Bonjour,
« Comment allez-vous ». Question banale en temps ordinaires, de convenance pure même mais aujourd’hui rendue nécessaire et inquiète.
La question : « Comment va le Monde »…. ? Mais d’abord, qu’est-ce que le monde ? Un philosophe du siècle dernier a répondu (.L. Wittgenstein) : « le monde c’est tout ce qui arrive ». Et ce qui arrive peut nous sembler parfois toujours nouveau et parfois étonnement semblable, tel un éternel retour même si le retour ne revient jamais au même.
On finit par s'y habituer Cela est vrai de cette épidémie actuelle : le fait n’est pas nouveau mais à chaque fois le virus change...On pourrait dire aussi cela de tout ce qui revient : guerres, bouleversements sociaux, politiques, économiques, scientifiques, religieux, etc..., tantôt porteurs de grands espoirs et tantôt de profondes dépressions. Que faire face à tous ces phénomènes : s’en réjouir, s’en plaindre, s’en indigner, se révolter...etc.?
Spinoza répondrait peut-être : « A propos des actions humaines, ne pas rire, ne pas se moquer, ne pas juger mais comprendre ».
Essayons....
La chose n’est pas simple. A chaque fois notre existence est bouleversée, plus ou moins et il y va de chacun de faire face...
D'autres ont allumé leur lampe, avant nous et nous pouvons bénéficier de leur lumière pour y voir plus clair.....
Descartes prend la raison pour guide et il dit quelle méthode il met en œuvre:
« Et j’avais toujours un extrême désir d’apprendre à distinguer le vrai d’avec le faux pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance en cette vie »
Camus dans le Mythe de Sisyphe : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ». Consolation de dernière heure en réponse à une existence perçue comme absurde…dont il faut trouver le sens.
Simone Weil (la philosophe) en appelle à la mobilisation dans un moment précis de l'Histoire.
En 1934 elle écrit : » la période présente est de celle où tout ce qui semble normalement constituer une raison de vivre s’évanouit, où l’on doit, sous peine de sombrer dans le désarroi ou l’inconscience, tout remettre en question »
Attitude radicale.
Il en est une autre, face au Monde tel qu'il va, plus commune, très ancienne mais qui n’a pas vieilli : celle de Quohéleth dans ce livre de la Bible : l’Ecclésiaste.
Quohéleth le sage, le philosophe. (III s avant JC)
Il dit : « Vanité des vanités tout n’est que vanité ? Quel intérêt a l’homme à toute la peine qu’il prend sous le soleil. »
Et il poursuit:
« Rien de nouveau sous le soleil ».
« Un temps pour tout"
Un temps pour guérir
Un temps pour détruire
Un temps pour pleurer
Un temps pour rire
Un temps pour aimer
Un temps pour haïr etc... »
Qui peut nous consoler de toutes ces vanités ?
Quoheleth répond : « faire confiance à Dieu » et il écrit :
« Va mange ton pain dans la joie
et bois de bon cœur ton vin »….
Dans cette période que l’on a appelée le Miracle Grec, dans tout ce bassin de la Méditerranée orientale bien d’autres sagesses se sont élaborées, comme autant d’arts de vivre dans un MONDE aussi peu différent que celui qui est le nôtre quant au mal de vivre. On pourrait dire, parodiant un proverbe connu : « à chaque époque suffit sa peine »
Des noms, quelques uns, on les connaît : Epicure, Démocrite, Platon , Sénèque , Marc Aurèle, etc. L’un d’entre eux, celui qui n’a pas écrit à proprement parler, mais qui occupe une place unique pour bien des raisons : Socrate.
Il va dans les rues, interroge qui veut l’entendre, la jeunesse d’Athènes (Athènes au IVe siècle n’est pas Paris...c’est une toute petite ville) et il dit :
« Ce que je sais c’est que je ne sais rien » et invitant chacun à s’interroger et à ne pas dire qu’il sait alors qu’il ne sait pas: rechercher la vérité en toute chose. Vérité qui n’est pas toujours bonne à dire et qui le conduira où l’on sait : à boire la cigüe….
Revenant à la question première : « comment allez-vous » et son corollaire : « comment va le Monde » et la réponse du Philosophe : « le Monde c’est tout ce qui arrive »
Le Monde ne va pas sans nous. Descartes donne sa méthode pour se bien conduire : le bon sens, à la base de ce que l’on appelle l’esprit cartésien. (certains, non sans humour vont jusqu’à dire « l’esprit français) il dit qu’il est la chose du monde la mieux partagée à tel point que tout le monde s’en satisfait...encore faut-il en faire bon usage et « bien conduire sa raison » ce à quoi il va s’attacher et il écrit :
« Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon mais le principal est de l’appliquer bien » Nous voici prévenu et comme pour nous mettre en garde :
« Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, et ceux qui marchent fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage »...
Donc : méthode, prudence et patience. L’esprit cartésien...l'esprit Français, puisque la France est le pays de Descartes...!!
Cette méthode:
« Étudier en soi-même et employer toutes les forces de son esprit à choisir les chemins de la vérité » (Discours …)
Sage proposition en temps de crise où fleurissent les diseurs de bonne aventure ou les faux prophètes autrefois appelés: prophètes de mauvaise augure.
Et tout ceci prend du temps...mais précisément du temps nous en avons, trop même. Il nous submerge même: appelons cela l'ennui.
L'exemple de Descartes, confiné volontaire :
"Maintenant donc que mon esprit est libre de tous soins, et que je me suis procuré un repos assuré dans une paisible solitude, je m'appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions" (Med 1). Et ça ne manque pas: C'est ce qu'on appelle "faire table rase"
CONCLUSION
Il faut se mettre à penser....ne pas attendre que d'autre pensent pour nous : "Comment va le Monde".?...
Attendre et voir, formule typique du flegme anglais, n'est pas bonne conseillère en temps de crise mais aussi en temps "tout court".
ALAIN, le philosophe, engagé volontaire à la guerre de 1914, souscrit à cette méthode. Il écrit:
"Il ne tombe point de manne"
...et d’ajouter :
« Il est bon d’avoir un peu de mal à vivre et de ne pas suivre une route toute unie. Je plains les rois qui n’ont rien à désirer et les dieux, s’il y en a quelque part, doivent être un peu neurasthéniques »…(Propos p111)
Faut-il se laisser entraîner dans le cours du temps et attendre que cela passe ? Tout passe et finit par passer. C'est la pensée d'Héraclite: "Tout s'écoule"....
Les guerres succèdent aux guerres...faut-il renoncer à la paix,
Les crises, les révolutions, les bouleversements divers s’abattent sur nous : faut-il s'attrister ?
Fatalisme, résignation ?
Pour le moment , consigné malgré lui, chacun voit le monde depuis son balcon ou sa télévision...ce ne sont que des images du Monde...comme au théâtre....belle occasion de nous divertir, dirait Pascal, de fuir notre monde à nous mais à contrario, belle occasion aussi de se questionner comme Pascal :
"Qu'est-ce que l'homme dans l'Univers" ?
ou plus simplement : "que sommes-nous dans ce Monde"...comme il va...!
Le moment est des plus favorables...d'autant qu'on nous dit qu'il va durer...alors profitons-en...!
Grand bien vous fasse....
Portez-vous bien