Curieuse votre analyse n'est ce pas...
Prise par petits bouts séparés et mis dans le désordre, sans aucun doute. Prise comme un ensemble, certainement pas.
Comme je suis beau, bon, grand et magnanime, je vais vous ré-expliquer ma position. Ce qui va prendre du temps, alors asseyez-vous.
1. Les protagonistes.
Depuis maintenant deux ans et demi, les syriens se battent entre eux. On trouve deux camps principaux: la rébellion, qui vise à expulser le président Bachar el Assad de son trône et à renverser le régime syrien actuel, ainsi que le régime syrien avec le président Bachar el Assad à sa tête (note: si je qualifie Bachar de président, c'est tout simplement parce que c'est son titre).
Bref, c'est ce que l'on appelle une guerre civile. Rien de très nouveau dans l'Histoire. Cependant, il se trouve que c'est plus compliqué que deux camps qui se foutent sur la gueule. Divers protagonistes ont mis leur grain de sel dans le bain.
Du côté des rebelles, et cela très tôt, on trouve les monarchies sunnites du Golfe. Le Quatar, l'Arabie Saoudite, Bahreïn. La Turquie passe également du côté des rebelles, et ce en violation de son alliance avec la Syrie. On trouve également une bonne partie de l'Occident: très tôt, le prétendu président français François Hollande déclare reconnaître la rébellion comme seule autorité légitime de la Syrie. D'autres lui emboîtent le pas, tels que les Etats-Unis d'Amérique avec Obama. Soutiennent également la rébellion tous les journaux occidentaux et divers "intellectuels" comme cet abruti fini de Bernard-Henri Levy. Ne pas négliger la capacité de nuisance de ces parasites là.
Du côté du régime, on trouve d'autres pays voisins tels que l'Iran. Il y a également des super-puissances telles que la Russie et la Chine. L'Irak, bien qu'on en parle peu, soutien aussi le régime de Damas.
On pourrait, à la limiter, créer un troisième "camp". Même si ce n'en est pas vraiment un. Il regroupe toutes les personnes de par le monde qui estiment que la guerre civile syrienne ne regarde pas leur pays et que celui-ci devrait vaquer à ses propres affaires. On trouve dans ce camp pas mal de gens mais il n'y a aucune organisation. Ils ne sont pas forcément d'accord entre eux sur ce qu'il se passe en Syrie mais se rejoignent dans une position non-interventionniste. En France, on y trouve l'extrême-droite et l'extrême-gauche (marrant, mais c'est comme lors de l'affaire sur la création d'une armée européenne, où les communistes et l'extrême-droite sont tombées d'accord malgré eux).
Comme je disais plus haut, c'est un camp assez instable et sans colonne vertébrale. Certains dedans sont favorables à Bachar el Assad, d'autres non.
Bref, voilà les protagonistes.
2. La situation.
Il faut distinguer la rébellion syrienne des manifestations qui l'ont précédées. En 2011, et comme dans la plupart des pays dits "arabes", se déroulent des manifestations (appelées "printemps arabe" par certains abrutis sus-mentionnés). Ces manifestations, en Syrie, réclamaient non le départ de Bachar el Assad mais plus de libertés individuelles ou collectives.
Contrairement aux autres pays arabes, les manifestations ne dégénèrent pas immédiatement. En effet, Bachar el Assad temporise et promet des réformes.
Puis, d'un seul coup, ça explose. Les manifestations dégénèrent tandis que le pouvoir syrien les réprime violemment. Deux théories s'affrontent sur la question. Les partisans de la rébellion affirment que Bachar mentait et a finalement décidé d'écraser les manifestations pour conserver son pouvoir dictatorial intact. Les loyalistes prétendent, eux, que des éléments perturbateurs se sont introduits dans les manifestations et ont fait dévier celles-ci vers la violence. On parle notamment de tirs sur les policiers, de violences urbaines et d'attaques de commissariats. Le pouvoir n'aurait fait alors que réprimer des violences injustifiées. Les loyalistes affirment également qu'une partie des éléments perturbateurs provenaient de l'étranger et pointent du doigt les monarchies du Golfe.
