Propos racistes sur des forums

I. Les forums de discussion : quelle responsabilité pour les auteurs de propos diffamatoires ?

Le forum de discussion est un " service permettant l'échange et la discussion sur un thème donné : chaque utilisateur peut lire à tout moment les interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution sous forme d'articles " (Journal Officiel du 16 mars 1999).

Depuis l’adoption de la loi du 1er août 2000, modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les services de communication en ligne autres que de correspondance privée sont considérés comme des services de communication audiovisuelle. A ce titre, les services de communication en ligne accessibles à un public indéterminé (sites web, forums de discussion, listes de discussion, chambre de discussion …) sont soumis non seulement au respect du droit commun, mais aussi à la réglementation des services de communication audiovisuelle (loi du 30 septembre 1986), qui renvoie aux infractions commises par voie de presse prévues par la loi du 29 juillet 1881 (provocation aux crimes et délits, apologie des crimes de guerre, propos racistes, fausses nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public, injures, diffamation …).

L’auteur d’un message, sous réserve qu’il soit identifié, est donc le premier responsable au regard du droit commun. Dans une affaire récente, un internaute a été condamné à 18 mois d’emprisonnement par le Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI Paris, 17e chambre, 26 mars 2002), pour avoir diffusé, de manière continue, des messages discriminatoires dans des forums de discussion.**

L’internaute, participant dans un forum de discussion ou tout autre service de communication en ligne, accessible à un nombre illimité de personnes, doit, donc, éviter de tenir des propos portant atteinte à l’honneur ou à la dignité d’autres individus et faute de quoi il pourrait être poursuivi pour diffamation ou injure.

http://www.murielle-cahen.com/p_vengeances.asp

**Le tribunal de grande instance de Paris à le 26 mars 2002 condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis, un Internaute auteur de propos racistes publiés sur divers forums Internet. Suite à une plainte déposée par la Ligue internationale contre la racisme et l’antisémitisme (LICRA), un internaute avait été arrêté le 30 novembre 2000 pour avoir publié 42 messages à caractère antisémites sur plusieurs forums. Une seconde association antiraciste, Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), s'était ensuite constituée partie civile. L'internaute en question avait été mis en examen sur divers chefs d’accusation dont la provocation à la haine, la violence et la discrimination envers les membres de la communauté juive, le prévenu a reconnu être l’auteur des messages qu’il avait publié sous différents noms. Il a été condamné par le Tribunal de grande instance de Paris en vertu de la du loi du 29 juillet 1881 à 18 mois de prison avec sursis, 70 € d’amende et au paiement de 1500 € de dommages intérêts à chacune des parties civiles.

SM

Prescription de l'action publique/Délits de presse :

L'acte de publication incriminable sur internet constitue une infraction CONTINUE

Arrêt du 15 décembre 1999

Cour d'Appel de Paris, 11eme chambre

Jean-Louis Coste

(NOTE : Le chanteur Jean-Louis Costes, sujet de cette condamnation, n'a aucun rapport avec son homonyme le restaurateur Jean-Louis Costes)

Le texte du jugement du 15 decembre 1999 rendu par la 11eme chambre de la cour d'appel de Paris contre Jean-Louis Costes.

Il resulte de la procedure et des differentes depositions que les textes vises dans la prevention sont toujours accessibles au public sur le site que celui-ci a cree a cette fin et ce, depuis 1996. Le jugement qui est intervenu le 10 juillet 1997 a la suite de l'assignation qui lui a ete delivree le 8 avril 1997 par l'uejf fait etat de ce que Monsieur Costes a invoque pour sa defense, entre autres moyens, le fait que les textes en cause avaient ete publies sur le reseau internet le 14 septembre 1996 et qu'en consequence, au casou ils seraient constitutufs d'une infraction a la loi de 1881, ils ne sauraient faire l'objet de poursuites penales, l'action publique etant prescrite.

