Oui, je suis d'accord pour ne pas assigner le féminisme à la gauche, le lien n'a rien de forcé, que ce soit au plan idéologique (ou disons, la logique) ou au plan empirique historique, où on constate, comme vous faites, que c'est souvent délié.
D'ailleurs, pour aller dans le même sens et pour rester en France (je parle de cela parce que je connais mieux, pas parce que ce serait plus important que ce que vous évoquez), dans le féminisme des années 70, c'était tout à fait manifeste. Les féministes de cette époque (beauvoirienne, on va dire) ne manquaient pas de s'en prendre au Parti communiste (qui était la gauche, à l'époque, le Parti socialiste n'étant qu'un groupuscule, qui faisait ses Congrès dans une cabine téléphonique), ou au "marxisme" et faisaient déjà ressortir au moins deux points : d'abord que l'analyse de classe était complètement insuffisante pour rendre compte de la problématique (c'est-à-dire la domination masculine tout aussi réelle dans la maison du prolo que dans les hautes sphères de l'aristocratie bourgeoise). Et plus pratiquement, dans le concret, que le fait d'être des hommes "de gôche" n'empêchait nullement ces messieurs d'avoir les habitus, les comportements les plus patriarcaux, les plus phallocrates, au même titre que n'importe que n'importe quel gros macho de drouate. C'est transcourants, comme on dit aujourd'hui.
Cela faisait d'ailleurs particulièrement mal à la gauche, qui n'avait absolument aucun argument sérieux à opposer à cette analyse. En réalité, le mec de gôche qui s'enflammait pour défendre les Palestiniens, ou le Chili (à l'époque) pouvait parfaitement être un tyran domestique, un violeur, un phallocrate obtus.
Maintenant, une fois qu'on est bien d'accord là-dessus, sur votre propos exact, je pose une clause, si vous permettez. Qui est qu'il ne faut pas que cela devienne un sophisme, qui consisterait à dire que parce que des féministes ont été d'extrême-droite, le féminisme vient de l'extrême-droite, ce qui serait le contre-sens inverse de celui que vous dénoncez, et qui n'est pas remplacer un contresens par la bonne entente, mais de faire le contresens en miroir, qui ne vaut pas mieux.