Précisions sur la notion de légitime défense
Extrait du "Droit pénal général", par Jean Larguier, professeur émérite aux Facultés de Droit de Grenoble (PUF) :
"Seule une agression injuste elle-même peut motiver une défense légitime: si l'agression est justifiée, on doit la subir... Le condamné blessant le gardien qui l'enferme ne saurait se prétendre en état de légitime défense (l'agression du gardien étant justifiée par l'ordre de la loi et le commandement de l'autorité); de même: l'on vous attaque, vous ripostez, en état de légitime défense; votre attitude, désormais agressive, est elle-même justifiée (par la légitime défense), donc votre adversaire, s'il est blessé, ne saurait lui-même invoquer la légitime défense - cela, bien entendu, sous la condition permanente de proportionnalité : si, attaqué très légèrement, vous ripostez en usant d'une arme à feu, vous remettez votre agresseur en état de légitime défense... (les cas dits d'"excès de légitime défense" laissent d'ailleurs place, en pratique, à l'excuse atténuante de provocation, qui n'a d'effet que sur la peine, l'infraction demeurant.
"Ainsi peut-on résoudre le célèbre débat relatif à la défense des biens (car nous n'avons jusqu'ici parlé que de la défense des personnes): la question se pose surtout pour la défense automatique des propriétés (détonateurs, pièges), qui peut causer de graves lésions à qui ne s'était introduit chez autrui que pour marauder. Contre le caractère absolu du droit de propriété, qui a longtemps justifié cette défense, même de nature à entraîner l'amputation de la jambe du voleur, la jurisprudence contemporaine a réagi. Deux règles du Code pénal, d'ailleurs, prévoyant des cas particuliers de légitime défense (contre les vols avec violences, et contre l'escalade et l'effraction nocturne d'une maison habitée), sont interprétées comme établissant de simples présomptions de légitime défense, susceptibles de preuve contraire. Celui qui tue la personne qui, la nuit, s'introduit dans son jardin, n'est donc pas nécessairement acquitté (comme, en 1857, dans la célèbre affaire des Dames de Jonfosse, où la victime ne venait que pour faire parvenir une correspondance amoureuse à Mlle de Jonfosse): si l'on établit le but peu dangereux de la visite nocturne, l'auteur de la riposte trop violente pourra être condamné (Crim. 1959)".
La vérité est dans les livres des bons auteurs, a-t-on coutume de dire ! Certes, mais la législation française actuelle n’est pas parfaite, et il serait temps d’évoluer vers une conception du droit justifiant contre le maraudeur, contre le braqueur, contre l’homme violent et menace, la « légitime défense des biens et des propriétés », dans les mêmes conditions que celle des personnes (flagrant délit, proportionnalité, risque imminent pour les biens…) que pour les personnes. La vie d’un maraudeur, d’un braqueur, d’un cambrioleur, vaut moins que les biens de sa victime…
Et avec le système de l'intime conviction que j'ai décrit plus haut, tout est possible dans la tête des jurés, même de dire qu'il n'y a pas eu meurtre contre les faits eux-mêmes... (comme dans l'affaire de la boulangère de Reims). La jurisprudence peut avoir un rôle très important dans l'évolution ultérieure de la législation, et un tel arrêt serait un vrai progrès pour le droit...