Si l'on prend l'analyse de Bergson sur le rire, l’humour s’adresserait à l’intelligence pure et ferait taire la sensibilité, nous serions donc des sortes de robots insensibles et asociaux en le pratiquant.
L’humour, le rire sont à la fois un mécanisme de défense, une manière de mettre le malheur à distance et, dans l’après coup, un adjuvant décisif dans la reconstruction post-traumatique. Pour Boris Cyrulnik – je cite « le souvenir résilient ne consiste pas à faire revenir la souffrance passée, mais au contraire à la transformer, à en faire quelque chose, un roman, un essai, un engagement ». On sait que plusieurs facteurs jouent un rôle positif dans ce réaménagement psychique, notamment l’entourage familial, les liens amoureux, amicaux, sociaux. Or l’humour et son corollaire le rire sont des qualités éminemment sociales. Pas étonnant que les psychologues aient tenté de mesurer son impact et de l’intégrer dans leurs pratiques thérapeutiques. ...
Si l’humour et le rire ont une fonction sociale avérée et peuvent même créer « un lien d’attachement », pourquoi les frontières de genre y tracent-elles une différence aussi marquée entre hommes et femmes ? On sait que l’humour est une qualité recherchée par les femmes chez leur partenaire masculin mais que l’inverse n’est pas vrai. Le Père de l’Église Clément d’Alexandrie prescrivait même aux femmes de ne pas rire, sous peine de se comporter comme des prostituées. Et selon Claude Lévi-Strauss (Le Cru et le Cuit), le rire féminin représente « l’ouverture ludique du corps », il signalerait le consentement à la relation sexuelle. Certains ont prétendu que, dans le cadre de la sélection naturelle, cette qualité recherchée par les femmes aurait, du coup, été davantage développée par les hommes dans leur quête du partenaire sexuel. Le raisonnement se mord la queue, qui de l’œuf ou de la poule, la question reste ouverte, si j’ose dire…
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