J'ai dit qu'il avait inventé la Police moderne.
Il y a des gens qu'on ne peut pas atteindre, parce qu'ils sont trop puissants, qu'ils ont trop de pouvoir, de prestige, de naissance, de richesse, etc. On n'a pas la force pour les contraindre, mais on peut les tenir si on a des renseignements. On peut connaître leur faiblesse, là où on pourra les attaquer le moment venu. Faute de pouvoir les abattre immédiatement, on accumule des infos qui permettront de les contrôler. On peut naturellement leur faire savoir qu'on a un dossier sur eux, s'il leur venait la mauvaise idée de se manifester contre le pouvoir en place.
Pour ce que j'ai dit sur la "basse police" - celle qui s'exerce sur les truands véritables - on invente une nouvelle espèce : l'indic. La balance, si vous préférez. Une sorte d'espion, qui est intégré dans le Milieu et qui peut prendre toutes les infos. J'ai cité Vidocq, qui en est le modèle : bagnard, truand, initiant lui-même les crimes qu'il dénonce après, etc. Toutes les pratiques dites "de basse police" que nous connaissons encore, où l'on réprime les délits qu'on a soi-même initiés.
Ceci ne change rien à ce que j'ai rappelé sur les manières violentes du bonhomme. Napoléon l'a pris comme Ministre et maintenu assez longtemps, alors qu'il ne l'aimait pas et avait très peu confiance en lui. Mais il lui a rendu bien des services, par exemple dans l'affaire des "chauffeurs".
Je remets le contexte : on est en 1805-10, Napoléon commence à s'engager dans des guerres sans fin et il a besoin qu'il y ait un peu d'ordre à l'intérieur. (Il lève des armées, qu'il projette dans toute l'Europe, cela dégarnit l'intérieur. ) A l'époque, la France est principalement rurale : environ 70% de paysans ou ruraux, disons. Les fermes, ce sont des lieux isolés par essence, donc faciles à attaquer. On voit déferler des hordes de brigands qui viennent rançonner les paysans.
En pratique, ils déboulent chez le brave paysan et lui demandent de leur donner son magot. Il n'y a pas de banque à l'époque (enfin pas pour ces petzouilles), leur thune, elle est planquée chez eux. Comme ils ne sont pas très coopératifs, on les attendrit en leur mettant les pieds dans le feu de cheminée. Raison pour laquelle on les appelle "chauffeurs". Ceux qui ne sont pas tués immédiatement par ce traitement finissent quand même par donner l'adresse de leur planque.
C'est pas un phénomène nouveau, mais ça prend à l'époque des proportions inacceptables. Bonaparte veut que le pays soit tranquille à l'intérieur, et Fouché va l'aider grandement. Il va employer tous ses talents de terroriste et déployer des brigades de la mort, qui ne viennent pas pour intenter des procédures judiciaires, mais qui liquident physiquement ces "chauffeurs", avec des méthodes militaires. Et Fouché parvient assez rapidement à régler le problème.