Atteinte à l'honneur - définitions jurisprudentielles
Généralités
ATF 6S.504/2005 du 28 février 2006 (Cour de cass. pénale), consid. 2.1
Cette disposition protège la réputation d'être un homme honorable, c'est-à-dire de se comporter comme un homme digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. Il ne suffit pas qu'elle l'abaisse dans la bonne opinion qu'elle a d'elle-même ou dans les qualités qu'elle croit avoir, notamment dans le cadre de ses activités professionnelles, artistiques ou politiques. Echappent donc à la répression les assertions qui, sans faire apparaître la personne comme méprisable, sont seulement propres à ternir la réputation dont elle jouit dans son entourage ou à ébranler sa confiance en elle-même par une critique visant en tant que tel l'homme de métier, l'artiste ou le politicien (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47 et les arrêts cités). Une personne morale est atteinte dans son honneur, lorsqu'il est allégué qu'elle a une activité ou un but propre à la rendre méprisable selon les conceptions morales généralement admises (cf. par analogie: ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 28 s.; 116 IV 205 consid. 2 p. 206); tel est le cas, par exemple, si elle est assimilée à une organisation criminelle ou à un parti politique que l'histoire a rendu méprisable ou encore si l'on suggère qu'elle a de la sympathie pour le régime nazi (cf. ATF 121 IV 76 consid. 2a/bb p. 82).
Diffusé par le Tribunal fédéral:
http://www.polyreg.ch/bgeunpubliziert/J ... _2005.html
Accusations en matière d'adultère, de prostitution, de mensonge et de maladies sexuelles
ATF 6S.5/2007 du 14 mars 2007 (Cour de cass. pénale), consid. 3.3 et 3.4
3.3 Dans un arrêt datant de 1972, le Tribunal fédéral a retenu que le fait d'accuser quelqu'un d'adultère portait atteinte à son honneur. Pour les juges fédéraux de l'époque, des relations intimes entre partenaires dont l'un était marié restaient contraires aux bonnes moeurs malgré l'évolution des conceptions. Les juges motivaient leur point de vue par le fait que, sous certaines conditions, le code pénal punissait l'adultère d'emprisonnement (ATF 98 IV 86 consid. 2 p. 88 ). Par la loi fédérale du 23 juin 1989, entrée en vigueur le 1er janvier 1990, le législateur a cependant abrogé l'art. 214 CP, qui réprimait l'adultère, de sorte que la motivation exposée dans l'arrêt précité n'est plus pertinente aujourd'hui (RO 1989, 2449; FF 1985 II 1021). Dans un arrêt plus récent, du 6 décembre 2000 (6S. 752/2000, consid. 3), le Tribunal fédéral mentionnait, sans autre développement, à propos de l'application de l'art. 181 CP, que, bien que l'adultère ne fût plus réprimé pénalement, "il n'en rest pas moins qu'accuser une personne d'adultère p, suivant les circonstances, attenter à son honneur en jetant sur elle le soupçon d'avoir eu un comportement méprisable". Dans des ouvrages de doctrine publiés après l'abrogation de l'art. 214 CP, les auteurs citent encore l'adultère comme cas d'atteinte à l'honneur. Ainsi, tout en précisant que la punissabilité du comportement évoqué n'est pas une condition de l'atteinte à l'honneur, Riklin considère qu'il est attentatoire à l'honneur de reprocher à quelqu'un d'avoir un comportement socialement mal vu en matière sexuelle, tel que l'adultère et la prostitution. Il mentionne comme autres cas d'atteintes à l'honneur le fait d'évoquer qu'une personne a une maladie sexuelle ou qu'elle a menti (Riklin, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, 2003, rem. prélim. art. 173, n. 18 ). Stratenwerth/Jenny et Corboz citent également comme exemple d'atteinte à l'honneur le fait d'alléguer un adultère, le dernier auteur précisant que l'abrogation de l'art. 214 CP, qui réprimait l'adultère, devrait conduire à un réexamen de la motivation de la jurisprudence fédérale (ATF 98 IV 86; Stratenwerth/Jenny, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, 6e éd., Berne 2003, § 11, n. 20; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, art. 173, n. 16). Enfin, dans la jurisprudence cantonale, on trouve un arrêt neuchâtelois, qui déclare qu'il est douteux que l'accusation de concubinage dans le cadre d'un litige matrimonial soit attentatoire à l'honneur de façon générale (RJN 2001, p. 162); dans ce cas, les époux étaient cependant déjà séparés de fait.