L'application des dispositions de l'article 65 qui pose le principe de trois mois a dater du premier jour de publication au-dela duquel l'action publique est atteinte fait l'objet d'une jurisprudence constante, s'agissant d'ecrits ou d'images diffuses sur support papier ou audiovisuel pour lesquels la determination du premier jour de publication est aisee ne serait-ce que parce qu'elle resulte du support lui-meme soit parce que le moment de mise a disposition du public correspond a un acte precis.

Si la mise en oeuvre de ce principe est aisement applicable a des messages perissables voir furtifs des lors qu'ils ont fait l'objet d'une publication sur support papier ou audiovisuel, il n'en va pas de meme lorsque le message a ete publie par Internet qui constitue un mode de communication dont les caracteristiques techniques obligent a adapter les principes poses par la loi sur la presse qui visent tout a la fois a proteger la liberte de penser et d'expression et a en condamner les exces des lors qu'ils portent atteinte a des valeurs consacrees par ladite loi et le cas echeant a des interets particuliers ou collectifs.

Pour appliquer l'article 65, il est necessaire de determiner la date de premiere mise a disposition du public, le principe etant ainsi pose par le legislateur qu'au dela du delai de trois mois, derogatoire du droit penal commun, le ministere public et les parties civiles n'ont plus vocation a declencher l'action publique concernant des ecrits dont le trouble a l'ordre public cense en etre resulte ou le prejudice cause a des tiers devait etre considee comme eteint ou apaise. Dans une telle hypothese, la publication resulte de la volonte renouvelee de l'emetteur qui place le message sur un site, choisit de l'y maintenir ou de l'en retirer comme bon lui semble. L'acte de publication devient ainsi continu. Cette situation d'infraction inscrite dans la duree est d'ailleurs une notion de droit positif en droit penal ou elle s'applique dans l'incrimination de plusieurs delits.

Des lors, il y a lieu de considerer qu'en choisissant de maintenir accessible sur son site les textes en cause aux dates ou il a ete constate que ceux-ci y figuraient et en l'espece le 10 juillet 1997, Jean-Louis Costes a procede a une nouvelle publication ce jour la et s'est expose a ce que le delai de prescription de trois mois coure a nouveau a compter de cette date. Il y a donc lieu de considerer que contrairement a l'appreciation des premiers juges, c'est a une nouvelle mise a disposition du public que s'est livre le prevenu en modifiant l'adresse de son site et que c'est a compter du 10 juillet 1997, date du constat d'huissier fondant la prevention que le delai de prescription de l'article 65 a couru. Le premier acte de procedure ayant ete effectue; le 27 septembre, l'action publique n'est pas eteinte a cette date.

http://www.canevet.com/jurisp/991215.htm

http://www.juriscom.net/pro/2/press20000110.htm

SM

Délit de presse/presse électronique/internet/compétence territoriale...

Jurisprudence commentée :

le 13 novembre 1998, le tribunal de grande instance de Paris :

".....Le jugement eut également à se prononcer sur sa compétence, déniée par le prévenu, invoquant le fait que le site litigieux était hébergé par un serveur américain. Le tribunal retint toutefois sa compétence au motif qu’" en matière de presse, il est constant que le délit est réputé commis partout où l'écrit a été diffusé, l'émission entendue ou vue. En l'espèce, dès lors que le texte incriminé, diffusé depuis un site étranger, a été reçu et vu dans le ressort territorial du Tribunal de Paris, ainsi qu'il ressort de l'enquête, celui-ci est compétent pour connaître de la poursuite. "

Le même principe est de rigueur en Belgique de sorte qu’il ne fait pas de doute que les tribunaux belges seraient compétents au cas où les responsables d’un site, émettant depuis l’étranger, y prôneraient le révisionnisme ou y inciteraient à la haine raciale...."

http://www.juriscom.net/pro/1/delit19990917.htm

SM

3 mois plus tard

Discrimination - exploitation politique de la phobie vis-à-vis d'une communauté religieuse - classement

ATF 6B_664/2008 du 27 avril 2009 (Cour de droit pénal), consid. 3.1-3.3

3.1 Selon cette disposition, se rend coupable de discrimination raciale celui qui aura publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

