Alain Finkielkraut: «Les djihadistes rêvent d'une guerre civile»
INTERVIEW - Au lendemain de l'attentat de Nice, le philosophe revient sur le sens du combat qu'il convient de mener d'urgence contre l'islam radical. Il évoque aussi la violence du débat idéologique et politique en France, l'aveuglement suicidaire de nos élites, le Brexit, mais également l'année écoulée, son Panthéon personnel, ses lectures d'été et son goût pour le football.
LE FIGARO. - Pour la troisième fois en dix-huit mois, la France vient d'être victime d'un effroyable attentat sur son sol. Malgré tous les efforts déployés, il semble que rien ne puisse arrêter l'expansionnisme et la progression de l'islam radical. Comment expliquez-vous, vous qui observez le mouvement des idées et la vie de la cité depuis près de quarante ans, que l'islamisme ait pu pénétrer et se diffuser si facilement en France ?
Alain Finkielkraut. - Pour l'islam radical, l'heure est venue, après plusieurs siècles d'expansion européenne, de la revanche et de la reconquête. Bernard Lewis rappelle que l'obligation du djihad se fonde sur l'universalité de la révélation musulmane et qu'elle doit durer jusqu'à ce que le monde entier ait rallié la foi du Prophète ou se soit soumis à l'autorité de l'Etat islamique.
Nous avons longtemps pensé que l'histoire du monde, c'est l'occidentalisation du monde. Cette occidentalisation, nous l'envisagions soit comme le triomphe planétaire de la démocratie représentative et de l'économie de marché, soit comme la mondialisation de la lutte des classes. Il faut en rabattre. L'histoire ne se laisse pas englober dans un calendrier et un destin uniques. Ce que nous vivons, en guise d'histoire universelle, c'est le choc des cultures et des temporalités. Ce choc est particulièrement brutal en France, parce que les islamistes veulent nous faire payer notre conception de la laïcité et notre engagement contre Daech. Mais le front est partout. Aucun pays n'est à l'abri de cette haine et de cette violence.
Pensez-vous, pour reprendre un adjectif cher à Michel Houellebecq, que nous sommes devenus «soumis» d'un point de vue culturel - et même civilisationnel? Est-ce parce que nous ne sommes plus sûrs de notre identité?
«Je n'estime que les opinions politiques de l'histoire. Elles sont inscrites en événements irréfutables, en catastrophes pleines de raison, et d'avance j'applaudis à l'événement dont je pâtirai, s'il a l'autorité de l'ouragan», écrivait Jacques Chardonne en 1940. Les nouveaux soumis raisonnent tout autrement. Ils ne s'inclinent pas devant la force ; ils volent, croient-ils, au secours des faibles, des exclus et des démunis. L'antiracisme est leur viatique. Et c'est sur l'autel de la lutte contre les discriminations qu'ils sacrifient allègrement l'identité française.
Sans entrer dans le débat ou l'arbitrage liberté/sécurité, êtes-vous, à titre personnel, favorable à des mesures de prévention plus radicales?
Dans un Etat de droit, on enferme les coupables, pas les suspects. Mais, étant donné la porosité entre délinquance et terrorisme, on devrait songer à rétablir la double peine. Et il faudrait déchoir de la nationalité tous ceux qui partent faire le djihad afin de rendre impossible leur retour sur le territoire français. Ces mesures, si elles sont prises, susciteront des hauts cris. Mais il y a quelque chose de stupéfiant à voir invoquer la devise républicaine pour mettre la République dans l'incapacité de se défendre.
A la fin, voyez-vous notre civilisation l'emporter face à l'islamisme, comme elle a vaincu le nazisme et le communisme?
Le nazisme et le communisme étaient les produits monstrueux de la civilisation occidentale. L'islamisme est le produit monstrueux d'une autre civilisation. Il ne peut pas vaincre, mais je ne suis pas sûr qu'il puisse être vaincu.
