Ce n'est pas un problème de compréhension, qui nous sépare Greensov, mais un profond désaccord. En faisant la synthèse de tes réponses j'entends: l'anarchisme est une idéologie conduisant, in fine, la société vers un autoritarisme de par le truchement des forces naturelles auxquelles notre espèce est soumise. Le contraire, toujours d'après tes propos, n'est jamais que prosélytisme.
Je crois au contraire que c'est un gros problème de compréhension. Je ne dis pas que l'anarchisme mène à l'autoritarisme. Je dis qu'une interaction humaine n'est rien d'autre qu'un rapport de force (action/réaction). Il en va de même entre les sociétés.
Ce que je qualifie de prosélytisme est diffusion de l'idée d'anarchisme sur la base de l'existence d'une harmonie. Parler d'harmonie c'est supposer l'existence d'une loi mathématique qui fait que l'ensemble des forces peuvent s'harmoniser.
Je ne suis pas contre l'harmonie. Je ne dis pas qu'elle n'existe pas.
Je dis que je n'ai jamais rien vu de tel et je n'ai jamais rien vu qui puisse me laisser penser qu'elle existe (un peu comme Dieu). Je dis que baser sa réflexion sur un élément aussi peu tangible est risqué. De la même manière qu'au quotidien, je prends mes dispositions pour que tout ce passe pour le mieux sans espérer une intervention divine.
En admettant que l'harmonie soit une réalité, il y a deux façon pour que l'harmonie s'installe.
On laisse l'humanité suivre son court jusqu'à celle qu'elle arrive à l'état d'harmonie. Dans ce cas la pas de souci, on laisse faire.
On aide un peu ces hommes qui semblent se plaire à se taper sur la gueule ou à dominer l'autre. Dans ce cas la on doit mettre en place un instrument coercitif. Sinon cela revient à laisser faire.
Or, dés le départ, il m'apparait que ton argumentaire se base sur une erreur: la reprise de la définition générale offerte par les dico sur l'anarchisme. Si je devais choisir, en regard de tes réponses celle que tu as reprise, ce serait celle du Littré: Anarchisme: système politique ou social suivant lequel tout individu doit être émancipé de toute tutelle gouvernementale. Par suite, l'anarchisme est défini comme une idéologie ou doctrine qui préconise la suppression de l'État, quelles que soient les conditions historiques.
Il vous faut poursuivre la démonstration. En quoi la définition du Littré est elle une erreur ?
Tout ce que vous dites c'est que vous n'êtes pas d'accord avec la définition du Littré, ce qui est votre droit le plus absolu. Moi même nuancerai pas mal cette définition. Notamment la partie parlant de la suppression de l'état car je le vois deux entités distinctes dans l’État : Le système de domination et le système d'organisation.
L'anarchisme, ne peut se prêter à une analyse systématique à cause de sa multitude de pensées en constantes évolution le façonnant (au contraire du marxisme bien plus formalisé, quoique lui aussi fort multiple).
La multitude des pensées autour de l'anarchisme reposent néanmoins sur un socle commun. Ce socle peut être soumis à une analyse systématique (qui n'est pas une analyse systémique).
J'aimerai simplement en finir avec ce qui amène, bon nombre d'analyses, à congédier l'anarchisme comme étant utopique, primitif, et incompatible avec la complexité des réalités sociales.
Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point qui résume ma pensée d'avantage que votre définition du Littré.
C'est pour cela que je défends l'altruisme pour des raisons pratiques (aider son prochain pour qu'il puisse nous aider à son tour) et non pour des raisons idéologique (aider son prochain parce que c'est bien) et encore moins pour des raisons systémiques.
A ce titre je ne dis pas l'anarcho-individualiste autiste n'est pas un anarchiste. Je dis qu'il précarise sa situation, toujours au nom du rapport de force. Quand une bande organisée voudra s'en prendre à lui ou à sa propriété, il devra gérer le problème seul.
Pour en revenir à votre citation du Littré, je ne suis pas contre le principe de l'Etat. Encore faut il comprendre état sans son coté péjoratif, c'est à dire une forme d'organisation stable, une stase, un ordre. L'anarchie est une stase, l'anarchie est un état.
Ce qui différencie l'état anarchiste d'un autre type d'état, c'est que dans l'état anarchiste, l'individu ou le groupe d'individu qui est garant de l'ordre et des lois alors que dans un système non anarchique ce pouvoir est confier à un individu. Individu qui a de facto le pouvoir d'en abuser.
Un chef de la police peut exister dans un état anarchique mais ce chef ne pourra pas contraindre ses hommes de le suivre en vertu de sa fonction de chef. Au contraire, ce sont les hommes qui suivront ou non leur chef. Idéalement, cela peut se décider à la lumière de la nature de la tache à accomplir, des qualités de meneurs reconnues du chef, de sa connaissances des dossiers. Il est possible également que cela se fasse par paresse ou parce que le chef à su soudoyer ou séduire ces hommes. D'ailleurs sans la vertu individuelle, on ressort assez vite de l'état d'anarchie.
Ce qui fait la qualité et la pérennité d'un état anarchiste, c'est d'avantage la qualité de ses hommes plutôt que la qualité des institutions. Institutions qui peuvent exister dans un système anarchique par ailleurs mais qui à l'instar de l'exemple de chef de la police sert d'avantage de guide et ne peut marcher sans l'adhésion du citoyen.
