'Alsace-Lorraine, et sous 30 jours la rive gauche du Rhin et trois têtes de pont sur la rive droite, Coblence, Cologne et Mayence.
L'armistice est conclu pour 36 jours mais sera régulièrement renouvelé jusqu'au traité de paix du 28 juin 1919.
Le dernier...
Après 51 mois de conflit, le dernier soldat français tué pendant la Première Guerre mondiale, à la 11ème heure du 11ème jour du 11ème mois de l'année 1918 est l'agent de liaison Auguste Trébuchon (40 ans), tué par une balle alors qu'il portait un ordre concernant le rassemblement du régiment pour le ravitaillement des troupes. Il repose aujourd'hui dans le cimetière communal de Vrigne-Meuse.
Amertume des vaincus
En France, l'anniversaire de l'armistice ne tarde pas à devenir une commémoration essentielle de la vie nationale, avec dépôt de gerbes devant les monuments aux morts de chaque village et sur la tombe du Soldat inconnu, sous l'Arc de Triomphe de la place de l'Étoile, à Paris.
Rien de tel en Allemagne où les citoyens notent avec consternation que leur pays n'a pas été envahi et que leurs armées ne se sont pas effondrées.
La demande d'armistice étant venue des représentants civils et non militaires de l'Allemagne, ces derniers échappent à l'infâmie de la défaite. À Berlin, les représentants de la jeune République accueillent les combattants en ces termes : «Soldats qui revenez invaincus...»
Le général Ludendorff
Dans les mois qui suivent l'armistice, Ludendorff et Hindenburg attribuent avec aplomb la défaite militaire à un «coup de poignard dans le dos» de la part des politiciens et des bourgeois cosmopolites. L'expression est reprise avec ferveur par les Allemands meurtris et humiliés. Elle va faire le lit des partis ultranationalistes, dont le parti nazi.....
André Larané.
Faut-il continuer de commémorer l'Armistice ?
Après la mort du dernier «poilu» français, en 2009, que peuvent encore signifier la commémoration de l'Armistice du 11 novembre et les cérémonies rituelles devant les monuments aux morts ? Faut-il les supprimer comme d'aucuns le suggèrent ?
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