Parlons quelques instants de l'hystérisation du débat politique et du débat tout court. Selon vous, est-ce parce qu'on ne peut plus rien dire en France que l'on assiste à une telle brutalité dans l'expression ou est-ce parce que la pensée dominante reculant, celle-ci se défend avec une extrême violence?
Dans les années 50 du XXe siècle, Sartre accusait Camus d'avoir rejoint le camp des oppresseurs. Et il était lui-même traité de «hyène dactylographe» et de «vipère lubrique» par les communistes bon teint. Quand la dissidence a dévoilé la réalité du communisme, la conversation civique a repris ses droits. Pas pour longtemps: après la chute du mur de Berlin, ce moment de l'Histoire est tombé dans l'oubli et il ne reste rien de la pensée antitotalitaire. Le parti intellectuel est aujourd'hui antifasciste, il décrète que les musulmans sont les boucs émissaires de tous nos maux comme l'étaient autrefois les Juifs, et il s'acharne avec une violence particulière contre ceux qui, refusant cette analogie, dénoncent les ravages de l'islamisme. Plus la réalité lui donne tort, plus il en veut aux messagers de la mauvaise nouvelle.
Pensez-vous, comme certains, qu'il faut voir dans cette montée de la violence les prémices d'une guerre civile?
Les djihadistes et les gauchistes ont un point commun: ils rêvent d'une guerre civile. Ce rêve n'est pas encore devenu notre cauchemar mais les actes auxquels il conduit suffisent déjà à empoisonner nos vies.
«L'intégration, tout le monde le reconnaît maintenant, est en panne»
Quel regard portez-vous sur l'année qui s'est écoulée?
C'est une année étrange, marquée par les attentats islamistes, et par la volonté forcenée d'en effacer la trace. D'un côté, on se réconcilie avec le drapeau tricolore et on chante La Marseillaise avec d'autant plus de ferveur que de féroces soldats sont effectivement venus jusque dans nos bras massacrer nos fils et nos compagnes ; de l'autre, on manifeste contre l'Etat capitaliste, raciste et policier comme si rien ne s'était passé. Les manifestants du 11 janvier proclamaient: «Je suis Charlie, je suis juif, je suis la police, je suis la République», les opposants les plus déterminés à la loi El Khomry hurlent: «Tout le monde déteste la police!», et, joignant le geste à la parole, ils lancent sur les forces de l'ordre des bouteilles d'acide, des boules de pétanque et des parpaings. Et si ces indignés ont pris leurs quartiers place de la République, c'est, comme l'a dit Frédéric Lordon, le gourou de Nuit debout, pour laver ce lieu emblématique des «passions tristes: la commémoration étatico-officielle». Je n'ose pas croire qu'ils aient réussi dans leur entreprise.
Une année marquée par la dualité, en quelque sorte…
Exactement. La prise de conscience de la réalité de l'ennemi coexiste avec la volonté de ne pas savoir.
Pourquoi, selon vous, cet aveuglement suicidaire des élites? Question subsidiaire: pensez-vous que ces mêmes élites éprouvent un quelconque sentiment de culpabilité par rapport à la situation dans laquelle nous nous trouvons?
Chargé de la mise en scène de Cosi fan tutte, au festival d'Aix-en-Provence, le cinéaste Christophe Honoré s'enorgueillissait l'autre jour, dans Le Monde, d'avoir apporté au livret de da Ponte «un inconfort et une stimulation» en transposant l'opéra dans les années 1920, à l'époque du fascisme colonial italien en Erythrée. «Il faut, disait-il, parler du passé colonial de l'Europe, rendre compte de la violence de notre propre culture, de Mozart, de notre ethnocentrisme face à des indigènes qu'on a toujours méprisés et spoliés.» Voilà un cas typique de bovarysme politique. Qu'est-ce que le bovarysme? C'est, comme l'a écrit Georges Palante, «le pouvoir qu'a l'homme de se concevoir autre qu'il n'est». Christophe Honoré se trompe d'époque. Il prend notre présent pour un autre et, comme on dit vulgairement, «il se la joue» en refaisant la guerre d'Algérie à l'heure de la sécession salafiste et du djihad. Nulle culpabilité chez ce somnambule: c'est en toute bonne conscience qu'avec nombre d'écrivains, de cinéastes, d'artistes et de comédiens il criminalise notre civilisation quand il faudrait la défendre contre un ennemi nouveau et redoutable.