3.4 Si l'adultère a cessé d'être punissable, cela ne signifie pas pour autant qu'il ne soit pas moralement réprouvé. La liberté sexuelle est certes entrée dans les moeurs. Il est vrai que la personne qui commet un adultère n'est aujourd'hui plus couverte d'opprobre. Le code civil exige cependant toujours, à l'art. 159 al. 3 CC, la fidélité des époux et conçoit ainsi la relation conjugale comme exclusive, pour chaque époux, de rapports semblables ou analogues avec un autre partenaire (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, Les effets du mariage, Berne 2000, § 1, n. 55, p. 66). L'adultère - s'il n'est plus une cause de divorce -, reste ainsi un acte illicite. Le conjoint qui entretient des relations intimes avec un tiers manque à ses engagements et trahit la confiance mise en lui par son partenaire. Il est bien souvent considéré encore aujourd'hui, dans la société, comme une personne déloyale, qui a manqué à sa parole, et sa réputation, sans être ruinée, sera néanmoins fortement compromise. Contrairement à l'avis de la cour cantonale, il faut donc admettre que le message envoyé par l'intimée est propre à déprécier le caractère du plaignant et à nuire à sa réputation, de sorte qu'il tombe sous le coup des art. 173 ss CP.
Diffusé par le Tribunal fédéral:
http://jumpcgi.bger.ch/cgi-bin/JumpCGI? ... _6S.5/2007
Distinction: diffamation - calomnie - injure
ATF 6S.664/2001 du 14 mai 2002 (Cour de cass. pénale), consid. 1.f)aa)
aa) Alors que la diffamation ou la calomnie supposent une allégation de fait, un jugement de valeur, adressé à des tiers ou à la victime, peut constituer une injure au sens de l'art. 177 CP (ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 29 et les arrêts cités). Pour distinguer l'allégation de fait du jugement de valeur, il faut se demander, en fonction des circonstances, si les termes litigieux ont un rapport reconnaissable avec un fait ou sont employés pour exprimer le mépris (Günter Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, Berne 1995, n. 19 ad § 11). La notion de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large; il s'agit d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots blessants, de gestes ou de voies de fait (Martin Schubarth, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, vol. III, Berne 1984, n. 7 et 8 ad art. 177 CP). L'honneur protégé correspond alors à un droit au respect formel, ce qui conduit à la répression des injures dites formelles, tels l'expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives (Paul Logoz, Partie spéciale I, Neuchâtel 1955, p. 255; Alain Steullet, La victime de l'atteinte à l'honneur, thèse Neuchâtel 1983, p. 35).
Diffusé par le Tribunal fédéral:
http://www.polyreg.ch/bgeunpubliziert/J ... _2001.html
Personne non désignée mais reconnaissable - Propagation de soupçons
Arret 6S.368/2000 du 4 décembre 2000 (Cour de cass. pénale), consid. 2)a)-c)
2)a)...Le comportement délictueux peut consister soit à accuser une personne, c'est-à-dire à affirmer des faits qui la rendent méprisable, soit à jeter sur elle le soupçon au sujet de tels faits, soit encore à propager - même en citant sa source ou en affirmant ne pas y croire - une telle accusation ou un tel soupçon...
