Comme de nos jours, la société du 13ème siècle subissait le joug du médecin, du juge et du collecteur d'impôts. Les épidémies étaient fréquentes du fait de l'insalubrité des logements et de la saleté. Les bains publics étaient nombreux jusque dans les villages. Dans l'enceinte fortifiée de Paris, les espaces libres, les jardins, les potagers, les vergers et même les vignes ne manquaient pas, sauf sur la rive gauche où s'entassaient les immeubles. La cuisine et la salle à manger ne faisaient qu'une seule pièce, sauf bien sûr, chez les riches bourgeois. Les lits dans les chambres à coucher étaient tellement vastes, qu'ils pouvaient recevoir non seulement le mari et la femme, mais aussi l'hôte à l'occasion. Dans les hôpitaux, les malades étaient ainsi couplés dans les lits. En général, au rez-de-chaussée, on marchait sur la terre battue, le plancher étant réservé à l'étage. La grande cheminée de la cuisine servait d'abri contre le froid. Les médecins en longue robe et trousse en mains, avaient du pain sur la planche avec les maux physiques. Beaucoup d'entre eux s'improvisaient docteurs, cependant, les Universités de Paris et de Montpellier étaient réputées pour produire d'excellents physiciens. Malheureusement, les médecins pleins de bon sens et de clair jugement, étaient souvent débordés par les sorciers, les rebouteux et les charlatans qui, dans les places publiques vantaient leurs talents. L'art de la réclame ne date pas d'aujourd'hui.
Certains juges faussaient les causes dont ils étaient chargés. Certains d'entre eux étaient vénaux et sans courage. Le plus violent et le plus riche triomphait généralement, par la peur ou la cupidité. Fort heureusement, la science du droit s'est répandue dans les Universités et les nouveaux légistes assainirent éventuellement la justice. En ce temps-là, les prédicateurs ne manquaient pas une occasion pour dénoncer certains magistrats et avocats véreux, les accablants de ressembler à des courtisanes vendant leur corps et leur esprit. Les collecteurs d'impôts étaient de véritables épouvantails pour les paysans et les marchands, et en général, pour tous ceux qui travaillaient et produisaient. Nous verrons comment saint Louis ordonna une vaste enquête dans tout le royaume de France, destinée à découvrir, à rectifier et à punir les abus de la justice et du fisc.
Les Franciscains et les Dominicains sonnaient le tonnerre contre les abus, non seulement au sein des églises mais aussi en plein vent à un carrefour quelconque, devant un oratoire ou une croix. Ils ne ménageaient personne, ni les taverniers ou les empoisonneurs publics, ni les hôteliers qui attiraient les clients pour les exploiter. Non plus, les usuriers, les changeurs et orfèvres qui peuplaient alors le Grand-Pont de Paris et corrompaient la monnaie afin d'en faire varier les cours, rognant sur les deniers les plus lourds un peu de métal précieux, ou en fabriquaient des faux. Les laitiers frelataient le fait et trempaient leur fromage dans du bouillon gras pour lui donner un aspect onctueux tandis que les bouchers vendaient du veau mort-né pour du veau de lait et soufflaient la viande pour la faire gonfler. Les poissonniers, eux, coloraient les ouïes du poisson avec du sang de porc pour lui donner une apparence de fraîcheur. Les boulangers masquaient le goût d'une farine moisie en salant copieusement leur pâte et en abusant de la levure. Quant au cultivateur, il mettait le beau blé sur le dessus du sac, recouvrait de beau foin une charretée d'herbes pourries ou dissimulait dans un chargement de bois des bûches tordues et noueuses qui ne brûlaient pas. La sottise humaine égale la mauvaise foi. Elle se retrouve dans tous les temps.