Je vous renvoie aux définitions de la tyrannie de la majorité car je pense qu'il y a une méprise sur son sens : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tyrannie_ ... orit%C3%A9
Si l'on s'en tient à la définition que vous fournissez, qui est également mienne, ce que je dis tiens très bien. La tyrannie de la majorité ne nécessite nullement un nombre minimum, requis, formant ladite majorité. Ainsi, l'argument consistant à dire que le principe ne tendrait pas à s'appliquer dès lors que la population est faible apparaît désuet.
Concernant cet argument plus généralement, je pense, pour ma part, qu'il est fondamentalement anti-démocratique. L'expression la plus connue, servie en abondance, est évidemment la fameuse accession au pouvoir d'Hitler par un processus démocratique. Mais c'est une vieille rengaine puisque dès 1848, la gauche hurlait malheur car le peuple (dans une acception, jadis, certes, bien plus restreinte) avait osé élire un 'Bonaparte' au pouvoir. Dans ce cas, rétablissons la couronne, finissons-en de ces obscures expressions plébéiennes
Je serais favorable à une monarchie constitutionnelle en France pour régler ce problème de monarque républicain, à la fois chef d’État et chef de l'exécutif. Autant j'ai du respect pour De Gaulle pour son passé de résistance, autant je trouve qu'il nous a mis bien dans la merde avec sa Ve République. Mais ça, c'est un autre problème.
En réalité, lorsque l'on parle de "majorité", on parle de la majorité des électeurs, les électeurs étant eux-mêmes une minorité dans le pays. D'ailleurs, les Suisses ont lancé une initiative pour récompenser les votants réguliers à ces votations par une baisse de leurs impôts. Ce système commence donc à montrer ses limites. Moins d'un Suisse sur deux se déplace pour aller voter et sans doute ce chiffre serait-il encore moins élevé si certains électeurs ne se forçaient pas aller aux urnes pour contrer une décision.
En parlant de tyrannie de la majorité, les Suisses ont attendu jusqu'en 1971 avant d'accorder le droit de vote aux femmes. Le dernier canton à l'avoir accordé l'a fait... en 1990.
Cela ne me dérange pas que l'on interdise les minarets. En réalité, je m'en fous, je déplore juste que l'on mobilise tout un Etat pour un sujet aussi risible destiné à calmer les ardeurs des électeurs qui ont justement cette impression de "lutter contre l'islamisation" et de "défendre des valeurs conservatrices".
C'est ici que nous avons un désaccord fondamental. Le référendum sur le minaret n'est pas stupide pour deux raisons : le minaret n'est pas obligatoire en Islam et le minaret pose un débat sur la laïcité : l'espace public doit-il être occupé par un monument religieux. Et ces questionnements ne sont ni risibles ni méprisables. La défense de sa culture, de son environnement, de son univers n'est pas abjecte. C'est ce qui emporte une nation. On a tendance à omettre toute la dimension spirituelle de la vie en société, qui est colossale. Et ce qui emporte une nation possède, à mon sens, toute sa place dans le référendum.
C'est pourquoi je disais que la Suisse souffrait d'un certain malaise, sans doute inhérent à son caractère artificiel. La Suisse est une Belgique alpine, tiraillée comme elle entre trois langues, constituée en État comme elle par l'arrogant pouvoir napoléonien, qui faisait fi des disparités culturelles et identitaires. Quand un Etat est suffisamment soudé, quand une nation = un Etat, il n'y a pas lieu de légiférer sur des questions comme le minaret. Pour autant que je sache, si les mosquées ont débarqué en Suisse, c'est parce que les Suisses l'ont voulu et c'est dans leur mentalité de vouloir le beurre et l'argent du beurre.
On s'est sans doute un peu éloigné du sujet. Tout ça pour dire que concevoir l'Europe comme la Suisse, c'est nous contrainte à une Union Européenne fédérale, où le pays "France" serait considéré comme un Etat fédéré et ce alors même que la France est elle-même une construction artificielle, qui n'a rien d'une nation. Je n'ai pas envie que la France soit davantage un suppôt de l'UE bureaucratique, je préférerais une Europe à 500 États, qui abolit tous ces Etats artificiels. La voilà, la réelle Europe.