3.1.1 Cette norme vise notamment à protéger la dignité que tout homme acquiert dès la naissance et l'égalité entre les êtres humains. A la lumière de cet objectif, constituent un abaissement ou une discrimination au sens de l'art. 261bis al. 4 CP tous les comportements qui dénient à des membres de groupes humains, en raison de leur race, de leur ethnie ou de leur religion, une valeur égale en tant qu'êtres humains ou des droits de l'homme identiques, ou du moins qui remettent en question cette égalité (ATF 131 IV 23 consid. 3). Ainsi, sera un dénigrement punissable le fait d'assimiler les Noirs à des bêtes (ATF 124 IV 121 consid. 2b p. 125) ou encore de faire apparaître les Juifs comme foncièrement avides d'argent (ATF 126 IV 20 consid. 1f p. 28).

En revanche, les déclarations qui expriment certaines inégalités spécifiques et qui ne comportent pas, de façon explicite ou implicite, d'affirmation d'inégalité de droit à jouir des droits de l'homme, ne sont pas rabaissantes ou discriminatoires. Cela reste valable lorsque l'affirmation semble être xénophobe, de mauvais goût, amorale ou choquante sur le plan moral ou encore inconvenante ou non civilisée (...). De même, le message qui se réfère à un comportement ou à certaines caractéristiques d'un groupe ou qui porte sur les règles et coutumes de celui-ci reste licite. Ainsi, le journaliste qui stigmatise le comportement des Turcs vis-à-vis des Kurdes ou les idées sexistes de l'Islam ne se rendra pas coupable de discrimination raciale (arrêt 6S.148/2003 du 16 septembre 2003 consid. 2.6.1).

Pour apprécier si la déclaration porte atteinte à la dignité humaine et si elle est discriminatoire, il faut se fonder sur le sens qu'un destinataire moyen lui attribuerait en fonction de toutes les circonstances (ATF 131 IV 23 consid. 2.1 p. 28).

3.1.2 Au moment d'interpréter l'art. 261bis al. 4 CP, il faut tenir compte de la liberté d'opinion (art. 16 Cst., 10 CEDH et 19 Pacte ONU II). Les messages concernant des questions politiques et des problèmes de la vie publique revêtent une importance particulière. Dans une démocratie, il est primordial de pouvoir défendre des points de vue qui déplaisent à une majorité et qui sont choquants pour de nombreuses personnes. La critique doit être admise dans une certaine mesure et parfois aussi sous une forme outrancière. Certes, il ne faut pas donner à la liberté d'expression une signification si étendue que le souci de lutte contre la discrimination raciale est vidé de sa substance. A l'inverse, il doit être possible, dans une démocratie, de critiquer aussi le comportement de groupes humains déterminés. Dès lors, dans le cadre d'un débat politique, il ne faut pas admettre facilement un abaissement ou une discrimination au sens de l'art. 261bis al. 4 CP. L'infraction n'est pas déjà réalisée chaque fois que quelqu'un tient un propos négatif à l'égard d'un groupe protégé par cette norme pour autant que la critique reste globalement objective et se fonde sur des motifs du même ordre. Il ne faut donc pas interpréter trop restrictivement des propos tenus dans le cadre d'un débat politique, mais toujours les juger globalement (ATF 131 IV 23 consid. 3.1 p. 28 s.).

3.2 En l'espèce, les affiches litigieuses, placardées lors des élections fédérales de 2007, montrent des musulmans en prière lors d'une manifestation devant le Palais fédéral, à Berne, accompagnées du slogan « Utilisez vos têtes! Votez UDC. Suisse, toujours libre! ».

Contrairement à l'appréciation de l'autorité précédente, on ne peut admettre que, selon le destinataire moyen non prévenu, cette affiche s'adresse aux musulmans en leur demandant de relever la tête et d'être critiques à l'égard de leur religion. En effet, une affiche électorale s'adresse par définition aux futurs votants, lesquels ne sont pas majoritairement musulmans.

