Dans ce débat complexe, il est difficile de ne pas se perdre. Sans utilisation d’hydroxychloroquine (ou de toute autre molécule susceptible d’atténuer les symptômes), le désastre médical est devant nous, inéluctable, quel que soit le dévouement de tous ceux qui, au sein des hôpitaux, se battent jour et nuit pour sauver un maximum de malades du COVID-19 mais aussi pour aider les malades atteints d’autres pathologies ou dont on a reporté l’opération par manque d‘un personnel médical fortement mobilisé par le COVID19. Avec l’hydroxychloroquine, nombre de ces malades survivront, peut-être, au prix parfois d’effets secondaires graves, voire dans certains cas mortels.
Il est donc parfaitement normal que face à des questions aussi difficiles, un pays se divise. Pour ma part, il me semble que le choix doit être clairement fait en répondant en notre âme et conscience à trois questions.
1) Suis-je prêt, étant malade, à être écarté d’un traitement efficace pour laisser la place à un autre patient à probabilité de survie potentielle très supérieure à la mienne ? La réponse sera non, bien sûr. Qui peut accepter de vivre un tel choix ? La réponse sera : traitez les deux !
2) Suis-je prêt, au vu de mon état de gravité, à prendre, de l’hydroxychloroquine avec comme conséquences possibles : pas d’effet / un effet mineur / un effet secondaire peut-être grave / un effet thérapeutique incertain mais pas impossible sachant qu’il n’y a pas d’autre solution ? La réponse sera oui (et pour ce qui me concerne, sans réserve).
3) Si je ne présente encore aucun caractère d’une infection par le COVID-19 et si j’ai été au contact avec des porteurs de ce virus, puis-je prendre de l’hydroxychloroquine à titre préventif ? La réponse doit être clairement non.
Oui à une utilisation immédiate et très large, mais à deux conditions
On a compris qu’en dépit du peu de connaissances actuelles de la sensibilité du COVID-19 à l’hydroxychloriquine, je plaide pour son utilisation immédiate, très large mais à condition que : 1) Les malades pouvant en bénéficier soient clairement informés de ses effets toxiques possibles en particulier que l’automédication peut être très dangereuse. 2) Ce médicament ne soit administré que par des médecins ayant une connaissance suffisante des effets secondaires de ce médicament, ce qui impose une information immédiate et complète du corps médical assortie de recommandations très strictes de la Haute Autorité de Santé sur les modalités d’utilisation à respecter prenant en compte les connaissances, mêmes réduites, apportées par nos collègues chinois et les équipes françaises ayant utilisé ces médicaments
Je n’ose imaginer une situation où la vague de malades graves, avec son cortège de centaines ou de milliers de morts, serait là et la démonstration ultérieure que l’hydroxychloroquine, refusée avant et pendant cette période, pour les raisons évoquées ci-dessus, est bien un médicament efficace ! Nous ne sommes plus du tout dans la situation de 1985 du virus du SIDA et de la ciclosporine.
Pierre Tambourin Cancérologue, Virologiste
Ancien directeur de recherche à l’Inserm et ancien directeur du département des Sciences de la Vie du CNRS, le créateur et directeur de Genopole Evry de 1998 à 2017