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Depuis la fin du Moyen-âge, l’expression « prendre le voile » ne signifiait pas stricto sensu ce que l’on veut lui faire dire maintenant où les affaires de voiles ont une connotation différente. La femme qui entrait dans un établissement religieux aux fins d’y demeurer normalement à vie, lorsqu’elle était volontaire pour cet acte et le faisait librement par choix de sa part, « prenait le voile ». Non pas qu’elle se devait de porter à partir de ce moment-là un voile sur la tête. Certains ordres féminins n’en ont jamais porté. Mais elle posait, symboliquement et juridiquement, un voile sur sa personnalité civile.
La femme entrant dans un établissement religieux n’existait plus pour l’état-civil et la Justice. Elle était rayée de l’état-civil. Elle ne pouvait plus ester en Justice, ni intervenir de quelque manière que ce soit dans une affaire civile, même si elle était la première concernée, par exemple si l’affaire concernait ce qui avait été ses droits de succession, ou de propriété. Prendre le voile était une célébration au cours de laquelle la prétendante au noviciat était juridiquement l’objet de sa « mort civile ».
C’est ce qu’était « prendre le voile ». Le voile sur la tête était une autre histoire, simplement de costume. Comme la longueur de l’habit, le port d’un cordon de ceinture noué de telle manière, l’obligation de s’aplatir ou non les seins, ou la nature des chaussures.
Mais au sujet de la prise du voile, le point sur lequel les exégètes du christianisme ne s’arrêtent généralement pas, c’est que l’on pouvait enfermer dans un établissement religieux, généralement des monastères, mais en principe pas dans les abbayes, une femme non consentante, amenée et enfermée de force dans l’établissement. Il lui était imposé le statut civil découlant de la prise du voile pour une candidate volontaire à l’entrée dans l’établissement. Elle était déclarée officiellement avoir pris le voile. C’est-à-dire qu’elle était d’office condamnée à cette « mort civile ». Elle perdait instantanément tous ses droits, tout ce qu’elle possédait, qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers. Qui devenaient la propriété de celui qui avait fait « prendre le voile -de force à la femme. Qui l’avait fait enfermer au monastère. De la Renaissance à la Révolution, des milliers, probablement des dizaines de milliers de femmes, ont « pris le voile » contre leur gré et été enfermées à vie dans des monastères.
Il suffisait que cette personne, cette victime non consentante, soit amenée, généralement par rouerie ou tromperie, ou souvent simplement par la force, jusque dans le monastère. Le plus souvent sur décision d’un mari, ou d’un membre der sa famille. Et elle s’y retrouvait enfermée, dans l’impossibilité de quitter l’établissement sa vie durant. Sous réserve que la ou les personnes l’ayant faite enfermer, continuent à payer régulièrement la pension, trimestrielle le plus souvent, demandée par le monastère pour le maintien et la garde entre ses murs de la femme en question. Sinon le monastère la laissait sortir et elle pouvait de nouveau, non pas retrouver l’intégralité de ses droits, mais ester en Justice et porter plainte contre celui qui l’avait faite enfermer. Et tenter de se faire indemniser de ce que celui qui l’avait faite enfermer lui avait volé.
Ces femmes étaient considérées, et enregistrées lors de leur effacement de l’état-civil, lors de l’enregistrement de leur « mort civile », comme ayant « pris le voile ». De nombreuses femmes, parfois célèbres, généralement de la grande ou moyenne bourgeoisie, parfois de la petite ou grande noblesse, se sont retrouvées dans cette situation. Par exemple la sœur de Voltaire, le grand « penseur », cette Lumière de l’Humanité, a été victime jusqu’à sa mort de cette « prise de voile » forcée. Lorsque les parents de Voltaire sont morts, Voltaire qui ne voulait pas partager l’héritage avec elle, l’a faite amener de force dans un monastère. Non seulement il a développé cet héritage, dont il a volé la partie de sa sœur, en l’investissant dans le commerce des esclaves et l’armement de navires négriers. Mais surtout durant toute sa vie, il n’a jamais manqué de payer un trimestre de pension au monastère détenant sa sœur, même, ce qui lui arrivait fréquemment, lorsqu’il avait lui-même des gros problèmes de finances. Sinon le monastère l’aurait mise dehors et elle aurait pu aller demander de récupérer son héritage.
Mais la prise de voile de la sœur de Voltaire, et celle de multiples autres femmes, ne sont que rarement évoquées lorsque l’on parle de prises de voile chrétiennes.