Où est la vérité? Là, je pense que nous ne le saurons jamais. Et il est probable que même les historiens futurs ne le sauront jamais non plus réellement.
Mais quelle que soit l'origine du conflit, ce dernier explose. Une rébellion se constitue alors et forme un organe censé le représenter. Les rebelles déclarent que Bachar el Assad est illégitime et se proclament seuls autorité légitime du pays. Evidemment, comme le régime syrien ne l'entend pas de cette oreille, tout cela se transforme en guerre civile. Et depuis, les syriens s'écharpent joyeusement entre eux.
Jusque là, rien de bien compliqué.
Le problème, c'est l'intervention des puissances étrangères. Pourquoi donc?
Il y a plusieurs raisons.
En ce qui concerne les monarchies du Golfe, il y en a deux principales. La première, c'est que ces monarchies sont sunnites. Et que, depuis maintenant plusieurs décennies, elles oeuvrent à répandre leur religion-de-paix-et-de-tolérance partout à travers le monde. Et comme c'est toujours mieux de commencer par chez soi, lesdites monarchies oeuvrent à instaurer des régimes qui leur seraient inféodés partout chez leurs voisins. Comme Morsi en Egypte.
Or il se trouve que la rébellion en Syrie est essentiellement le fait de population de religion sunnite. La population syrienne est majoritairement sunnite. Pour l'Arabie Souadite, c'est une occasion en platine de mettre à la tête de la Syrie un régime qui lui serait rattaché puisque l'Islam ne fait pas la distinction entre pouvoirs spirituels et temporels. Non seulement se sphère d'influence augmenterait, mais ce serait un rude coup porté à l'Iran. L'Iran qui est la puissance rivale des saoudiens. Tant sur le plan du pétrole que sur le plan religieux: en Iran, l'Islam est pratiqué dans sa version chiite et non sunnite. Et l'Iran est le chef de la branche chiite.
Quel rapport avec la Syrie? Simple: le régime syrien actuel est aux mains des Alaouites. Qui sont un chisme des chiites mais qui restent proches de ceux-ci. Plus proches, en tous cas que des sunnites. Les alaouites sont, pour les sunnites, des hérétiques. Et plusieurs fatwas sunnites ont été publiées ordonnant la persécution et l'extermination desdits hérétiques.
Donc non seulement les saoudiens étendraient leur influence, mais ils abaisseraient leurs ennemis religieux et pourraient anéantir les hérétiques abhorrés. Tout bénéf, comme diraient certains.
La seconde question est économique. Comme souvent, d'ailleurs. Et là, on va retrouver les ricains et les occidentaux. Il se trouve que la Syrie est en fait une véritable mine d'or: on y a découvert récemment d'énormes réserves de gaz (ainsi que sur la côte israélienne et en mer Egée). C'est un pactole plutôt alléchant. De plus, les saoudiens soutiennent la construction d'un gazoduc passant par le Caucase et la Turquie. Il s'agit du projet . Ce gazoduc permettrait d'approvisionner l'Europe en gaz en évitant la sphère d'influence de la Russie. Le problème, c'est que Nabucco ne dispose as de réserves de gaz suffisantes pour être véritablement rentable. Il lui faudrait pour cela avoir accès ... aux réserves de gaz syrien, libanais, israéliens et iranien. Les saoudiens ont essayés d'obtenir un accord de la Syrie pour y construire des gazoducs partant de Syrie vers le projet Nabucco. Mais ce dernier a refusé, sans aucun doute pistonné par les russes et les iraniens.
Un renversement du régime actuel permettrait donc aux saoudiens de réaliser leur projet Nabucco.
Voilà pour les intérêts des pays du Golfe Persique.
Les Occidentaux, maintenant. En réalité, quand on parle des occidentaux, il faut comprendre "les américains". Les européens ayant la mauvaise manie de suivre les ricains comme des petits toutous.
Pourquoi les américains iraient-ils s'occuper d'une guerre civile syrienne? Fausse question. S'il ne s'en occupaient pas, là il faudrait chercher le problème.
Les USA n'ont de cesse, depuis après la Première Guerre Mondiale, de dominer le monde. Ils cherchent à imposer leur hégémonie, tant culturelle que politique.