Autre question, à la fois plus abstraite et plus concrète, sur la recherche d'une solution: quelle serait, selon vous, cette solution pour la France, sachant que de plus en plus de gens s'accordent sur le constat?
L'intégration, tout le monde le reconnaît maintenant, est en panne. La France doit donc impérativement retrouver la maîtrise des flux migratoires et remettre la langue, l'histoire et la culture françaises au cœur de l'enseignement. Il n'y a pas de tâche plus urgente aujourd'hui que la reconstruction de l'école républicaine.
On a le sentiment aujourd'hui que seuls quelques intellectuels ont le courage de développer une pensée originale, qui va parfois à l'encontre des certitudes de la pensée officielle - et c'est sans doute la raison pour laquelle leur parole est jugée plus crédible par l'opinion que celle des politiques. Qu'est-ce que le courage pour vous?
Il est désagréable d'être la cible favorite des nouveaux bien-pensants. Mais le courage, c'est autre chose. C'est risquer sa vie pour les siens, pour son pays, pour une cause. Cette épreuve m'a été jusqu'à ce jour épargnée. J'ignore donc si je la réussirais. Et j'évite, autant que faire se peut, de me payer de mots.
Y a-t-il des intellectuels ou écrivains dont vous vous sentez proche?
Je suis en conversation permanente et parfois orageuse avec Elisabeth de Fontenay. Claude Habib et Philippe Raynaud sont des amis chers. Je me sens proche de Jean-Pierre Le Goff, de Jacques Julliard et de Paul Thibaud. Je tire le plus grand profit de la lecture des livres de Pierre Manent. Emmanuel Carrère, Michel Houellebecq, Yasmina Reza sont des écrivains que je tiens en très haute estime. Cette liste n'est pas exhaustive.
Comment avez-vous vécu d'être brutalement expulsé de la place de la République par des membres de Nuit debout, vous et votre épouse, et, avec le recul, comment l'analysez-vous?
Nuit Debout.
Nuit Debout. - Crédits photo : Edouard Elias
C'était un événement pénible, mais ce qui m'a bouleversé, ce n'est pas d'avoir été expulsé au bout de vingt minutes par une cohorte de gens vindicatifs, c'est de voir cette expulsion prolongée, justifiée, célébrée, conceptualisée par un certain nombre d'intellectuels dits de gauche. C'est d'entendre Frédéric Lordon dire que je l'avais bien mérité car je suis «le porte-parole le plus notoire de la violence raciste identitaire». C'est de lire dans des journaux que j'avais manigancé tout cela pour faire ma propre publicité. Je suis allé à Nuit debout, non pas pour défier les membres de cette «agora», mais par curiosité, pour écouter et pour comprendre. Ce que j'ai compris, c'est que n'avaient le droit de s'exprimer, et même d'être là, que des gens qui pensent exactement la même chose. Ce sectarisme me désole. Et j'ai appris depuis lors que, au cœur de Nuit debout, il y avait le mouvement des Indigènes de la République, qui demande sans rire la séparation du Crif et de l'Etat. Cette paranoïa me glace.
«L'Union européenne a soigneusement vidé l'Europe d'elle-même»
Alain Finkielkraut
Le Brexit, qu'est-ce que cela vous inspire? Est-ce un moment charnière dans l'histoire de l'Europe?
Pour mettre fin à la distinction jugée potentiellement génocidaire entre un «nous» et un «eux», l'Union européenne a soigneusement vidé l'Europe d'elle-même. Elle a remplacé la civilisation par les valeurs, elle a dissous l'identité dans les droits, les normes et les procédures. Les Anglais ont dit non à cette évolution, nous ne devons pas les imiter mais saisir l'occasion du Brexit pour réincarner l'Union européenne.
