Alors il date de 2006. C'est L'AssMat N°51 de sept-oct. C'est un magazine juridique spécialisé dans les métiers d'assistantes maternelles en crèche ou à domicile et d'assistantes familiales (celles qui accueillent des enfants de la DDASS de façon permanente). Le sujet porte carrément sur la liberté religieuse. Je ne me souvenais plus qu'il y avait un sujet spécifique là-dessus.
Je vous indique quelques passages, car c'est un gros dossier de 12 pages. Du coup, je ne vais peut-être pas tout scanner non plus, à moins que vous insistiez ...
"L'assistante maternelle ou l'assistante familiale (donc assmat qui travaille chez elle, mais qui dépend d'une crèche), comme toute personne, dispose de la liberté de conscience. Cette liberté signifie qu'elle est libre de croire ou de ne pas croire en matière religieuse, libre d'adopter la religion de son choix. Son métier ne la prive pas de cette liberté. Par contre, il présente sous un jour original la nécessaire conciliation entre l'exercice de cette liberté et ses obligations professionnelles.
Lorsqu'une personne travaille au sein d'une entreprise ou d'une institution, on se demande si elle peut manifester dans ce lieu extérieur son appartenance à une religion, si ses convictions, ses rites ou ses interdits religieux peuvent avoir une influence sur sa vie dans l'entreprise ou l'institution. L'assistante maternelle ou l'assistante familiale travaille au contraire à son domicile, c'est-à-dire dans un lieu privé où chacun est, en principe, libre de respecter les préceptes ou les pratiques religieuses de son choix. La question n'est donc plus celle de savoir dans quelle mesure elle peut exercer sa liberté religieuse mais plutôt dans quelle mesure elle doit s'abstenir de l'exercer, au sein même de son domicile, dès lors qu'il est le lieu de son travail, le lieu d'accueil des enfants qui lui sont confiés."
"La liberté de conscience englobe la liberté religieuse. Elle fait partie des libertés fondamentales que le droit reconnaît à toute personne. Elle n'en comporte pas moins des restrictions qui sont liées à l'obligation de neutralité des agents participant au service public, à la nature de la tâche de l'assistante maternelle ou d'assistante familiale, enfin au respect des convictions des parents des enfants accueillis."
S'en suit tout un chapitre sur la discrimination à l'embauche au travail (donc pour l'obtention de l'agrément, notamment). On ne doit pas s'occuper si la personne est croyante ou pas pour l'embaucher ... Chacun est libre de croire, de mécroire, de changer de bord ... etc ... Viens ensuite les Restrictions à l'exercice de la liberté religieuse.
Concernant les assmat et assfam qui travaillent en service public (donc principe de neutralité) : "Le 1er article de la Constitution proclame que la République est laïque. Pour le Conseil d'Etat, ce principe de laïcité de la République implique le principe de neutralité des services publics. A son tour, ce principe de neutralité fait obstacle à ce que les agents participant à ce service disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses. Ce principe de neutralité leur impose au contraire une obligation de neutralité. Le fait pour un agent de porter "un signe destiné à marquer son appartenance à une religion" constitue un manquement à cette obligation qui peut donner lieu à une sanction disciplinaire."
Donc conséquence : pas de voile, même pour les assistantes maternelles travaillant à domicile si elles travaillent en crèche familiale ... Car cela implique lors des sorties à la crèche ou autres endroits collectifs prévus pour les activités des petits dont elles dépendent se fassent sans voile. Espace public = pas de voile. Comme chez elle, le voile n'est pas obligatoire, puisque travaillant avec les enfants ou leur famille. Elles doivent finalement demeurer non voilée tout le temps de leur travail.
Je ne réécris pas tout, c'est expliqué en l'état sur 2 pages.
Alors ça, c'était pour le service public.
Restrictions communes à tout le monde (donc même à celles qui travaillent dans le privé, chez elles comme moi ...etc = restrictions liées à la tâche) :
"Si l'exercice d'un métier ne prive pas la personne de sa liberté de conscience, il implique le plus souvent des restrictions à cette liberté. Ce n'est pas la liberté d'adopter la religion de son choix ou d'en changer qui peut être restreinte. A cette liberté-là, qui correspond à la liberté de conscience proprement dite, il ne peut être porté atteinte, sous peine de priver la personne de toute liberté de conscience. Ce sont la liberté d'exercice d'un culte, celle de suivre certains rites ou de respecter certains interdits religieux ou encore celle de manifester son appartenance religieuse qui seront réduite. Et elles le seront à la mesure des tâches qui sont celles des assmats et assfam : accueillir à leur domicile des enfants qui leur sont confiés, assurer leur santé, leur sécurité et leur épanouissement."
