On vous donne des devoirs à faire, sur fopo maintenant, bon quand j’étais au lycée, je me distinguais souvent en rendant mes disserts’ en retard.
Je suppose que vous avez remarqué qu’il m’arrive de « perdre mon temps » à répondre avec sérieux à des allégations qu’on aurait tendance à traiter avec mépris. J’estime en effet qu’il est un devoir de contrer la domination quantitative du discours exercée par les charlatans en produisant soi-même du discours sensé. Cela est également utile pour affuter ses propres arguments.
En ce qui concerne le présent document, il est bien sur utile de reprendre les arguments un par un, mais je choisirais plutôt d’analyser la structure du discours, les présupposés qui le sous-tendent etc, bref de faire de l’épistémologie appliquée. Cette démarche est certes plus abstraite mais permet souvent, par un nombre limités d’arguments, de réfuter efficacement tout un argumentaire.
Commençons par le début : la vidéo commence par 3mn16 de bavardages pour ne pas dire grand-chose avant d’en arriver au premier point. Le style scientifique est un modèle de concision et ceci ne s’y rattache donc pas d’un point de vue littéraire. Un argument non décisif mais je fais automatiquement ce genre d’analyse face à un discours qui se veut scientifique.
Tout ça pour dire quoi. ? Que les dictionnaires contemporains sont idéologiques et qu’il faut revenir à le définition du mot race par le Littré. (Au passage un argument parfaitement parallèle à celui de ceux qui rejettent les travaux des historiens contemporains). Admettons, soit, mais peut-on prétendre que Littré était imperméable aux préjugés de son temps et au fond idéologique colonialiste de son époque ?
Il assimile ensuite la notion de races à celle de sous espèces, définies comme des populations reproductivement isolées d’une espèce.
Le problème est qu’il n’y pas de populations humaines isolées. L’homme est un animal opportuniste capable de s’adapter à n’importe quel milieu et sa population couvre quasiment l’ensemble des terres emergées. Il y a certes des barrières géographiques, mais elles ne sont pas étanches ( j’avais cité dans un pot précédent le cas du Sahara). L’’endogamie peut être une barrière, mais elle non plus ne peut être considérée comme étanche à l’échelle du temps de l’évolution de l’espèce humaine. Il est en fait difficile
Cette capacité de l’homme à s’adapter à tous les milieux a pris à mon sens toute son ampleur au paléolithique supérieur. Il y avait jusque-là des populations plus divergentes.
Boris Le Lay s’appuie sur la définition « scientifique » du Littré mais prétend la justifier par la génétique.
En science une révolution scientifique, et la génétique en fut une majeure au XXe , conduit forcément a reconsidérer les notions anciennes, voire à les faire disparaître. Ainsi, le concept d’évolution a profondément modifié la systématique (classification des espèces) en la fondant sur la phylogénie.
La tectonique des plaques a fait abandonner complètement le concept de géosynclinal.
Avec fair-play, j’ai donné dans mon précédent post des pistes pour aborder la notion de race avec les outils de la génétique moderne à la question de la race.
Ici, Boris le Lay n’y voit qu’un outil pour confirmer les anciennes théories :
Conclusions : il y a les races blanche, jaune, noire etc. affublées de noms qui se veulent scientifiques. Plus d’un siècle de progrès scientifiques inouïs pour en arriver là !
Boris le Lay se tient-il lui-même à sa propre notion de race ? Il dit que les États Unis admettent la notion de race mais est-ce bien de la même chose qu’il s’agit ? Si on considère la distinction entre noirs et blancs, on constate qu’il faut avoir un forte proportion d’ancêtres européens pour être blanc alors qu’une proportion d’ancêtres africains limitée suffit pour être noir.
On reconnaitra sans peine la théorie de la « goutte de sang »
Les américains choisissent maintenant librement leur catégorie. Le Lay dit qu’ils donnent en général une réponse pertinente, sur quels critères se base-t-il pour définir la pertinence ?
La catégorie Hispanique a été sortie en 2010 des catégories raciales pour devenir une catégorie linguistique. Le Lay nous dit que la plupart des américains se classent volontiers dans une race. Près de la moitié des hispaniques ne le font pas. Il n’est pas difficile de supputer que nombres d’hispaniques ont une proportion substantielle d’ancêtres amérindiens.
http://en.wikipedia.org/wiki/Race_and_ethnicity_in_the_United_States_Census
Ah, James Watson … une prise de choix pour nos amis théoriciens racistes !
« faut prendre au sérieux les propos d’un prix Nobel »
Il est toujours fascinant de voir comment certaines personnes basculent du côté obscur de la science.
Watson est peut-être moins frapadingue que Luc Montagnier (encore que je ne suis pas sûr mais plus pernicieux.
Je viendrais enfin sur la question du lien entre gène, races et intelligence :
Cette théorie est du type explicatif et ne repose que sur de vagues présomptions possibles. Comment pourrait-elle devenir plus prédictive et donc scientifique.
Il faudrait établir une corrélation non pas entre race et intelligence et entre race et gènes mais entre tels ou tels gênes précis et intelligence, les populations métissées fournissant des individus présentant des combinaisons de gènes variées permettant de mettre en évidence d’éventuelles corrélations.
Faut-il s’interdire toute théorie explicative pour autant ? J’ai ma petite épistémologie personnelle là-dessus, Si on cherche une explication à quelque chose, il faut chercher les explications possibles en essayant d’être exhaustif en n’en rejeter aucune sans bonne raison. Éventuellement on ne peut réduire les explications possibles à une seule. Beaucoup trouvent une explication qui leur plait et s’y tiennent.
Outre atlantique on privilégie les explications biologiques, en France on privilégie les explications socio-économiques, si on ne s’y tient pas, on passe selon le cas pour un communiste ou un raciste.
J’ai envie de citer ici un élément d’explication intéressant :
On a observé que les performances de jeunes filles dans des exercices de mathématiques se dégradaient substantiellement si on leur disait que les femmes réussissent moins bien que les homes, au lieu de leur dire qu’elles y réussissent aussi bien que les hommes. On voit que les préjugés eux même peuvent avoir une influence sur les performances intellectuelles. (Un rare exemple expérimental de prophétie auto-réalisatrice).
Pour faire une expérience en condition contrôlées sur l’influence de la « race » au sens biologique sur l’intelligence, il faudrait pae exemple des sujets noir qui ignoreraient qu’ils sont noirs ou qui ignoreraient les préjugés relatifs aux noirs … ;)