La sentence du tribunal de Novorossiisk, une localité située dans le sud de la Russie, qui a condamné à la destruction, sans sourciller, une traduction de grande qualité du Coran, signée du théologien azéri Elmir Kuliyev, a fait l’effet d’un coup de tonnerre parmi le Conseil national des muftis, outré par cette manifestation de l’arbitraire sous couvert d’appliquer la loi anti-extrémisme en vigueur depuis 2002.
A l’instar des défenseurs des droits de l’Homme qui considèrent que ce verdict équivaut à proscrire le Coran lui-même, les dignitaires musulmans sont aussitôt montés au créneau, fulminant et mettant en garde Vladimir Poutine, dans une lettre ouverte, contre les troubles qui pourraient éclater dans les communautés musulmanes si jamais l’autodafé irresponsable et sans fondement de cet ouvrage, publié il y a dix ans, était mis à exécution.
Côté judiciaire, la riposte s’organise par l’intermédiaire de l’avocat représentant l'auteur du texte, Elmir Kuliyev, ce dernier indiquant qu’il fera appel de la décision exigeant que l’ouvrage et ses copies soient "détruits". "C'est une pure idiotie. Un procureur local a envoyé ce texte à un tribunal local et ensemble ils ont décidé de proscrire un Livre Saint", a dénoncé Murat Musayev, lequel dispose d'un mois pour faire appel de la décision. "D'une part, il y a la liberté de religion en Russie, de l'autre ils interdisent les textes religieux fondamentaux, c’est une aberration", a-t-il insisté.
Pour Akhmed Yarlikapov, spécialiste de l'islam au sein de l'Académie des sciences de Russie, la traduction réalisée par Elmir Kuliyev est non seulement d’une érudition remarquable mais également au-dessus de tout soupçon, deux arguments majeurs qui devraient suffire à rendre caduque une discrimination injustifiée et injustifiable : "Ceci est une traduction de très haute qualité et l'interdiction de la traduction de Kuliyev est partiale et non professionnelle. Dans ce cas-là, vous pouvez tout aussi bien interdire la Bible, car elle contient autant de passages qui font référence à des effusions de sang", a-t-il martelé.