Il n'est pas nécessaire que la personne visée soit nommément désignée; il suffit qu'elle soit reconnaissable...
b) ...Au demeurant, que le fait avancé soit vrai, que l'auteur fasse état de soupçons ou encore qu'il formule ses propos sous la forme d'une interrogation ou d'une supposition, la phrase incriminée n'en est pas moins attentatoire à l'honneur...
c) Au vu de ce qui précède, le caractère diffamatoire des propos litigieux a été nié à tort...
Diffusé par le Tribunal fédéral:
http://www.polyreg.ch/bgeunpubliziert/J ... _2000.html
Groupe de personnes - qualificatifs
ATF 100 IV 43 du 2 avril 1974 (Cour de cass. pénale), consid. 1 à 4
1.- La répression pénale des atteintes à l'honneur, fondée sur les art. 173 ss. CP, n'est possible que si l'honneur d'une personne physique ou morale est atteint. Il convient dès lors d'examiner avant toute chose si, dans le cas d'une attaque collective visant les chasseurs et dirigée contre eux, l'honneur individuel de chaque chasseur ou des sociétés ou associations groupant des chasseurs est atteint dans une mesure suffisamment nette pour justifier l'application des sanctions pénales.
2.- On peut admettre que certains des termes employés par l'intimé Debrot dans l'article incriminé, ou publiés sous sa responsabilité, constitueraient des atteintes à l'honneur tombant sous le coup du code pénal, s'ils étaient dirigés contre une personne déterminée. Des termes comme "maniaques", "vicieux", "brutes sanguinaires", voire "êtres humains qui n'en sont - mentalement et intellectuellement - qu'à l'état larvaire" paraissent propres à blesser l'honneur personnel et la réputation d'être un homme honorable, en tout cas dans la mesure où ces termes sont détournés de leur sens médical ou purement scientifique pour être utilisés dans leur sens courant et déprécier le caractère de la personne visée (cf. RO 98 IV 90). Cela n'implique cependant pas pour autant que l'emploi de tels termes à l'endroit de l'ensemble des chasseurs, c'est-à-dire d'une collectivité ou d'un ensemble de personnes ayant pour caractéristique commune l'exercice plus ou moins régulier d'une même activité, porte nécessairement atteinte à l'honneur de chacun des individus appartenant au groupe. Si, dans le cadre d'une attaque dirigée contre un groupe bien délimité de personnes (par ex. 73 conseillers nationaux), la Cour de cassation a admis que chacune des personnes du groupe pouvait être lésée dans son honneur (RO 80 IV 159 consid. 4), elle ne s'est en revanche pas prononcée à propos d'attaques dirigées contre des communautés plus vastes. Avant l'entrée en vigueur du code pénal suisse cependant, et dans le cadre limité de son pouvoir d'examen en cas de recours de droit public, le Tribunal fédéral a déclaré qu'il n'y avait pas d'arbitraire à admettre que l'existence d'une atteinte à l'honneur d'une personne déterminée pouvait résulter d'une désignation collective, à la condition que les individus en soient l'objet d'une manière reconnaissable; il a considéré à cette occasion que c'est une question d'appréciation des faits concrets que de savoir s'il en est ainsi; se référant à la doctrine, il a cependant montré quelque réserve pour le cas où l'attaque serait dirigée contre une collectivité comprenant un très grand nombre d'individus (RO 50 I 216-218 consid. 