Pensez-vous que la perte du désir de transcendance (religieuse, républicaine, etc.) est à l'origine d'une partie de nos maux?
Contre Hitler, Thomas Mann appelait en 1935 à l'émergence d'un «humanisme militant qui découvrirait sa virilité et se convaincrait que le principe de liberté de tolérance et de doute ne doit pas se laisser exploiter et renverser par un fanatisme dépourvu de vergogne et de scepticisme». Un nouveau fanatisme se répand, mais la volonté de faire face et de rendre nos idées combatives est paralysée par la mémoire même de l'hitlérisme. Voilà l'origine de tous nos maux.
Alain Finkielkraut dans le Quartier latin.
Alain Finkielkraut dans le Quartier latin. - Crédits photo : Photo : Philippe QUAISSE / PASCO
Croyez-vous à la théorie de l'homme providentiel (Jeanne d'Arc, Clemenceau, de Gaulle)?
Un homme providentiel, c'est beaucoup demander! J'aimerais simplement que les responsables politiques soient à la hauteur des circonstances et qu'ils sachent insuffler à la France la force du sursaut. Et ce qui me fascine chez de Gaulle, c'est la clairvoyance de l'appel du 18 juin. Ce texte génial allie la défense de l'honneur de la France et un sens aigu des réalités: «Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure.»
Quels sont, à titre personnel, vos grands hommes (ou femmes)?
Mon Panthéon personnel est peuplé de peintres (Vuillard, Klee, Turner), de philosophes (Hannah Arendt, Emmanuel Levinas), et de romanciers (Henry James, Marcel Proust, Philip Roth, Milan Kundera). Ce que je sais de l'existence et ce que je vois du monde, je le dois à leurs œuvres. L'art et la pensée nous ouvrent les portes de la perception.
Dans cette liste, vous n'avez cité ni poètes ni musiciens. Est-ce parce que ces deux formes d'expression artistique vous touchent moins?
Il y a des poètes dans mon cahier de citations. La Fontaine notamment:
«J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique,
La ville et la campagne, enfin tout: il n'est rien
Qui ne me soit souverain bien,
Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique.»
Ou encore Paul-Jean Toulet:
«Ce n'est pas drôle de mourir
Et d'aimer tant de choses:
La nuit bleue et les matins roses,
Les fruits lents à mûrir.
Ni que tourne en fumée
Mainte chose jadis aimée,
Tant de sources tarir…
O France, et vous Ile de France,
Fleurs de pourpre, fruits d'or,
L'été lorsque tout dort,
Pas légers dans le corridor.»
Pour ce qui est de la musique, on n'en écoutait pas chez moi quand j'étais enfant et je n'ai pas su malheureusement en découvrir la richesse tout seul. Il y a bien sûr des compositeurs que j'aime, mais même eux, je les connais mal. Ce serait donc mentir que de les faire figurer dans mon Panthéon personnel.
La parution de La Seule Exactitude, votre élection à l'Académie française, Nuit debout et l'agression dont vous avez été victime avec votre épouse… Ce fut pour vous une année à la fois faste et éprouvante. Les vacances arrivent à point nommé. Question un peu personnelle: travaillez-vous en vacances ou vous astreignez-vous à ne rien faire?
J'aimerais cette année savoir ne rien faire, lever la tête et me rendre disponible à la beauté des choses. Mais en serais-je seulement capable?
Vous avez certainement un programme de lectures pour vos vacances. Quels livres allez-vous glisser dans vos valises cet été?
Pierre Pachet vient de mourir. Je lirai, pendant les vacances, l'Autobiographie de mon père, pour prolonger ma conversation avec lui. J'emporterai aussi Les Allées sombres, un recueil de nouvelles d'Ivan Bounine, Premier amour et Nid de gentilshommes de Tourgueniev, ainsi que Kaddish, de Leon Wieseltier. Mais il me reste quelques jours pour compléter ma bibliothèque estivale. J'aime flâner en librairie et ressortir avec des livres qui n'étaient pas à mon programme.
