La Turquie, nouveau sanctuaire des mafias
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La Turquie s’est imposée comme un relatif havre de paix pour les criminels.
Les Vory sont de plus en plus nombreux à prendre leurs quartiers dans le pays d’Atatürk. Car, en Russie, un amendement du Code pénal adopté en février 2019 facilite désormais l’emprisonnement de chefs mafieux.
Les Vory ont fait l’objet de mesures similaires dans d’autres pays de l’espace postsoviétique tandis que les services de police européens se montraient plus agressifs à leur égard. Dans ce contexte, la Turquie s’est imposée comme un relatif havre de paix pour les criminels.
Au-delà des Azerbaïdjanais, on y trouve aujourd’hui des Vory géorgiens, notamment le clan sulfureux de Koutaïssi, d’autres Vory d’Asie centrale, ou encore des criminels tchétchènes. Depuis trois ans, les rassemblements et cérémonies d’intronisation des voleurs dans la loi se sont succédé dans les villes d’Istanbul et de Trabzon, une cité balnéaire au bord de la mer Noire non loin de la frontière géorgienne.
Derrière cette implantation criminelle transnationale, certains pointent les possibilités de blanchiment d’argent que recèle la Turquie. Car il se trouve qu’en 2013 le gouvernement turc a mis en place une « amnistie de fortune ». Renouvelée de manière quasi ininterrompue depuis lors, elle permet aux ressortissants turcs, et surtout aux citoyens étrangers depuis l’an passé, de rapatrier des actifs sans que leur provenance ne soit questionnée. « On ne sait pas précisément quels acteurs ont pu bénéficier de cette loi, mais il est certain qu’elle a ouvert la voie à l’arrivée d’argent sale dans le pays », affirme Oya Özarslan, avocate et fondatrice de bureau turc de l’ONG Transparency International.
Le secteur immobilier constituerait également une aubaine pour le blanchiment d’argent. « La vente de biens immobiliers s’effectue quasiment sans évaluation des antécédents de l’acheteur, alerte Oya Özarslan. C’est une faille financière majeure. » En octobre 2021, la Turquie a été placée sur la liste grise du Groupe d’action financière (Gafi), un organisme intergouvernemental rattaché à l’OCDE et chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
« On a le sentiment que la Turquie devient une sorte de Dubai bis pour la criminalité transnationale », l'avance également l’enquêteur Timur Soykan. Refuge connu de la pègre internationale, les Émirats arabes unis ont toutefois récemment accru leur coopération judiciaire avec l’Union européenne. Au début du mois du décembre, l’agence de police européenne Europol a ainsi fait état d’une vaste opération de démantèlement d’un réseau de trafiquants de cocaïne impliquant Dubai, l’Espagne, la France et la Belgique.
« À la suite de cette coopération renforcée, on voit les narcotrafiquants européens chercher des destinations de repli, et parmi elles, la Turquie s’érige en un nouvel eldorado, confie une source à Europol. Jusqu’ici, la présence criminelle européenne en Turquie était marginale ; de l’argent y était blanchi, mais il s’agissait surtout d’une plateforme logistique. Avec le nouveau contexte aux Émirats, cela va changer. »