Autrement dit, on ne peut pas refuser un petit pot blédina au cochon apporté par les parents, même si on est musulmane et qu'on n'en cuisine pas à la maison. On ne peut pas faire sa prière non plus, car sur notre agrément, il est bien spécifié qu'on ne peut pas laisser les enfants accueillis à un tiers (donc nos grands enfants, une voisine, le mari ...), ni les laisser seuls. Et si on ne veut pas faire de prosélytisme, on ne peut pas s'isoler dans une pièce de la maison pour faire sa prière si celle-ci tombe pendant les heures d'accueil des enfants. Il faut toujours avoir les enfants sous les yeux. De même, s'isoler dans la salle de bain, même 10 minutes pour faire ses ablutions, ça n'est pas possible. Donc ça implique pas de pratique de religion sur notre temps de travail, donc pas de voile (puisqu'on ne peut pas prier devant les enfants). Un parent qui récupérerait son gamin de 2 ans et qui lui montrerait une fois rentré à la maison comment on s'agenouille pour faire la prière, pourrait être passible de faute grave (donc licenciement) et même de retrait d'agrément (car défaut de surveillance pendant les ablutions par exemple). Et c'est pareil si le mari ou les enfants ne se font pas discrets pour faire leur prière dans la maison.
Une chrétienne ne pourrait pas non plus réciter le bénédicité avant le repas devant les enfants en accueil.
De même, il est interdit de parler une autre langue que le français quand on est assistante maternelle travaillant à domicile. Car tous les enfants doivent pouvoir comprendre ce que Nounou dit. Le Code de l'action sociale et de la famille précise bien que pour avoir l'agrément, l'assistante maternelle doit savoir parler le français. Donc faire sa prière en arabe, ça n'est pas permis non plus. Tout comme répondre au téléphone et parler dans une autre langue. Mais bon, là on parle de religion. Donc passons. Cette loi n'apparaît pas dans cet article, car elle a été rajouté au code de l'action sociale pour à partir de 2008 ... Mais y'a ça aussi maintenant à prendre en compte.
Concernant les sorties. Peut-on permettre à une musulmane de sortir voilée pour promener les enfants. Là, rien ne l'interdit car elle ne pratique pas la religion dans cette condition (sauf si elle travaille pour le public, là, non).
"Pour l'agrément des assmats ou assfams, justifierait un refus d'agrément, le fait :
- de se livrer à des cérémonies célébrées en présence d'enfants accueillis (alors le petit arabe qui est confié le jour de Noël à l'assmat parce que son papa travaille dans son épicerie ce jour ne doit pas assister au déballage des cadeaux des enfants de l'assistante maternelle, par exemple. Idem pour le petit chrétien ou athée qui serait accueilli par une musulmane qui fête la fin du ramadan ou la fête du mouton. Pas de ramassage des oeufs au chocolat dans le jardin de l'assmat si les parents ne le veulent pas ...). Alors bien entendu, si ça ne dérange pas les parents, alors pas de souci, mais s'ils s'y opposent, on est obligé de plier. Et c'est pareil pour le sapin. C'est peut-être païen, mais certains parents ne le font pas. Alors ils ne sont pas obligés d'accepter d'en voir un chez l'assmat ... C'est comme à l'école, pareil
- D'imposer à l'enfant un mode de vie ou des interdits religieux, notamment des interdits alimentaires.
- de s'opposer à fêter l'anniversaire des enfants si les parents souhaitent qu'il le soit."
Tout est affaire de négociations en la matière. Il faut être bien clair là-dessus sur le contrat, surtout si les ressentis divergent. ça va dans un sens, mais aussi dans l'autre. On doit accepter le petit pot au cochon si on est une Nounou musulmane sans rechigner, mais on doit aussi accepter de ne pas faire de sapin si ça dérange les parents qui vous confient leur enfant. Alors bien souvent, tout se passe bien, les parents ne sont pas si sectaires en la matière. Et puis les sectaires ne confient pas leurs enfants à des gens différents d'eux, sauf si vraiment pas le choix. Et puis avec un respect mutuel, on arrive à trouver un accord. Mais voilà.
Bon, j'aurais peut-être d'autres choses à mettre, mais là, je n'ai plus de temps. Le sujet est quasi fini. Donc vous avez l'essentiel.