Quel faux cul...
PARIS (AP) - Jacques Chirac hausse à son tour le ton contre la Turquie. Le président français a estimé vendredi que le refus d'Ankara de reconnaître Chypre "n'est pas dans l'esprit que l'on attend d'un candidat à l'Union".
Lors d'un entretien avec le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, Jacques Chirac a fait part des "interrogations" de Paris sur la déclaration interprétative adossée par la Turquie à son adhésion au protocole d'Ankara.
Le gouvernement turc a signé le 29 juillet cet accord élargissant son union douanière avec l'UE à Chypre et aux autres nouveaux membres de l'Union. Dans une déclaration séparée, la Turquie avait toutefois précisé que cette signature ne valait pas reconnaissance de l'Etat chypriote. Depuis 1974, Chypre est divisée en deux, un Etat chypriote-grec au Sud et un autre chypriote-turc au Nord mais seul le premier est reconnu par la communauté internationale.
La signature de ce protocole était exigée par les Européens pour accepter d'ouvrir le 3 octobre prochain des négociations avec la Turquie en vue de son adhésion à l'UE, conformément aux conclusions du conseil européen du 17 décembre 2004.
Selon Jacques Chirac, "cette déclaration pose des problèmes politiques et juridiques et n'est pas dans l'esprit que l'on attend d'un candidat à l'Union".
La France souhaite donc en discuter avec les autres Etats-membres de l'Union lors de la prochaine réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, les 1er et 2 septembre, a précisé l'Elysée.
Jacques Chirac réclame en outre "des garanties et des clarifications" de la Turquie sur "la pleine application" de son union douanière avec l'UE, "y compris à Chypre". Paris estime que la déclaration séparée faite par Ankara le 29 juillet équivaut à un refus de l'Union douanière.
Les interrogations exprimées ouvertement par Jacques Chirac rejoignent celles exprimées le 2 août dernier par son Premier ministre. Dominique de Villepin avait estimé qu'il n'était "pas concevable" que l'ouverture des négociations d'adhésion puisse avoir lieu le 3 octobre si la Turquie n'avait pas reconnu Chypre à cette date.
Jacques Chirac s'était exprimé le même jour sur ce sujet lors du conseil des ministres, mais ses propos n'avaient alors pas été rapportés par le porte-parole du gouvernement français.
Les déclarations de Dominique de Villepin avaient suscité de vives réactions à Ankara. "Il n'est pas possible pour nous d'imaginer de nouvelles conditions avant le 3 octobre", avait rétorqué le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.
En s'alignant sur la position de son Premier ministre, Jacques Chirac, personnellement favorable à la candidature turque, tente d'infléchir la position de ses partenaires européens, un mois avant la date fatidique du 3 octobre. La question de l'élargissement, et en particulier d'une éventuelle adhésion de la Turquie à l'UE, a pesé lourd dans le "non" des Français à la Constitution européenne le 29 mai dernier.
L'entretien entre Jacques Chirac et José Manuel Barroso a également porté sur la préparation de la réunion informelle organisée les 27 et 28 octobre par la présidence britannique pour tenter de surmonter la crise ouverte par les "non" français et néerlandais à la Constitution européenne.
"La France aborde cette échéance dans un esprit d'unité et de rassemblement", a déclaré Jacques Chirac, souhaitant que cette réunion puisse "confirmer l'ambition européenne fondée sur l'idée d'une Europe politique et solidaire".
Il a enfin rappelé au président de la Commission la "vigilance" de Paris sur le projet de directive européenne sur les services, qui avait suscité un vive polémique pendant la campagne référendaire en France. José Manuel Barroso s'est refusé à toute déclaration en quittant l'Elysée. AP