Paix-Haine J'avoue ne toujours pas saisir, à l'aune des enseignements loisibles de lire ici, ce que préconisent les va-t-en-guerre russophiles pour s'extirper de ce bourbier.
Une reddition totale de l'Ukraine ?
Dans la recherche d'éléments pour se former une opinion sur la situation de l'Ukraine, je viens de lire :
Pourquoi continuer le massacre ?
L’Ukraine a-t-elle déjà perdu la guerre ?
L'Ukraine a déjà perdu la guerre depuis au moins l'été 2022 dans le cadre actuel qui n'est pas celui d'une « guerre totale », et seule l'aide des États-Unis et des pays de l’Otan permettent à ce pays de continuer encore à fonctionner…
Il y a plusieurs aspects à considérer : une « guerre totale » impliquerait une mobilisation totale des ressources de part et d'autre.
Dans le contexte actuel, regardons où en sont les deux protagonistes apparents de ce conflit, qui est en réalité une guerre par proxy entre les États-Unis et la Russie.
• Mobilisation des forces armées : l'Ukraine en est déjà à son dixième cycle de mobilisation et l'ampleur des pertes subies par ses armées indique qu'elle devra bientôt procéder à d'autres cycles de mobilisation pour espérer compenser les pertes énormes subies depuis un an. Or, l'assiette démographique sur laquelle peut s'appuyer cette mobilisation n'arrête pas de diminuer avec les mois qui passent. En 1991, la nouvelle Ukraine indépendante comptait 52 millions de citoyens. En 2015, suite à l'exode grandissant de ces mêmes citoyens post-Maïdan, on évaluait cette population à environ 33 millions d'habitants. Aujourd'hui, on évalue que la population ukrainienne se situe autour de 17 à 23 millions d'habitants au maximum, suite à l'exode d'au moins 10 millions de ses citoyens vers l'extérieur du pays. La résistance à la mobilisation n'arrête pas d'augmenter en Ukraine depuis quelques mois, et le sentiment d'être sacrifiés inutilement vécu par de nombreux soldats ukrainiens a mené à de nombreuses mutineries dans les derniers mois. La Russie n'a pour l'instant mobilisé que moins de 2% de ses réserves disponibles, soit 300,000 réservistes, et a enrôlé environ 120,000 soldats volontaires supplémentaires, une certaine partie cependant ne disposant pas d'expérience militaire. En cas de besoin, une mobilisation totale des ressources russes de ce côté approcherait en chiffres absolus la population ukrainienne encore présente à l'intérieur des frontières du pays. Pour rappel, la population de la Russie dépasse en ce moment le chiffre de 153 millions d'habitants suite à l'intégration des populations du Donbass qui lui sont acquises.
• Mobilisation de l’économie : l'Ukraine est en ce moment dans une position extrêmement difficile car le pays était déjà en faillite technique en 2021. Les décisions économiques catastrophiques prises après la prise de pouvoir du nouveau gouvernement issu du coup d'état de Maïdan ont grevé sévèrement l'économie ukrainienne et expliquent en bonne partie l'exode massif des Ukrainiens après 2014. En particulier, l'effet le plus douloureux de ces nouvelles mesures économiques a été de causer la déstructuration des industries liées au secteur de la défense ukrainien. En effet, les secteurs industriels de la défense ukrainienne et russes étaient complémentaires en raison de l'intégration poussée qui existait depuis l'époque soviétique. La coupure forcée des échanges à ce niveau par le nouveau gouvernement de Kiev à partir de 2014 a signifié la fin des débouchés pour les entreprises ukrainiennes et leur mort à petit feu dans les années qui ont suivi. Lors du déclenchement des hostilités en 2022, cette industrie locale moribonde a facilement été mise hors service par les forces russes et rendu impossible la production d'équipement militaire dans les quantités nécessaires aux besoins de l'armée ukrainienne, ce qui explique maintenant la dépendance quasiment totale de cette dernière aux approvisionnements venant de l'étranger. La Russie a débuté sa mobilisation économique en mars 2022 pour faire face aux sanctions, et sa mobilisation industrielle en septembre 2022 lorsque la mobilisation partielle des réservistes a été décidée en même temps. Depuis, le tempo de la production des entreprises du complexe militaro-industriel russe n'a cessé d'augmenter. Par exemple, on évaluait la production annuelle d'obus de 152mm à 3.9 millions d'unités à la toute fin 2022, et il est estimé que la production de chars T90M (la toute dernière version améliorée de ce char) sera de 1500 unités pour l'année 2023, soit un rythme de production de 125 chars par mois pour la seule usine d'Uralvagonzavod.