3). La doctrine s'est attachée à dégager des critères et des éléments d'appréciation plus précis, en cherchant à tracer les limites jusqu'auxquelles une attaque collective est encore propre à porter atteinte à l'honneur de l'individu. Refusant d'admettre que toute attaque collective, quelle que soit l'ampleur de la collectivité visée, a nécessairement un effet réflexe sur les individus qui la composent et porte dès lors atteinte à leur honneur personnel (BRUNSCHWIG, Die Kollektiv-Ehrverletzung, p. 20 ss., 27 ss.), la doctrine dominante se montre plus nuancée et plus restrictive. Suivant en cela les tendances de la jurisprudence allemande, elle considère qu'une offense collective ne portera atteinte à l'honneur d'individus que si la collectivité ou le groupe attaqué est suffisamment délimité pour se distinguer nettement de l'ensemble de la communauté; à défaut de cette délimitation, l'offense est dépourvue d'un pouvoir suffisamment déterminant pour atteindre les éléments de la collectivité visée dans leur honneur (STREHLE, Die Kollektivbeleidigung im schweizerischen und deutschen Recht, p. 52/53; KRUG, Ehre und Beleidigungsfähigkeit von Verbänden, p. 28 ss.; MAURACH, Deutsches Strafrecht, Bes. Teil, éd. 1961, § 17 III b, p. 137; Leipziger Kommentar, éd. 1958, p. 137 ch. 3; éd. 1970, vor § 185, n. 16 à 19). Si elle ne trace pas une limite claire, cette manière de voir permet de poser que toute atteinte à l'honneur individuel est en principe exclue, lorsque l'attaque est dirigée de manière générale contre toute une classe de personnes, pratiquant une religion ou exerçant par exemple une profession, prise dans son ensemble et sans aucune désignation plus précise (STREHLE, op.cit., p. 72 ss., 82; KRUG, op.cit., p. 28 ss.; STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Bes. Teil I, p. 112). En matière civile, dans le cadre de l'application de l'art. 28 CC, on peut observer la même tendance de la doctrine (cf. EGGER, Kommentar ZGB, n. 38 ad art. 28, p. 250). Quant à la jurisprudence française, elle est encore plus restrictive, puisqu'elle considère que des attaques générales, aussi injustes ou excessives soient-elles, dirigées contre une collectivité indéterminée ou une classe sociale n'atteignent en réalité personne; il a été jugé que lorsqu'on attaque un vaste groupe de personnes, que rien n'unit entre elles, à l'exception d'une communauté d'origine ou d'intérêts, d'une identité de profession ou de traditions, d'une affinité de souvenirs ou d'idéal (p.ex. noblesse, clergé, magistrature, médecins, commerçants, membres d'un parti ou d'une classe, habitants d'une ville ou supporters d'un club sportif), les diffamations et les injures se dispersent et ne parviennent pas à blesser individuellement les personnes qui composent de tels groupes (Cour de cassation criminelle, 16 décembre 1954, Recueil Dalloz 1955, p. 287 ss.).
3.- Sans aller jusqu'à adopter la position de la jurisprudence française, on doit admettre que l'attaque générale dirigée contre une vaste collectivité de personnes prise dans son ensemble ou son universalité n'est pas propre à porter atteinte à l'honneur de chacun des individus qui lui appartiennent, si aucune délimitation ne permet d'identifier un groupe plus restreint se distinguant de l'ensemble. Trop générale, l'attaque se dilue au point de s'atténuer considérablement et elle détourne le citoyen moyen d'envisager ou de croire qu'elle puisse réellement toucher sans aucune exception tous les individus de la collectivité visée. L'existence d'une certaine précision dans la désignation du groupe ou des personnes visées correspond d'ailleurs au but de la répression pénale en matière d'atteinte à l'honneur, en ce sens que celle-ci doit rester l'ultima ratio (cf. LOGOZ, Partie spéciale ad art. 173-178, ch. 2, p. 238 ).
