«J’ai touché un tabou français» : accusée de diminuer les subventions des Pays de la Loire, la présidente de Région contre-attaque
ENTRETIEN - Christelle Morançais (Horizons) assume de vouloir baisser les dépenses de la collectivité, en diminuant notamment les subventions aux associations.
LE FIGARO. - Vous avez décidé de faire des économies de 100 millions d’euros . Depuis, le gouvernement est tombé. Gardez-vous le cap ?
MORANÇAIS. - Oui. Même si le gouvernement est tombé, la dette n’est pas partie avec Michel Barnier. Le pays va mal. La dette culmine à 3300 milliards d’euros, nous empruntons au taux de la Grèce, le chômage remonte, les perspectives économiques sont mauvaises. Faire des économies sur le fonctionnement est un devoir moral que nous devons à nos enfants. C’est aussi le seul moyen d’anticiper les conséquences de la crise qui vient.
N’y avait-il pas d’autres leviers ?
La grande tendance en France a toujours été, pour réduire la dette, de lever de l’impôt. Je m’y refuse. On est le pays avec le plus de taxes et le plus d’impôts. Il faut vraiment aller faire des réformes de fond dans les économies.
Beaucoup de chiffres ont circulé. Quand vont avoir lieu les premières coupes et sur quels critères ?
Pour être précis, c’est 82 millions d’euros pour l’année 2025. Le reste se fera sur l’année 2026. C’est essentiellement sur les subventions auprès de nos partenaires, quels qu’ils soient. On parle beaucoup de la culture, mais c’est aussi le sport, les associations, le monde économique... c’est pour tout le monde. Nous ne remplacerons pas également 100 postes au sein de notre administration. Je demande aux acteurs de faire des efforts, mais nous en faisons aussi au sein de notre collectivité. J’ai choisi de recentrer la région sur ses compétences prioritaires et de maintenir un haut niveau d’investissement pour nos lycées, les transports, le soutien à l’économie et à l’emploi. Baisser les dépenses du quotidien, c’est continuer à investir pour l’avenir.
Vous avez été beaucoup attaquée ces dernières semaines. Avez-vous pensé à faire marche arrière ?
J’ai touché un tabou français : plus on dépense, mieux on se porte. Or, c’est l’inverse qui se produit. On dépense et on taxe plus que partout ailleurs, et pourtant le pays va mal. Nos grands services publics, l’hôpital, l’école, la justice, la sécurité, sont en difficulté. Un Français sur deux vote pour les extrêmes. Pour moi, ce cycle est terminé, nos comptes sont lessivés, il faut nous ressaisir collectivement. Oui, je reçois des attaques, mais il n’y a pas de grande réforme sans remous. Je ne m’attendais pas à avoir des «bravos». Je ne fais pas ça pour être aimée mais pour être utile.
Vous venez du secteur privé. Les entreprises doivent souvent rationaliser leurs dépenses, le secteur public peut-il s’en inspirer ?
Quand vous êtes en crise ou en difficulté - que ça soit une entreprise mais même une famille, si jamais il y a un licenciement ou des revenus en moins -, vous faites des efforts. La famille va baisser son train de vie, aller moins au restaurant, s’acheter peut-être moins de vêtements... Il me semble nécessaire qu’aujourd’hui, les collectivités prennent la même responsabilité.
Si la région était une entreprise privée, serait-elle en faillite ?
La région est bien gérée. Standard & Poor’s vient de nous accorder la meilleure notation possible pour une collectivité. Ce n’est pas ça qui se joue. La dette nous concerne tous, l’effort de redressement nous incombe tous. En tant que présidente de Région, je ne peux pas faire comme si ce problème n’était pas le mien. Aujourd’hui, on est shooté à la subvention. Il faut vraiment en sortir.
On a l’impression que cette séquence réactive le clivage gauche-droite...
À gauche, la dette n’existe pas, c’est un fantasme néolibéral. Rarement la gauche française, et en particulier le PS qui se dit un parti de gouvernement, n’a été plus déconnectée et éloigné du sens de l’intérêt général. La seule chose qui l’intéresse est de sauver ses sièges, de voir s’il faut s’associer à Mélenchon malgré les outrances, l’antisémitisme, la haine qu’il charrie. C’est moi d’abord, et le pays passe après. C’est lamentable.
Les associations et structures redoutent des licenciements et dénoncent un manque de dialogue. Les comprenez-vous ?
Je comprends l’inquiétude et la colère, mais aucune subvention n’est éternelle. Comment peut-on imaginer qu’une aide publique puisse être un acquis à vie et sans conditions ? Dans la plupart des cas, l’aide de la région n’excède pas par exemple 5% du budget des festivals. Ça n’est pas assez significatif pour fragiliser la structure. Pour les associations plus impactées, nous assurerons un dernier soutien financier l’an prochain et un accompagnement pour trouver d’autres types de financements ensuite. Il faut que le système apprenne à se réinventer sans la puissance publique qui n’en a plus les moyens.
Vous avez pris du grade chez Horizons. Avez-vous été soutenue par Édouard Philippe pendant cette séquence ?
Édouard Philippe m’a nommée dimanche dernier vice-présidente d’Horizons. Je l’ai rejoint parce qu’il est seul aujourd’hui à dire clairement que la France va mal, que la dette est une catastrophe et à proposer un chemin lucide et courageux, celui de la réforme. J’ai reçu beaucoup de soutiens privés venant de personnalités politiques, et surtout venant de Français. Ceux qui m’inspirent sont nos concitoyens qui se lèvent le matin et vont travailler, qui en ont marre des taxes, des impôts et des normes, et qui veulent que le pays change. C’est ce que j’appelle cette majorité silencieuse.
Vous êtes la seule région à annoncer des coupes budgétaires si drastiques. D’autres vont-elles suivre ?
Toutes les régions, je dirais même toutes les collectivités, sont concernées. La région Normandie doit faire 120 millions d’euros d’économies, l'Île-de-France 750 millions, les Hauts de France 350 millions... Après c’est un choix politique : moi j’ai choisi d’assumer de faire des économies de fonctionnement, pour continuer d’investir. Beaucoup de collectivités font le choix inverse. Je considère que c’est une faute dans le contexte qui est le nôtre. Si je baisse mes investissements dans les lycées, combien d’entreprises du BTP seront sur le carreau ? Ça, je m’y refuse absolument.