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Nymo, Pouf-Pouf, vous allez me faire rougir.
Nymo, tu as raison. Pratiquement toutes les banques européennes ont agi de la même façon. Même si il y a des différences selon les cas, l’attitude de chaque banquier avait pour but le plus souvent de conserver dans ses coffres, au moins le plus longtemps possible, et de préférence définitivement, l’argent qui leur avait été confié. Cela concerne également dans ce chapitre les questions d’assurance vie.
Parmi les clients juifs des banques, il y a eu d’abord les clients qui ne sont pas revenus des camps d’extermination. Mais la suite a dépendu de ce que les autres membres de leurs familles sont devenus.
Si toute la famille a disparu, le plus souvent le solde du compte s’est retrouvé sur un compte d’attente, où il attend toujours. Et la banque en utilise le montant pour ses opérations « normales », comme tous les autres dépôts de ses clients classiques. Quelques banquiers, très minoritaires en nombre, presque des exceptions, se sont efforcés de rechercher des héritiers putatifs. La majorité d’entre eux s’en sont bien gardés. Rendre de l’argent si l’on n’y est pas obligé, est un déchirement pour un banquier. Autant lui retirer, sans anesthésie, un morceau de ses entrailles.
Mais il y a des cas où le déporté a survécu et lorsqu’il s’est présenté à sa banque après son retour, en dehors évidemment des gens célèbres dont le fait qu’il était client de la banque concernée ne pouvait être mis en doute, s’est vu répondre que les archives correspondantes n’étaient pas retrouvées. Et qu’il revenait au client revenu du camp de fournir des documents établissant la réalité du compte évoqué, et le montant de son solde. Mais dans les remous de la guerre et de l’occupation, dans les pillages dont les juifs, français ou des autres pays européens ont été victimes de la part de leurs voisins ou de certaines des forces de police ou de répression, nombre d’archives privées ont disparu. Et les anciens clients se sont vu refuser purement et simplement la prise en charge de leur demande par leur ancienne banque. Et faute de documents, l’ex client a été le plus souvent incapable de prouver devant un tribunal la nature de ses anciennes relations avec sa banque.
Il s’est souvent passé la même chose avec les héritiers de déportés non revenus et décédés au camp d’extermination ou dans le foutoir entourant les faits qui se sont déroulés à la fin de la guerre. Ces héritiers qui auraient dû bénéficier des comptes bancaires du déporté décédé, se sont vus refuser les demandes, faute de documents existants pouvant être présentés par ces héritiers.
À noter que dans la plupart des cas, les archives de la banque elle-même pourraient prouver ce que l’on cherche. Mais les banques qui parfois, rarement, se sont vues demander cela par la Justice, ont le plus souvent prétexté des troubles de l’Occupation ou de la Libération, qui auraient provoqué la destruction ou la disparition des archives bancaires y relatives. De très nombreuses archives bancaires ont disparu avant ou pendant la Libération. Voire même après. Le papier des documents d’archives d’avant guerre devait être très sec et trop inflammable.
Il y a également ceux qui disposaient de comptes bancaires dont leurs proches ne connaissaient pas l’existence. Ce fait a été dans la pratique souvent évoqué dans les questions d’assurance-vie. L’assureur, qui avant guerre était le plus souvent également le banquier, s’est généralement bien gardé de rechercher après la Libération les bénéficiaires des assurances vie de déportés non revenus des camps.
En outre, souvent les bénéficiaires de ces assurances vie ne savaient pas l’être, ou dans la majorité des cas ne disposaient pas de documents pouvant l’attester.
Mes enfants ignorent totalement comment j’ai réglé ces questions d’assurance-vie. Si moi et mon épouse disparussions brusquement en même temps, cela serait un plaisir pour mon assureur. Je vais me pencher d’urgence sur la question.
Mais il ne faut pas se faire d’illusions. Tous les banquiers et tous les assureurs, de tous les pays européens, et ce serait à l’évidence la même chose partout sur la planète, feraient passer l’intérêt de leur établissement avant la morale et la Justice.
Mao a écrit dans son célèbre petit opuscule rouge, que l’on ne peut pas reprocher à une passoire d’avoir des trous. De même, en système capitaliste libéral, l’on ne peut pas reprocher à un banquier de faire ce que son contrat de travail lui dicte : à savoir privilégier l’intérêt de l’établissement qu’il dirige, à toute autre considération. Les banquiers et les assureurs ne dirigent pas, hélas, des sociétés philanthropiques.