Sargon Tirésias, tu demandes : « pourquoi les juifs ont autant soutenu le marxisme et le bolchévisme ? ». Ils ne l’ont pas soutenu. Ils l’ont inventé. Tous les grands penseurs du marxisme, à commencer évidemment par Marx, étaient des juifs. Lénine l’était également.
D'accord pour cela - avec la mention que Lénine est Juif comme moi je suis bouddhiste et que Marx, comme rappelé par Katou, est un antisémite notoire, mais bon, c'est du détail, si j'ose dire, ça ne change pas le fond - mais le marxisme provient lui-même du communisme, dont il est une version parmi d'autres, la plus spectaculaire, disons.
Sinon, le communisme et le socialisme sont une invention purement française ou presque : tous les grands théoriciens fondateurs sont des français, et plutôt des cathos sincères que des athées. Des gens comme Lamenais, comme Fourier, et même Proudhon d'une certaine manière (furieusement antisémite, lui) sont plus ou moins des curetons défroqués. Des gens sincères mais dégoûtés par le fait que la religion chrétienne, qui est pour eux la libération des hommes et l'amour, devienne une institution au service du pouvoir et de l'oppression.
Il y a un lien plus étroit, au plan doctrinaire, entre communisme et catholicisme qu'entre communisme et judaïsme. Sans revenir aux diatribes saignantes de Jésus-Christ contre les richards, le modèle de la vie monastique - c'est très explicite chez Fourier, en particulier - est dominant : une vie de travail (physique et spirituel) et une organisation basée sur l'égalité et le partage de tous avec tous. On voit d'ailleurs que Marx, qui est venu en France apprendre le communisme dans les années 1840 (c'est le but explicite de son voyage et de sa présence en France), n'est pas étonné par cet aspect, qu'il critique férocement, soit, mais qui ne le surprend pas et lui semble normal. Il pense que c'est ringard, plus à la hauteur de l'actualité, d'où le second voyage, en Angleterre cette fois, parce que, d'après lui, il faudrait commencer par comprendre le capitalisme et cela, c'est en Angleterre que ça se passe.
A ma connaissance, il n'y a pas dans la valorisation juive des choses une détestation du pognon. Il n'est pas la valeur suprême, puisque le sommet de la vie juive accomplie, c'est la connaissance de la Thora. On met en avant la connaissance, la vérité (c'est-à-dire à leurs yeux la Parole de Dieu). Pour la fameuse "mère juive", si son gamin devient rabbin, c'est-à-dire un profond connaisseur, c'est le top, il n'y a rien qui puisse être mis sur la même ligne. Mais au rang 2 ou 3, la réussite sociale et le fric, c'est bien aussi, ça peut ressembler à une forme de faveur divine. Ce point a été développé dans les analyses bien connues de Weber, mais où il visait le protestantisme, qui est, sur ce point, plus juif que le catholicisme.