Dashwood
1- Un type qui finit en prison n'est plus en mesure d'assurer son pouvoir paternel : de redresser son enfant s'il dévie du bon chemin. Les fautes de l'enfant, selon son âge sont de sa responsabilité ; mais si l'enfant tourne mal, le père peut aussi s'en vouloir d'avoir détruit le cadre familial dans lequel doit grandir l'enfant.
2- S'il est toujours juste de s'interroger en philosophe sur les causes de la faute, il n'en demeure pas moins que pour conserver la cité, il faut la sanctionner. La sévérité de la sanction doit être relative autant au bien qu'à la société donnée.
Prenons un exemple : voler du pain aujourd'hui, et voler du pain dans une économie de subsistance, sujette aux crises, comme l'Ancien Régime, un cas qui ne vous sera pas étranger. C'est la même faute commise. Mais dans une économie de subsistance, de la rareté, il sera plus difficile de retrouver de la nourriture, de manger même ; la faute n'a pas les mêmes conséquences que si nous la commettons aujourd'hui. Le dommage causé à la victime est bien plus important : elle n'a plus son maigre repas, comment va-t-elle manger ?
De plus, s'il y a rareté de la nourriture, la faute est plus tentante : un morceau de pain dans la rareté n'a pas la même valeur qu'un morceau de pain dans l'abondance. C'est l'eau dans le désert par rapport à l'eau à volonté que nous connaissons. Toujours si l'on considère la victime, combien d'heures de travail pour ce morceau de pain, de privation ? Pire, s'il l'a acheté, en période de disette, combien l'a-t-il payé ? En vendant quoi avant ?
La faute a de surcroît une excuse toute trouvée : la nécessité. Qui ne volerait pas pour nourrir sa famille en période de disette ? C'est vrai ! Il faudra donc dans cette société donnée, économie de la rareté, la punir beaucoup plus sévèrement, que dans une économie d'abondance, à moins d'accepter que le vol se propage, que chaque personne vive dans l'insécurité, que l'on sombre dans la guerre de tous contre tous à la moindre crise.
3- S'il est probablement utile de dénoncer l'injustice du monde, d'apprendre la charité en considérant les pauvres hommes qui affrontent des cas de conscience impossibles, il ne faut pas pour autant nier la responsabilité. J'entends par-là, que le monde, ses circonstances, ce qui nous est imposé si vous préférez, ne doit pas devenir destin ou nécessité, que l'on affronte tant bien que mal ; parce que la nécessité permet d'excuser, voire de justifier.
Face même aux situations les plus difficiles, prenez les cas de Hugo si vous voulez, ou les cas historiques comme les pauvres gus qui ont dû affronter les camps, et les bagnes, il y a la liberté de l'homme : les choix qu'il peut faire en vertu de son libre-arbitre face à toute situation qui dépendent de ses convictions philosophiques ou religieuses. Quels que soient ses actes, il devra en affronter les conséquences pour les uns seulement ici - bas, pour les autres aussi bien dans ce monde que face à Dieu : les uns vivent pour ici-bas, les autres vivent pour gagner la béatitude ; les uns craignent la justice du monde, les autres celle de Dieu ; les uns vivent pour jouir en premier lieu, pour avoir une belle vie ; les autres pour quitter ce monde aussi justes que possible, quitte à vivre comme Job. Cela change à peu près tout quant à l'interprétation des fautes, car les premiers réclament une honnête médiocrité, sont au service de l'homme et de ses aspirations, tandis que les seconds ne songent qu'à la vertu, au bien, et au châtiment pour ceux qui s'en écartent.