4.- Les attaques formulées par l'intimé sont dirigées contre tous les chasseurs pris dans leur ensemble et dans toute leur universalité. C'est en vain que les recourants tentent de soutenir que ces attaques ne viseraient que les chasseurs vaudois ou que, dans l'esprit des lecteurs des articles incriminés, l'intimé ne parlerait que des chasseurs vaudois; ce n'est pas parce que les articles ont paru dans un périodique vaudois à l'occasion de discussions ou de polémiques brûlantes dans le canton de Vaud que l'on doit en arriver à une semblable conclusion. Rien dans les articles en cause ne permet de comprendre ou de déduire qu'ils établissent une distinction entre les chasseurs vaudois et les autres. Bien au contraire, le sens et le contexte des articles font ressortir que les attaques sont dirigées contre tous les chasseurs en général, de quelque origine ou de quelque provenance qu'ils soient. Rien ne permet d'inférer que ces attaques ne s'adressent qu'aux chasseurs vaudois, et ne concerneraient ni ne viseraient les chasseurs de cantons ou de pays voisins ou lointains. Aucune précision géographique, locale, ni aucune délimitation particulière quelconque ne permet de circonscrire l'attaque à un groupe plus restreint ou mieux défini par rapport à l'ensemble des chasseurs du monde. Dans ces conditions, aucun chasseur individuel, ni aucun chasseur vaudois plus particulièrement qu'un autre, ne peut se sentir suffisamment atteint dans son honneur personnel pour qu'il puisse être fait application des art. 173 ss CP à l'endroit de l'intimé. Celui-ci a donc été libéré à juste titre par la cour cantonale.
Publié par le Tribunal fédéral:
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Personnes politiques
ATF 6S.664/2001 du 14 mai 2002 (Cour de cass. pénale), consid. 1.a), 1.d) et 3. c)
Dans la discussion politique, l'atteinte à l'honneur punissable n'est admise qu'avec retenue (ATF 118 IV 248 consid. 2b p. 251) et, en cas de doute, doit être niée (ATF 116 IV 146 consid. 3c p. 150). La liberté d'expression indispensable à la démocratie implique que les acteurs de la lutte politique acceptent de s'exposer à une critique publique, parfois même violente, de leurs opinions (Bernard Corboz, Les principales infractions, Berne 1997, n. 10 ad art. 173 CP). Il ne suffit pas d'abaisser une personne dans la bonne opinion qu'elle a d'elle-même ou dans les qualités politiques qu'elle croit avoir. Echappent ainsi à la répression les assertions qui, sans faire apparaître la personne comme méprisable, sont seulement propres à ternir la réputation dont elle jouit comme politicien ou à ébranler la confiance qu'elle a en elle-même par une critique la visant en tant que politicien (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47 et les arrêts cités). La critique ou l'attaque porte toutefois atteinte à l'honneur protégé par le droit pénal si, sur le fond ou dans la forme, elle ne se limite pas à rabaisser les qualités de l'homme politique et la valeur de son action, mais est également propre à l'exposer au mépris en tant qu'être humain (ATF 105 IV 194 consid. 2a p. 196; Bernard Corboz, loc. cit.). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 121 IV 76 consid. 2a/bb p. 82; 119 IV 44 consid. 2a p. 47; 118 IV 248 consid. 2b p. 251; 117 IV 27 consid. 2c p. 29 s.). S'agissant d'un texte, il doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 30; 115 IV 42 consid. 1c p. 44; Martin Schubarth, Grundfragen des Medienstrafrechtes im Lichte der neueren bundesgerichtlichen Rechtsprechung, RPS 113/1995 p. 155). Les propos que tiennent des adversaires politiques dans le cadre d'un débat engagé ne doivent cependant pas toujours être pris au pied de la lettre, car ils dépassent souvent la pensée de leurs auteurs. Par ailleurs, le public concerné par le débat ne tire guère des tracts qu'il lit ou des discours qu'il entend de réels motifs de suspicion à l'endroit des personnes visées, à moins que ceux-ci soient énoncés avec clarté et fondés sur des accusations précises (ATF 105 IV 194 consid. 2a p. 196).
Le déroulement d'un débat politique équitable implique notamment que l'identité des auteurs de tracts ou d'affiches apparaisse sur ces écrits (cf. Max Imboden, Helvetisches Malaise, Zurich 1964, p. 41). Celui qui ne se tient pas à cette règle élémentaire du débat public et mène une campagne en se retranchant intentionnellement derrière l'anonymat n'est ainsi pas fondé à se prévaloir de la jurisprudence imposant une retenue dans la sanction des atteintes à l'honneur commises dans le débat politique.