Compte tenu du contexte électoral régnant à cette époque, le lecteur moyen pouvait comprendre ces affiches dans le sens où il devait voter UDC pour éviter une invasion, voire une contamination musulmane en Suisse. Ce message joue évidemment sur les peurs et croyances populaires, puisqu'il laisse craindre une présence accrue de l'islam dans notre société, alors que des gens en prière ne sont pourtant pas censés constituer une menace. Il dénote également un manque d'ouverture d'esprit et de tolérance. Cependant, il ne fait pas apparaître les musulmans comme étant de rang inférieur et ne comporte pas d'affirmation d'inégalité de droit à jouir des droits de l'homme, même si un climat de peur ou d'hostilité peut être créé ou entretenu de cette manière. Dans ces conditions, on ne saurait parler de discrimination au sens de l'art. 261bis al. 4 CP.

3.3 L'affiche comporte également un jeu de mot provocateur, dans la mesure où elle associe l'image des postérieurs avec le mot « tête ». Cette allusion ne constitue pas le message principal des affiches litigieuses et ne suffit pas pour faire paraître les musulmans comme inégaux en droit du simple fait de leur croyance. De plus, la liberté d'expression commande de ne pas admettre facilement, dans le débat politique, notamment dans le contexte d'élections, l'existence d'un abaissement ou d'une discrimination.

http://jumpcgi.bger.ch/cgi-bin/JumpCGI? ... B_664/2008

2 mois plus tard

Appel au boycott des produits israéliens en raison de la politique du gouvernement israélien - condamnation (française) de l'auteur de l'appel pour discrimination en raison de la nationalité - condamnation avalisée par la Cour EDH

AFFAIRE WILLEM c. FRANCE (Requête no 10883/05)

Jugement du 16 juillet 2009

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

(...)

6. Le 3 octobre 2002, au cours de la réunion du conseil municipal de la ville de Seclin, et en présence de journalistes, le requérant, maire de la commune, annonça son intention de boycotter les produits israéliens sur le territoire de sa commune, en particulier les jus de fruits.

(...)

16. L'arrêt, dans ses attendus pertinents, fut motivé comme suit :

« (...) Attendu que les articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 incriminent le fait de provoquer par des discours ou par des écrits à la discrimination emportant entrave à l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;

Qu'en effet, ces textes renvoient aux dispositions des articles 225-1 et 225-2 du Code pénal qui, pour le premier, définit la discrimination comme étant le fait d'opérer une distinction entre les personnes physiques à raison de leur appartenance à une nation et, pour le second, prévoit qu'elle consiste à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;

(...)

Attendu que Jean-Claude Willem, en annonçant son intention de demander à ses services de ne plus acheter de produits en provenance de l'Etat d'Israël, a incité ceux-ci à tenir compte de l'origine des produits et par suite à entraver l'exercice normal de l'activité économique des producteurs israéliens ; que les propos qui lui sont reprochés ont été tenus devant le conseil municipal et en présence de journalistes et qu'en conséquence, ils l'ont été publiquement ;

Attendu qu'il importe peu que les producteurs en question ne soient pas plus précisément déterminés ; que l'appel au boycott de produits ayant une certaine provenance constitue une entrave à l'exercice normal de l'activité économique des producteurs en raison de leur appartenance à une nation ; qu'il est constant qu'il a pris en considération la nation israélienne à l'appui de sa décision ; qu'en effet, il visait, selon ses explications la politique menée par le chef du gouvernement israélien et par voie de conséquence a demandé aux services municipaux de tenir compte de la nation que le chef du gouvernement représente ;

Attendu que Jean-Claude Willem a manifesté par les propos qu'il a tenus une volonté discriminatoire et que le mobile qu'il a invoqué, protester contre la politique du premier ministre de l'Etat d'Israël, est sans incidence ; qu'en effet, le dol prévu par les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal est caractérisé par la seule conscience de traiter différemment les producteurs israéliens ;

Attendu que ce texte n'exclut pas de la répression les actes commis par les personnes privées et que Jean-Claude Willem soutient donc vainement que sa qualité de titulaire de l'autorité publique n'a pas été visée dans les poursuites ;

Attendu qu'aucun texte n'autorisait ou n'imposait une telle discrimination qui ne résultait que de prises de positions personnelles de Jean-Claude Willem à l'égard de la politique menée par un premier ministre, qui ne constituent pas des raisons objectives étrangères à l'appartenance des producteurs israéliens à la nation israélienne ; (...) »

(...)

