... Plus des deux-tiers des forêts tropicales humides du monde, et les trois-quart de la forêt tropicale humide Amazonienne peuvent être considérées comme étant des "déserts-humides" dans le sens ou elles poussent sur des sols de latérite rouge et jaune ressemblant à de l'argile, acides et pauvres en nutriments.
De nombreux sols de forêt tropicale humide sont très vieux et pauvres, surtout dans des régions telles que celles du bassin de l'Amazone où il n'y a eu aucune activité volcanique récente pour amener de nouveaux nutriments. Les sols Amazoniens sont tellement usés qu'ils sont presque dépourvus de minéraux tels que le phosphore, potassium, calcium, et magnésium, qui proviennent de sources "rocheuses", mais sont riches en oxyde d'aluminium et oxyde de fer, qui donnent aux (sols des) forêts tropicales humides leur couleur distinctive rougeâtre ou jaunâtre et sont toxiques en forte quantités. Avec de telles conditions, on peut se demander comment des sols si pauvres peuvent sembler supporter des croissances si vigoureuses.
Les forêts tropicales humides ont une végétation très dense. Les premiers colons Européens dans les tropiques étaient convaincus (et même assurés par les scientifiques de l'époque) que la luxuriance de la "jungle" était due à la richesse des sols, et ils ont donc coupé de larges secteurs de forêt pour y faire des récoltes. Les secteurs dégagés supportèrent de bonne récoltes, mais seulement pendant 1 à 4 ans, jusqu'à ce que mystérieusement, la croissance des plantes déclina au point que d'importantes doses de fertilisants furent nécessaire pour obtenir la moindre pousse. Les colons se demandèrent pourquoi leurs récoltes périssaient et pourquoi de tels sols pouvaient supporter la croissance luxuriante de la forêt tropicale humide. La réponse se trouve dans le recyclage rapide des nutriments de la forêt tropicale humide.
Les colons ne réalisèrent pas qu'ils avaient à faire à un écosystème entièrement différent de celui des forêts des climats tempérés où les nutriments sont présents dans le sol. Dans la forêt tropicale humide, la majeure partie du carbone et des nutriments essentiels sont enfermés dans la végétation vivante, le bois mort, et les feuilles pourrissantes. Au fur et à mesure que les matières organiques se décomposent, elles sont recyclées si rapidement que très peu de nutriments atteignent le sol, le laissant quasiment stérile.
La décomposition des matières (bois mort et feuilles mortes) s'effectue de manière aussi efficace grâce à l'abondance de bactéries, champignons, et termites. Ces organismes ramassent les nutriments qui sont alors relâchés sous forme de déchets lorsque l'organisme meurt. Presque toutes les matières organiques sont rapidement processées, même les matières fécales et la transpiration. Dans de nombreuses forêts tropicales humides ce n'est souvent qu'une question de minutes, avant qu'un excrément ne soit découvert et utilisé par divers insectes. Les excréments peuvent êtres couverts de papillons de couleurs vives, de coléoptères, et de mouches, tandis que les insectes bousiers roulent fébrilement des morceaux de déchets en boules pour les utiliser plus tard comme nourriture pour leurs larves. Les insectes ne sont pas seulement attirés par les excréments pour leur valeur énergétique, mais souvent pour la présence de nutriments tels que des sels de calcium. La sueur humaine est un trésor pour plusieurs espèces de papillons, qui se rassemblent sur les cous et chapeaux des touristes, et pour les ennuyeuses abeilles de sueur, qui peuvent recouvrir chaque morceau de peau exposée dans certaines forêts. (...)
Les arbres des forêts tropicales humides sont bien adaptés à leur environnement et ont maîtrisé le problème des sols pauvres. Du fait que les 6 à 8 premiers inches (15-20 cm) du sol est un compost de feuilles, bois et autres matières organiques en décomposition, c'est la source la plus riche en nutriments sur le sol. Pour drainer ces ressources, les arbres de la canopée ont des racines peu profondes, tandis que les arbres des forêts tempérées ont des racines s'enfonçant sur plus de 5 pieds (1.5 m). De nombreuses espèces tropicales ont des racines qui poussent en fait hors du sol pour former un tapis sur le sol de la forêt afin d'être plus efficaces dans leur collecte de nutriments. Ces petites racines forment un réseau qui, avec le champignon mycorhize, absorbent rapidement les nutriments. (...)
Dans les plus petits secteurs déboisés par les habitants des forêts, la forêt peut facilement recoloniser les secteurs une fois que les cultures ont été abandonnées, surtout si la partie déboisée est restée entourée de forêt. En 20 ans, un forêt secondaire relativement bien développée peut reprendre possession d'un tel champ.