On connaît votre passion pour le football. Avez-vous suivi l'Euro? Si oui, estimez-vous que ce fut un bon Euro sur le plan sportif?
«Vraiment, le peu de morale que je sais, je l'ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre, qui restent mes vraies universités», déclarait Camus en 1959. En 2016, le football, c'est tout autre chose. Comme l'a écrit Robert Redeker, «des mercenaires écervelés immatures et cupides tapant dans un ballon sont élevés au rang de divinités». Quand je lis ces propos de Zlatan Ibrahimovic: «Le football, je le vois comme une religion, je suis une icône», les bras m'en tombent et j'ai envie de passer à autre chose. Mais on ne se refait pas: j'apprécie les bons matchs, je regarde avec des amis ceux de l'équipe de France. Sans voir en celle-ci l'incarnation du vivre-ensemble, je me suis réjoui de ses victoires et j'ai enragé quand, lors de la finale de l'Euro, le tir de Gignac s'est écrasé contre le poteau.
Le grand public a pu découvrir, lors du discours que vous avez prononcé pour la réception de votre épée d'académicien, une facette de vous peu connue: votre goût de la nature, et notamment la tendresse avec laquelle vous parlez des vaches, cet animal que Nietzsche évoque pour illustrer le principe des ruminations philosophiques… Pensez-vous que l'homme d'aujourd'hui a perdu le fil avec la nature?
Les vaches sont les animaux les plus doux, les plus innocents de la terre. Leur beauté languide est apaisante. Je ne me résignerai jamais à les voir disparaître dans des usines qui usurpent le nom de ferme. La culture était notre lien avec la nature. Avec la production animale, la technique tend à la remplacer. Ce n'est pas un progrès.
L'écologie politique apporte-t-elle selon vous une réponse appropriée pour renouer ce lien rompu entre l'homme et la nature?
Les écologistes n'aiment que les animaux sauvages. Et ils ne cessent de revendiquer de nouveaux droits quand s'impose l'exigence de fixer des limites pour sauver la terre, le monde, la langue et la culture. L'écologie, avec eux, est tombée dans de mauvaises mains.
Depuis quelque temps, il est de plus en plus souvent question en France d'une nouvelle doctrine qui, comme l'écologie, prétend avoir réponse à (presque) tout. Il s'agit de l'antispécisme. Pensez-vous que cette théorie est inoffensive ou porte-t-elle en elle les germes d'un nouveau totalitarisme doctrinal?
Nous sommes des animaux comme les autres, déclarent les antispécistes qui croient prolonger par cette mise à égalité salutaire le combat antiraciste. Mais Elisabeth de Fontenay a raison de le rappeler: «Ce n'est pas de l'animal humain qu'on peut attendre qu'il assume une responsabilité envers les animaux.» Jamais le lion ne se sentira responsable de l'antilope. L'homme, lui, et c'est ce qu'il a de spécifique, peut se sentir responsable de l'antilope - et du lion. La philosophie des antispécistes contredit la politique qu'ils entendent mener.
Une dernière question: au fond, lorsque vous avez commencé à réfléchir et à écrire, pensiez-vous que vous auriez à vous battre ainsi pour vos idées?
Si l'on était d'accord avec la doxa, on n'écrirait pas. Ecrire, c'est prendre l'opinion majoritaire à rebrousse-poil. Je m'attendais donc à devoir me justifier et me défendre. Ce qui me surprend, et m'affecte, c'est de figurer, en dépit de mes origines, de mes références, de mon parcours, dans toutes les listes noires dressées par l'intelligentsia antiraciste. Cette haine, je le sais, est loin d'être majoritaire, mais elle reste difficile à vivre.
A lire: le Discours de réception à l'Académie française, d'Alain Finkielkraut et la réponse de Pierre Nora (Gallimard). L'œuvre d'Alain Finkielkraut est publiée essentiellement chez Stock et Gallimard.
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