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

24. Le requérant dénonce une violation de son droit à la liberté d'expression, résultant de la condamnation pour « provocation à la discrimination ». Il invoque l'article 10 de la Convention, aux termes duquel :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. (...)

2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, (...) à la protection de la réputation ou des droits d'autrui (...) »

(...)

2. Appréciation de la Cour

28. La condamnation litigieuse s'analyse en une « ingérence » dans l'exercice par l'intéressé de sa liberté d'expression, ce que reconnaît le Gouvernement. Pareille immixtion enfreint l'article 10, sauf si elle est « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire » dans une société démocratique pour les atteindre (voir, parmi beaucoup d'autres, Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986, §§ 34-37, série A no 103 ; Fressoz et Roire c. France , no 29183/95, § 41, CEDH 1999-I).

29. La Cour constate que les juridictions compétentes se sont fondées sur les articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, lesquels renvoient, selon la cour d'appel, aux dispositions des articles 225-1 et 225-2 du code pénal. Leurs décisions étaient motivées, comme le soutient le Gouvernement, par un but légitime : protéger les droits d'autrui, en l'occurrence les producteurs israéliens.

30. La Cour doit cependant examiner si cette ingérence était « nécessaire, dans une société démocratique », notamment si elle était proportionnée et si les motifs fournis par les autorités nationales pour le justifier étaient « pertinents » et « suffisants ».

(...)

35. A l'instar de la juridiction d'appel et de la Cour de cassation, la Cour constate que le requérant n'a pas été condamné pour ses opinions politiques mais pour une incitation à un acte discriminatoire. C'est d'ailleurs ce qu'avait souligné le Procureur général en précisant qu'il n'était pas reproché au requérant une idéologie antisémite (voir paragraphe 12 ci-dessus). En effet, le requérant ne s'est pas contenté de dénoncer la politique menée à l'époque par Ariel Sharon, mais il est allé plus loin, en annonçant un boycott sur les produits alimentaires israéliens.

(...)

38. La Cour conçoit que l'intention du requérant était de dénoncer la politique du premier ministre de l'Etat d'Israël, mais elle estime que la justification du boycott exprimée tant lors de la réunion du 3 octobre 2002 que sur le site internet correspondait à une démarche discriminatoire et, de ce fait, condamnable. Au-delà de ses opinions politiques, pour lesquelles il n'a pas été poursuivi ni sanctionné, et qui entrent dans le champ de sa liberté d'expression (voir, a contrario, Jerusalem, précité), le requérant a appelé les services municipaux à un acte positif de discrimination, refus explicite et revendiqué d'entretenir des relations commerciales avec des producteurs ressortissants de la nation israélienne. Ce faisant, par l'exposé d'une communication effectuée tant lors de la réunion du conseil municipal, sans donner lieu à débat ni vote, que sur le site internet de la commune, le requérant ne peut soutenir avoir favorisé la libre discussion sur un sujet d'intérêt général.

39. La Cour note encore que dans ses réquisitions devant les juridictions internes, le procureur de la République a fait valoir que le maire ne pouvait se substituer aux autorités gouvernementales pour ordonner un boycott de produits provenant d'une nation étrangère (paragraphes 12 et 22 ci-dessus).

40. Dans ces conditions, la Cour considère que les motifs avancés par les juridictions françaises pour justifier l'ingérence dans le droit du requérant à la liberté d'expression étaient « pertinents et suffisants » aux fins de l'article 10 § 2 de la Convention.

(...)

Diffusé par la Cour EDH: http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view. ... n=hudoc-fr

Fil de discussion interne: viewtopic.php?f=32&t=76762&start=0