candidus
Il me semble que si. La constitutionnaliste Marie Anne Cohendet montre bien quels sont les causes de l'hyperprésidentialisme.
D'abord l'élection présidentielle au suffrage universel (qui ne peut être changée que par une révision constitutionnelle) fait qu'il dispose directement d'une légitimité populaire, contrairement au premier ministre qui n'est que nommé par lui.
Ensuite le calendrier électoral (qui lui peut être modifié sans révision même si je pense que le retour au septennat est la solution la plus durable) fait que toute l'attention médiatique et donc celle des électeurs se porte sur cette élection. Les législatives sont réduites à un moment symbolique où les électeurs sont déjà saturés de débats politiques et considèrent que les jeux sont faits. Ce n'est plus que le sacre du monarque républicain. Les candidats de la majorité s'appellent eux même "candidats de la majorité présidentielle", font des affiches avec un photomontage qui accole leur photo et celle du président élu, leurs tracts comportent trois lignes soit disant écrites de la main du président, leur investiture est décidée par un parti qui est dans la main du président et leur programme se résume à celui de président, en d'autres termes, leur mandat consistera à obéir docilement aux directives de l'Élysée.
Troisièmement, le scrutin majoritaire donne (lorsque l'élection du président ne se fait pas par défaut) une super majorité artificielle, absolument pas représentative des rapports de forces politiques dans l'opinion, ce qui accentue l'effet godillot. Ceci est aggravé par le calendrier électoral qui pousse à l'abstention des électeurs des candidats malheureux de la présidentielle. Par conséquent l'hypothèse de l'adoption d'une motion de censure est très improbable, rendant le gouvernement de fait politiquement irresponsable.
Quatrièmement, et surtout, le Président dispose d'un pouvoir propre et quasi discrétionnaire de prononcer la dissolution. Donc comme c'est lui et non le premier ministre (contrairement à ce qui se fait dans les autres régimes parlementaires) qui dispose de cette arme ultime, c'est lui qui discipline la majorité et c'est donc envers lui que les députés de la majorité jurent fidélité.
Enfin les habitus. Bien que les français ne furent pas malheureux lors des périodes de cohabitation, le personnel politique (parce que chacun souhaite disposer d'un pouvoir quasi absolu et ne défend les contre pouvoirs que quand il est dans l'opposition) estime qu'il s'agit d'une anomalie et que la norme c'est un président qui dicte les orientations et un gouvernement qui lui obéit. D'ailleurs vous observerez que quand on parle du premier ministre, il n'est pas rare qu'on emploie un possessif (le président et SON premier ministre). Et la pratique de la révocation, bien que non prévue à l'article 8 est courante et admise. D'ailleurs, comment un premier ministre qui doit tout au Président pourrait il s'y opposer ? Une preuve supplémentaire que votre souhait (et le mien) de voir enfin respecté l'article 20 est un voeu pieux s'il n'y a pas de révision, c'est qu'à une exception près, tous les présidents ont nommé un premier ministre dans la foulée de leur élection sans attendre les législatives. Si les articles 49 et 50 prévoient une responsabilité politique du gouvernement devant le parlement, dans les faits, sa légitimité ne procède plus que de l'élection présidentielle.
Je ne propose pas grand chose de révolutionnaire. Le septennat était prévu en 58, je suggère de le rétablir.
La modification que je propose à l'article 8, fondamentalement ne change presque rien au droit et consiste essentiellement en une reformulation. La seule chose qui changerait vraiment, c'est que le premier ministre, qui est (sauf erreur de ma part) la seule autorité à mandat à durée indéterminée aurait désormais un mandat calqué sur les législatures.
Le passage du droit de dissolution aux prérogatives presidentielles partagées est la seule véritable réforme importante que je suggère sur l'équilibre des pouvoirs entre les deux têtes de l'exécutif et s'appuie sur ce qui existe ailleurs en Europe.
La modification que je propose au mode de scrutin législatif (proportionnel avec prime majoritaire en circonscriptions régionales), visant à pousser le premier ministre à la négociation avec le parlement en s'appuyant sur sa majorité plutôt qu'à l'obéissance absolue au président ne requiert pas de révision constitutionnelle et peut passer par une loi ordinaire. J'en profite pour souligner que les rédacteurs de la constitution n'ont pas jugé indispensable ni même nécessaire de verrouiller le scrutin majoritaire au niveau normatif suprême.
Le vote de confiance comme condition préalable pour recourir aux dispositions prévues aux articles 29, 38, 42.2, 44.3, 48.2 et 49.3 me semble plutôt modérée comparée aux idées visant à détricoter entièrement le parlementarisme rationalisé ou même comparé à ceux qui (comme le dernier gaulliste du paysage politique) propose de rendre le vote de confiance obligatoire. L'idée étant que seul un gouvernement majoritaire puisse avoir les moyens d'imposer son calendrier de réformes. S'il est minoritaire, il doit composer avec l'opposition soit en formant une coalition, soit texte par texte.