1- Chaque confession chrétienne possède son canon de la Bible, ainsi que des éléments de doctrine sur son interprétation et sur l'autorité à lui attribuer. Dès les débuts du christianisme, ces questions ont suscité des conflits avec des accusations réciproques d'hérésie : les gnostiques, les différentes interprétations christologiques...
Dans le cas du catholicisme, la Bible est considérée comme écrite par des hommes, inspirés par l'Esprit Saint, donc par Dieu. Mais, l'inerrance recouvre-t-elle toute la Bible, ou les parties de la Bible écrites en vue d'un but, le salut des hommes ? Quels passages sont inerrants ? Comment les distinguer ? Par leur objet : histoire, physique, théologie... ?
De nombreux passages de la Bible relèvent de la poétique, de la rhétorique, du récit ; sont plus ou moins imagés, et présentent une grande difficulté d’interprétation. En résulte la grande variété des interprétations possibles – comme en témoigne le nombre de confessions chrétiennes qui ont existé – et la forte possibilité pour ses interprètes, les théologiens, de se tromper.
La portée à attribuer à l'inerrance est devenue une véritable épine dans le pied de l'Eglise au XVIIème avec l'affaire Galilée : l'héliocentrisme était-il contraire à l'Ecriture, notamment le miracle de Josué ? Au XIXème siècle, avec le développement de nombreuses sciences comme l'histoire, l'archéologie.. qui ont favorisé l'émergence d'une exégèse plus critique, le débat a pris une nouvelle dimension : à présent, il s'agissait d'un véritable champ de bataille entre traditionalistes et modernistes.
L'Eglise catholique a voulu trancher la question à plusieurs reprises. Vatican I ouvre le bal en reconnaissant l'inspiration divine de l'Ecriture. Léon XIII, Benoit XV, et Pie XII ont chacun produit une encyclique sur le sujet : Providentissimus Deus en 1893, Spiritus Paraclitus en 1920 et Divino Afflante Spiritu en 1943. L'examen de chacune d'entre elles permettrait sans doute d'établir les atermoiements de la sainte autorité. Le dernier arbitrage date de Vatican II, par la constitution Dei Verbum en 1965 : elle précise que l'inerrance biblique est relative au salut de l'homme, et non à d'autres sujets, comme la physique, la biologie, l'histoire... Le dernier avis officiel consacre une version restreinte de l'inerrance, au scandale des plus traditionalistes.
Quelle part attribuer dans cette affaire à l'adaptation de l'Eglise en vue de se soustraire à la réfutation – le concordisme – , et quelle part attribuer à une interprétation théologique sincère ? Difficile de répondre à une telle question. Néanmoins, il est certain que depuis le concile de Trente (1545 – 1563), le développement des sciences fut autant un défi auquel répondre, qu'une occasion de préciser la doctrine.
2- Le Coran, considéré comme la parole de Dieu transmise à Muhammad, reste un texte. Dès lors qu'il y a des hommes, et un texte, qui comme précédemment peut être imagé, il y a diverses interprétations du sens du texte, et sûrement là aussi diverses herméneutiques.
L'islam est divisé en divers courants. Le sunnisme, le principal se divise en écoles juridiques, (madhhabs) : hanafisme, chafiisme, malikisme, hanbalisme. Chacune d'entre elles interprète différemment la loi islamique à partir de sources de la loi, dont certaines sont partagées comme le Coran et la Sunna. Chacune les hiérarchise à sa façon aussi. En résulte, d'une école à l'autre, de possibles différences de pratiques, même si elles s'inscrivent dans un même courant religieux.
Les jugements portés sur ces écoles, qui servent à distinguer un bon d'un mauvais islam, par exemple un « libéral » d'un « rigoriste » ne sont pas scientifiques ; car ils reposent sur les croyances ou valeurs admis par celui qui les porte. Pour le dire autrement, ceux qui les professent confondent leurs propres jugements de valeur ou idéologiques, avec des jugements de faits ou scientifiques. La distinction entre islam et islamisme, sous couvert de science, implique souvent cette erreur.