courtial
La comparaison avec la littérature ou la gastronomie est impropre : un profane jouit d'un bon vin et les suborbonnées en série de la Recherche n'avaient pas posé beaucoup de problèmes au jeune lecteur que j'étais (j'ai une bonne capacité de concentration). Ce fut d'ailleurs largement plus lisible que Kant.
Le problème de la lecture d'un philosophe ancien, c'est qu'il s'adressait à ses homologues contemporains. Donc à des gens qui partageaient un ensemble d'attendus de constructions culturelles qui nous échappent, et dont une bonne partie des débats portaient sur l'actualité du moment (le libertinage de Grivathon, la récente leçon d'Onfrée et le dernier péan de Moixos).
Comble de l'ironie : les parties les plus intemporelles nous semblent souvent soit absurdes lorsqu'elles défient nos modes de raisonnement (et il faut alors une connaissance épistémologique), soit triviales tant ces idées nous semblent désormais acquises.
Vous affirmez que malgré tout cela l'exercice resterait divertissant. Pour ma part je le trouve souvent frustrant et stérile, et le style imbitable de la grande majorité des philosophes n'aide en rien. Pour toutes ces raisons il est pour moi bien plus intéressant de lire Deleuze parlant de Spinoza, que Spinoza lui-même.
Cela étant je concède que les penseurs grecs gardent pour leur part une certaine saveur pour ce qu'ils nous révèlent de leur société, et de la mise en abyme qu'ils nous offrent. Leurs modes de pensées nous sont par ailleurs moins étrangers que ceux du Moyen Âge et de la Renaissance. Je garde un souvenir ému de la justesse des spéculations d'Epicure sur les mois de la nature, et ahuri des idées de Platon sur la république.