Le fait de mener la campagne de manière anonyme révèle en effet une lâcheté qui rejette dans l'ombre les mobiles invoqués. Les personnes expressément visées par cette campagne étaient, de manière intentionnelle, privées de la possibilité de riposter à l'attaque, qui pourtant voulait s'inscrire dans le cadre du débat public; il est difficile de répondre à une personne ou à un groupement dont on ne connaît ni l'identité ni l'adresse.
Diffusé par le Tribunal fédéral:
http://www.polyreg.ch/bgeunpubliziert/J ... _2001.html
Bonne foi de l'auteur
ATF 6S.664/2001 du 14 mai 2002 (Cour de cass. pénale), consid. 2.a)
L'art. 173 ch. 2 CP dispose que l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. L'accusé apporte la preuve de sa bonne foi s'il démontre qu'il a accompli les actes que l'on pouvait exiger de lui pour contrôler la véracité de ce qu'il alléguait. Une prudence particulière doit être exigée de celui qui donne une large diffusion à ses allégations (ATF 124 IV 149 consid. 3b p. 151; 116 IV 205 consid. 3b p. 208 ).
Diffusé par le Tribunal fédéral:
http://www.polyreg.ch/bgeunpubliziert/J ... _2001.html
Exclusion de l'excuse de vérité ou de bonne foi
ATF 6S.212/2004 du 6 juillet 2004 (Cour de cass. pénale), consid. 2.2
2.2 L'art. 173 ch. 2 CP dispose que l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Le fardeau de la preuve libératoire incombe à l'auteur de la diffamation. Celui-ci a le choix de fournir la preuve de la vérité ou celle de la bonne foi. Lorsque l'une de ces deux preuves est apportée, l'inculpé doit être acquitté (ATF 119 IV 44 consid. 3 p. 48 ). L'art. 173 ch. 3 CP précise que l'inculpé ne sera pas admis à faire ces preuves et sera punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille. Il résulte de l'art. 173 ch. 3 CP que l'auteur de la déclaration litigieuse n'est pas systématiquement admis à apporter une preuve libératoire. Le seul fait d'avoir dit la vérité ne suffit donc pas dans tous les cas à échapper à une sanction pénale (cf. Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, Berne 2002, art. 173 CP n. 53). L'admission à la preuve libératoire constitue la règle, de sorte que les conditions d'un refus sont interprétées plutôt restrictivement (cf. Corboz, op. cit., art. 173 CP n. 54; Martin Schubarth, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Bes. Teil, 3. Band, Berne 1984, art. 173 CP n. 69). La preuve libératoire ne peut être refusée que si l'auteur s'est exprimé sans motif suffisant et s'il a agi principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui. Les deux conditions sont cumulatives (ATF 116 IV 31 consid. 3 p. 38, 205 consid. 3b p. 208 ). L'art. 173 ch. 3 CP mentionne l'intérêt public comme exemple de motif suffisant. L'auteur peut toutefois faire valoir un autre motif suffisant. Un tel motif n'est pas d'emblée exclu lorsque le fait touche à la vie privée ou à la vie de famille, mais il faut se montrer plus restrictif quant à son admission (cf. Corboz, op. cit., art. 173 CP n. 62; Schubarth, op. cit., art. 173 CP n. 71). (...)
Ainsi, le recourant a agi dans le dessein de dire du mal et sans motif suffisant. La Chambre pénale n'a pas violé le droit fédéral en ne l'autorisant pas à apporter les preuves libératoires de l'art. 173 ch. 2 CP. Dans ces conditions, il est indifférent de savoir si les affirmations propagées par le recourant sont vraies comme il le soutient. Même en les supposant telles, ses affirmations restent illicites en l'espèce.
Diffusé par le Tribunal fédéral:
http://jumpcgi.bger.ch/cgi-bin/JumpCGI? ... S.212/2004