Tous les sols des forêts tropicales humide ne sont pas aussi pauvres. Certaines forêts tropicales poussent sur des plaines et sols volcaniques riches en nutriments. Certains des meilleurs sols se trouvent sur de fortes pentes car les minéraux sont libérés lorsque la couche arable s'érode. De tels sols se rencontrent dans les plaines inondables Amazoniennes, les contreforts andins, et les secteurs volcaniques d'Asie du Sud-Est (Java), d'Afrique, d'Amérique Centrale, et des Caraïbes. Cependant, sans une gestion correcte, ces sols peuvent être rapidement lessivés de leurs nutriments par de fortes pluies et le soleil.
(...) un hectare de forêt tropicale humide perd rarement plus d'1 tonne de sol par an. Cependant, lorsque le sol de la forêt est plat et planté de diverses essences, l'érosion augmente dramatiquement. Si la forêt est remplacée par de la végétation dense telles qu'une plantation de café, l'hectare perd entre 20 et 160 tonnes, tandis que si elle est remplacé par des champs de récoltes, l'hectare peut perdre plus de 1 000 tonnes annuellement.
REPOUSSE APRES DEBOISEMENT
Lorsque les Européens déboisèrent la forêt pour l'agriculture, ils supposèrent probablement que les forêts repousseraient relativement rapidement comme les forêts des climats tempérés d'Europe et Amérique du Nord. Mais la forêt tropicale ne repousse pas facilement sur des terres couvertes de monocultures agricoles qui ont été dépourvues de forêt pendant plusieurs années et ont des sols fortement dégradés. les sols tropicaux deviennent vite inhospitaliers à cause du rapide lessivage des nutriments par les fortes pluies et l'intense luminosité. En plus, de nombreux feuillus tropicaux dépendent d'une certaine espèce d'animaux pour la pollinisation, la dispersion des graines, et le traitement des graines. Les graines de nombre de forêts tropicales humides sont grosses (car elles germent dans l'ombre de la canopée, elles doivent avoir assez de réserves de nourriture pour pousser dans les pauvres conditions lumineuses du sol de la forêt) et elles ont besoin d'animaux disperseurs (le vent et autres moyens mécaniques ne sont souvent pas suffisants pour disperser des graines de cette taille). La perte de ces espèces dispersantes, lorsque la forêt est uniformisée, signifie que les graines avaient peu de chances d'être dispersées dans les endroits déboisés. Ainsi, ces importantes espèces d'arbres ne repousseront pas.
Les graines et pousses de ces espèces d'arbres non limitées par la dispersion animale et les agents pollinisateurs sont souvent adaptés aux conditions climatiques et de lumière du sol ombragé de la forêt tropicale humide. Ces graines ne germeront pas dans les conditions chaudes et arides des parties déboisées, et celles qui le feront succomberont rapidement au soleil et dans les sols pauvres. Les plantes des forêt tropicales humides sont habituées à la stabilité de la forêt tropicale où elles sont robustes. Lorsque, elles et leur graines, sont confrontées à des conditions totalement différentes comme celles d'un secteur déboisé, elles ne se portent pas bien. Leurs graines ont ou pas de capacité à rester dormantes car ce n'est pas un besoin dans les conditions normales de la forêt.
L'air sec des parties déboisées déshydrate le tapis de feuilles causant la mort des mycorhizes. L'élimination du mycorhize symbiotique réduit la capacité des arbres de se nourrir des nutriments du sol. Ce champignon est particulièrement difficile à remplacer car chaque espèce d'arbre a sa propre espèce symbiotique de mycorhize. La régénération est rendue plus difficile par l'empiétement rapide d'herbes dures et d'arbustes après le déboisement de la forêt.
La situation est différente lorsque la partie déboisée est laissée entourée de forêt et que les sols n'ont pas été décimés. Dans ces conditions, la forêt peut rapidement repousser sur la surface vide lorsque des plantes pionnières envahissantes et à croissance rapide telles que des herbes de forêt, des bananiers (Heliconia), gingembres, et lianes envahissent la partie déboisée. Les espèces d'arbres pionnières - qui ont besoin pour pousser de conditions très ensoleillées et de faible humidité - tels que le cecropia (neotropiques) et le macaranga (Asie) colonisent rapidement les trous de la forêt. Après plusieurs années, le petit nombre de plantes pionnières et d'arbres tels que le Kapok et le cecropia sont graduellement remplacés par diverses espèces plus caractéristiques de la forêt primaire ancienne. Le nécessaire champignon mycorhize peut recoloniser depuis la forêt environnante et faciliter la consommation des nutriments. Au bout de 20 ans, la terre anciennement nettoyée peut à nouveau supporter une pousse vigoureuse, bien qu'elle ne soit plus que l'ombre de la forêt originale primaire. La nouvelle forêt secondaire, est beaucoup moins diverse, a une canopée moins développée, moins d'animaux, et un végétation au sol plus dense. On ne sait pas combien de temps il faut à la forêt secondaire pour recouvrer la complexité de la forêt primaire, mais les estimations vont de centaines à des milliers d'années.
http://fr.mongabay.com/rainforests/0502.htm
Bonne lecture à ceux que ça intéresse.