Je me souviens d'avoir eu pour ami, dans mon enfance, un chien,
Une levrette blanche, au museau de gazelle,
Au poil ondé de soie, au cou de tourterelle,
A l'oeil profond et doux comme un regard humain ;
Elle n'avait jamais mangé que dans ma main,
répondu qu'à ma voix, couru que sur ma trace,
Dormi que sur mes pieds, ni flairé que ma place.
Quand je sortais tout seul et qu'elle demeurait,
Tout le temps que j'étais dehors, elle pleurait ;
Pour me voir de plus loin, aller ou reparaître,
Elle sautait d'un bond au bord de ma fenêtre,
Et, les deux pieds collés contre les froids carreaux,
Regardait tout le jour à travers les vitraux ;
Ou, parcourant ma chambre, elle y cherchait encore
La trace, l'ombre au moins du maître qu'elle adore,
Le dernier vêtement dont je m'étais couvert,
Ma plume, mon manteau, mon livre encore ouvert,
Et, l'oreille dressée au vent pour mieux m'entendre,
Se couchant à côté, passait l'heure à m'attendre.
Aphonse de Lamartine