• Mobilisation financière : l'Ukraine étant un état en faillite, cet état est incapable de payer ne serait-ce que les salaires de ses soldats et fonctionnaires. Nous ne mentionnerons pas sa dette extérieure pour laquelle elle a demandé un moratoire en juillet 2022. Il a été estimé en avril 2022 que le pays avait besoin d'au moins 5 milliards de dollars par mois pour pouvoir maintenir en vie les institutions de l'état ukrainien et payer les salaires de ses soldats, policiers et fonctionnaires. Le gouvernement ne disposait alors de revenus que pour 2.3 milliards pour le mois précité, des revenus en chute libre compte tenu de la dégradation de la situation économique, et avait donc un manque à gagner de 1.7 milliards de dollars, un manque à gagner en rapide augmentation pour les mêmes raisons. La banque centrale d'Ukraine devait donc faire fonctionner la planche à billets et le pays se retrouvait donc devant le spectre d'une inflation rapide. L'aide rapide des États-Unis et de l'Union européenne a permis d'éviter une dégradation catastrophique de la situation, le montant total de cette aide a vraisemblablement atteint au début 2023 la somme de 150 milliards de dollars. L'état ukrainien est un malade sous perfusion, et seule l'aide ininterrompue venant des pays de l’Otan empêche son effondrement tant financier que militaire. En contraste, la Russie est un état riche dont le gouvernement a pendant les deux dernières décennies dégagées des surplus budgétaires importants. Le taux d'endettement de cet état est ridiculement bas, à environ 15% du PIB, et il dispose de différents fonds souverains qui accumulent des sommes importantes qui ont atteint en 2021 12% du PIB du pays. Les avoirs russes à l'étranger atteignaient en tout début 2022 près de 300 milliards de dollars, et ce sont ces fonds que les pays de l’Otan ont tenté de geler, mais sans succès en mars 2022. Nous savons aujourd'hui qu'à peine 38 milliards de dollars ont été effectivement identifiés et immobilisés, la situation du reste est restée un mystère depuis. Plusieurs analystes pensent que dans le courant de la dernière année, la majeure partie de ces fonds a simplement quitté les juridictions à risque pour se repositionner ailleurs. En attendant, les coffres du gouvernement russe disposent de revenus réguliers venant des exportations de produits et de commodités lui assurant jusqu'à maintenant un flux financier confortable en dépit des tentatives répétées de les bloquer ou de les limiter.
• Relations extérieures et alliances de l’Ukraine : à ce chapitre, l'Ukraine semble en apparence disposer d'un atout de taille. En effet, elle est de facto un membre de l’Otan sur tous les aspects possibles, excepté au niveau légal. Elle dispose de l'aide et de l'appui direct de ce qui est présenté comme étant la plus puissante alliance militaire de la planète. Elle reçoit une aide militaire, logistique, économique et financière en apparence sans fin. Elle reçoit un entraînement accéléré pour ses troupes sur des matériels modernes de l’Otan, dispose d'une aide directe en imagerie satellitaire, en drones sophistiqués, en renseignement militaire sur le terrain. Ses forces sont même coordonnées à partir du quartier général des forces américaines à Wiesbaden en Allemagne depuis le mois d'octobre 2022 (la coordination était précédemment assurée à partir d'un autre quartier général situé en Pologne). Le général américain Antonio A. Aguto Jr. est le commandant actuel de ce quartier général. Cependant, en dépit de l'aide massive dont elle est l'objet, l'Ukraine a déjà perdu deux armées dans leur majorité, la première a été détruite vers juin 2022, la seconde a été détruite au courant de l'automne 2022, et la troisième est en cours de destruction dans le Donbass depuis le début de l'année. Des efforts importants ont été faits pour créer 8 nouvelles brigades d'assaut en vue d'une offensive de printemps fortement médiatisée dans les derniers mois, le tout avec du matériel moderne venant des pays de l’Otan. Mais l’Otan semble incapable de régler un problème de taille : fournir suffisamment de munitions d'artillerie à l'Ukraine pour lui permettre de mener son offensive annoncée. En fait, l’Otan semble incapable en ce moment même de produire en quantités suffisantes les munitions d'artillerie dont elle aurait elle-même besoin pour reconstituer ses propres stocks qui sont devenus dangereusement vides depuis un an. Elle semble également incapable de produire les quantités nécessaires de missiles anti-aériens ou antichars réclamés par l'Ukraine. Certains états membres de l’Otan ont fourni à l'Ukraine la totalité de différents types de matériels dont ils disposaient (exemple : le Danemark, l'Estonie ou la Lituanie) et en sont donc maintenant totalement dépourvus. La France a elle-même fourni la moitié de son stock de