L'anarchisme n'est pas une solution brevetée pour tous les problèmes humains, ni une Utopie ou un ordre social parfait, ainsi qu'il a souvent été appelé, puisqu'il rejette en principe tout schéma et concept absolus. Il ne croit en aucune vérité absolue, ou but final défini pour le développement humain, mais dans la perfectibilité illimitée des arrangements sociaux et des conditions de vie humaines, qui sont toujours tirées vers de plus hautes formes d'expression, et auxquels pour cette raison on ne peut assigner aucune fin déterminée ni poser aucun but fixé. Le pire crime de n'importe quel type d'état est justement qu'il essaye toujours de forcer la riche diversité de la vie sociale à des formes définies, et de l'ajuster à une forme particulière qui ne permet pas de perspective plus large, et considère les états précédents comme terminés. Rudolf Rocker, Anarcho-Syndicalism : Theory and Practice, Secker and Warburg, 1938.
A la différence de ce qui est avancé dans votre citation de Rudolf Rocker, je ne considère pas le fait de "forcer la riche diversité de la vie à des formes définies" comme un crime. Cela principalement pour deux raisons:
Parler de crime suppose l'existence d'un code moral supérieur régissant les interactions entre individus. De fait, il limite la riche diversité de la vie à sa morale. Interdire d'interdire suppose que l'on reconnaisse le droit d'interdire.
Forcer la diversité de la vie à des formes définies est une mécanique naturelle qu'il ne faut pas nier. Nier les formes ainsi définie par la nature et pousser la diversification ne peut mener qu'a l'informe et la fin de toute diversité.
Rudolf Rocker est dans le paradoxe répandu qui consiste à imposer au nom de la liberté ou d'abolir les différences ou nom de la diversité. De la morale supérieure et contradictoire qui permet tout et son contraire en terme d'application et surtout qui ne mène à rien concrètement.
En s’intéressant de plus prêt à la façon dont procède un État -et là je vais être très partial et schématique-, l'anarchisme part du constat qu'il n'y a pas de pouvoir sans nécessité de justification et, donc d'idéologie, qui est simplement la forme froide et détachée de la justification.
C'est du au fait qu'un roi, aussi puissant soit il, n'est qu'un homme.
Il y a disproportion entre le pouvoir symbolique du à la fonction et le pouvoir intrinsèque de la personne du roi. Toute forme de pouvoir politique, même le plus autoritaire, ne peut se faire sans une acceptation par les autres. D’où le besoin d'une justification pour l’exercice du pouvoir. L'idéologie est en effet une justification et c'est parce que l'idéologie est conçue pour être acceptable par tous.
L'idéologie en elle même n'est pas intéressante pour l'homme de pouvoir d'avantage intéressé par sa carrière. L'homme de pouvoir se montrera pragmatique et jouera avec l'idéologie pour arriver à ses fins (Quid de nos socialistes qui gonflent le chiffre d'affaire des copains qui eux sont bien capitalistes en avançant l'argument de l'état providence). L'idéologie sera forcément trahi dans le cadre l'exercice du pouvoir.
Ce n'est pas l'idéologie qui est en cause mais l'homme de pouvoir qui, si il est assez habile, peut toujours manipuler l'opinion pour la lui rendre favorable. La première qualité de l'anarchisme est qu'elle met d'emblée sur la touche l'homme de pouvoir.
C'est en refusant de légitimer des concepts moraux supérieur que l'anarchie ne peut devenir une idéologie de domination: La ou le libéralisme permet la domination par le capital, la ou le communisme permet une domination par la négation d'une certaine forme de propriété.
Du coup, vois tu pourquoi, même rationnellement, l'argument de l'ordre naturel des choses est soumis à une idéologie bien particulière? Comprends tu, tout en te rappelant qu'un des points les plus important de l'anarchisme est le volontariat, pourquoi je suis en total désaccord avec toi?
Je n'ai parlé de l’ordre naturel que pour critiquer la notion d'harmonie qui s'y réfère implicitement. Dans la présente discussion je me pose en opposant à l'ordre naturel dans le sens ou tout type de relation ou de gouvernement humain sont dans la nature.
Notre désaccord vient surtout de la nuance qui fait que ne peux assimiler anarchisme et volontariat. Cela ferait du volontariat un concept moral supérieure et ferait de l'anarchisme un "volontarisme". Un système ou le non volontaire risque de se voir pénalisé.
Je pars du principe que le volontariat, ou plus largement la collaboration, est nécessaire pour des raisons pratiques et non idéologique. La collaboration est d'ailleurs nécessaire y compris pour des systèmes non anarchiques. En assimilant pas l'anarchisme au volontariat je n'exclue pas le réfractaire au volontariat su courant anarchiste. En revanche je dis que l'anarchiste non volontaire devra composer avec l'image que ses pairs auront de lui. La ou en assimilant anarchisme au volontariat, vous faite du non volontaire un non anarchiste ou un hors anarchiste. Vous induisez la question du laissez faire ou de la contrainte relève du niveau de l'institution. Je pense que la question relève de l'interaction entre individu. D’où la nécessité pratique de constituer des communautés de valeurs. Les volontaires avec les volontaires, les individualistes avec les individualistes.
L'anarchiste est libre de prendre le groupe en considération ou non. Pour ma part je parie sur ceux qui se la jouent collectifs non pas par idéologie mais pour des raisons pratiques.