On pourrait proposer une question plus politique : sont-elles nocives pour les individus et la cité ? Il faudrait alors partir du régime démocratique comme principe, et en critiquer les effets. Dans un régime démocratique, on admet que le "peuple", notion à définir en fait, savoir si elle se distingue de la multitude par exemple, est à la fois souverain et sujet. En tant qu'il est sujet, il doit se soumettre aux gouvernement et institutions, mais en tant qu'il est souverain, il est leur chef : c'est demander au souverain de se soumettre à ses ministres, complètement absurde.
Toujours en tant qu'il est souverain, il faut l'informer. Autant dire que le secret n'est pas admis, que lorsque la cité affronte un danger, plutôt que de laisser un souverain le résoudre avec ses conseillers comme dans une vraie monarchie, il faut tout étaler sur la place publique. Le sujet sombre alors dans l'anxiété : il assiste aux atermoiements dudit gouvernement, à ses échecs possibles. La réputation du gouvernement est alors détruite. Les démocrates n'ont jamais compris que les hommes pour accorder leur confiance à un pouvoir donné, ont besoin de le croire infaillible, même si évidemment il ne l'est jamais réellement.
Toujours en vertu de sa souveraineté, le "peuple", cette grande fiction rousseauiste, peut juger ses ministres, le gouvernement en premier lieu. L'habitant de la cité, sujet, dont la vertu est censée être l'obéissance, peut critiquer ses supérieurs, car chacun estime faire partie du peuple : la multitude dans son esprit est de facto synonyme de peuple, seule nuance qu'il me faut concéder honnêtement à mes adversaires. Où peut-on observer une telle chose, à part dans le régime politique appelé démocratie ? Est-il en capacité au moins d'être bon juge ?
En tant qu'il peut juger, dès lors que la politique menée ne lui convient pas, il s'estime trahi ; d'autant plus que dans son petit esprit, en général, le gouvernement ne doit pas commander dans l'intérêt de la cité, mais d'une de ses composantes, la plèbe. Notre ami sujet est toujours prompt à vouloir renverser l'ordre établi : la souveraineté du peuple excite le désir de rébellion en chaque sujet.