canons automoteurs César, mais leur remplacement pour les forces françaises pourrait exiger une période de 5 à 10 ans… Dans ce contexte, une démilitarisation de l’Otan semble être en cours, ce qui n'était certainement pas ce qui était prévu au début du conflit. Mais le plus important dans tout cela, c'est que les pays de l’Otan, et au premier chef les États-Unis, semblent ne pas vouloir d'une implication directe dans le conflit. Et ce dernier facteur est ce qui compte le plus : les alliés dont l'Ukraine dispose sont-ils prêts à voler directement à son secours si la situation sur le terrain indiquait la possibilité d'un effondrement imminent des forces ukrainiennes ? La réponse venant de plusieurs capitales d'états membres de l’Otan semble clairement indiquer que non…
• Relations extérieures et alliances de la Russie : de ce côté-là, la Russie ne semble pas avoir d'atout particulier. Certes, elle dispose de son propre réseau d'alliances qui ne sont pas cependant toutes militaires. La seule alliance militaire dans laquelle elle est impliquée est l'OTSC, ou Organisation du traité de sécurité collective, formé par d'anciennes républiques socialistes soviétiques depuis 1992. Cependant, aucun des états qui en font partie ne disposent de moyens militaires particulièrement importants, et la Russie n'a de toute façon fait appel à aucune aide de ce côté-là. La Russie dispose de nombreux traités et ententes bilatéraux avec plusieurs états, mais d'aucune alliance formelle particulière en dehors de l'OTSC. Il a été fait beaucoup de cas de la récente rencontre entre les représentants des gouvernements chinois et russes à Moscou en mars dernier, mais cette rencontre n'a pas abouti à une alliance militaire formelle entre ces deux puissances. Pour le moment, il est clair que la Russie fait cavalier seul en Ukraine, et que la situation militaire, présument catastrophique pour elle - si l'on en croit la propagande des médias occidentaux - ne semble pas lui causer de problèmes particuliers. Les cris d'orfraie venant de Kiev réclamant sans cesse plus de matériel et de munitions de la part de ses alliés ne semblent pas avoir de contrepartie à Moscou où l'autarcie et les ressources nationales semblent suffire aux besoins de l'armée russe. Par ailleurs, les réseaux d'alliances économiques et politique de la Russie ne semblent pas cesser de croître depuis un an. Le nombre de demandes d'adhésion au BRICS et à l'OCS a fortement augmenté, les ententes commerciales bilatérales permettant à la Russie de vendre ses produits et commodités en dépit des sanctions occidentales se multiplient, et les rencontres politiques à haut niveau avec les gouvernements de nombreux pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine également. De fait, les tentatives d'isoler la Russie ont clairement échoué.
• Facteurs internes à l’Ukraine : de nombreux facteurs internes indiquent que le gouvernement ukrainien est lui-même en sursis auprès de sa propre population. Ces facteurs sont principalement liés à la façon dont les institutions sont gérées par le gouvernement de Kiev, impliquant notamment la corruption galopante aux plus hauts niveaux de l'état et de l'armée ukrainienne. Elle une dimension ethnique où l'état ukrainien discrimine ouvertement contre les minorités du pays, en particulier les magyarophones, les roumanophones et les russophones du pays. De plus, un facteur important qui n'est jamais mentionné par les médias occidentaux est le facteur religieux. Depuis l'an passé, le gouvernement ukrainien a détruit ou saisi de nombreuses églises appartenant à l'Église orthodoxe en Ukraine et détenu et torturé des centaines de prêtres ou de religieuses. Le dernier incident en date, et certainement l'un des plus significatifs du point de vue religieux, concerne le monastère de Pechersk-Lavra près de Kiev. Ce monastère millénaire était l'objet de convoitises de la part du gouvernement ukrainien depuis le début de l'an passé. Au début de l'année 2023, les moines du monastère ont reçu une notice d'expulsion pour le 30 mars 2023. Ceci a déclenché une vague de mobilisation religieuse sans précédent qui a même surpris le gouvernement de Kiev. Il faut comprendre ici que ce comportement du gouvernement de Kiev ramène des réminiscences de la terreur rouge des années 1920 au début de la période communiste et que cette église orthodoxe qu'il attaque est la plus importante église d'Ukraine, elle est l'église à laquelle s'identifie la majorité des Ukrainiens. Une « guerre totale » se devrait de mobiliser la totalité de la population ukrainienne vers un but commun. Un gouvernement visiblement corrompu dirigeant un état en faillite et menant une guerre interne dirigée contre plusieurs secteurs différents de la population de son propre pays est peu susceptible de réussir une telle mobilisation.