Dans cette optique, ils jouent la carte de la politique du chaos: contrairement à leurs beaux discours, ils n'ont aucun intérêt à ce que règne la paix. Si la paix régnait, quel prétexte auraient-ils pour intervenir partout sur la planète? Les USA s'arrangent donc pour faire en sorte que les conflits dégénèrent et s'éternisent. Ce qui a l'avantage de donner une apparence morale à leurs interventions et d'avoir toujours un prétexte sous la main. Dans les régions africaines et orientales, où les conflits ethniques et religieux couvent en permanence, ils n'ont pas trop de mal à jouer leur petit jeu. Quel est l'intérêt de promouvoir le chaos? Eh bien pendant que les nations s'auto-déchirent, elles ne peuvent tout simplement pas constituer une menace à l'hégémonie américaine. L'Etat-nation est en effet un facteur de résistance au mondialisme américain. Pour que celui-ci l'emporte, il est nécessaire de détruire les nations. Et le meilleur moyen d'y parvenir est de briser leur cohésion interne.
La Syrie était un pays stable, jusqu'ici. Et disposait donc d'un potentiel de résistance dangereux. A présent, les syriens s'entre-tuent et ne pensent guère à autre chose. Tout bénéf, une fois encore.
Par ailleurs, les américains ont des intérêts dans le projet Nabucco dont je parlais plus haut. Pourquoi? Tout simplement parce que ce gazoduc vise principalement à concurrencer les gazoducs russes. L'Europe dépend actuellement de la Russie pour son approvisionnement en gaz. Ce qui donne aux russes une puissance certaine. Chose que les américains ne peuvent tout simplement pas blairer. Donc ils soutiendront tout projet visant à emmerder les russes. Russes qui le savent parfaitement.
Par ailleurs, cette politique de soutien à Nabucco entre dans une politique d'énergie plus vaste. On dit souvent que les ricains veulent contrôler l'Orient pour assurer leur approvisionnement en pétrole. C'est faux. En effet, les USA disposent de réserves et se dirigent toujours plus vers une autonomie pétrolière. En particulier avec les recherches sur le pétrole de schiste et la gaz de schiste. S'ils veulent contrôler le Moyen-Orient, ce n'est pas pour leurs propres affaires. Mais pour contrôler l'approvisionnement énergétique de leurs concurrents. Toujours cette volonté hégémonique. Ainsi, ils tiennent l'Europe à la gorge (discrètement). Mais ils braquent également un pistolet vers l'Orient. Et plus précisément sur la nouvelle super-puissance du siècle: la Chine. Qui importe énormément de pétrole depuis le Moyen-Orient. Or j'espère que vous n'ignorez pas qu'une guerre économique larvée fait rage entre les bridés de l'Empire du Milieu et les ricains de l'Empire tout court.
Le rôle de l'Europe, là-dedans? Bah, on suit les ricains comme des petits toutous obéissants. Quand je dis que vous êtes un valet de puissances étrangères, vous comprenez maintenant pourquoi.
La Russie, à présent. Nous avons vu que le projet Nabucco visait directement les intérêts économiques russes. Il s'agissait déjà d'une raison suffisante pour qu'ils bougent. Par ailleurs, la Russie dispose d'une base navale à Tartous. Or, c'est l'une de leurs rares bases navales situées dans une mer chaude. L'une ds constantes dans la politique étrangère russe depuis des siècles et la recherche d'ouvertures vers les mers chaudes. La Russie en est cruellement dépourvue. La guerre avec la Turquie sous Pierre le Grand relevait déjà de cette optique (entre autres). La guerre en Afghanistan, sous l'URSS, visait aussi à pousser vers le sud et à ouvrir le pays sur une mer chaude. Actuellement, les russes sont prêts à tout plutôt que de perdre une base de ce genre. La chute du régime représente une menace très grave pour l'avenir de cette base. Donc ils soutiennent le régime.
Enfin, il ne faut pas oublier que Moscou se considère comme le protecteur des chrétiens d'Orient. Qui sont tout aussi directement menacés par la rébellion.
La Chine, là-dedans, intervient pour promouvoir une politique de non-ingérence. Si on envahit des pays souverains pour des raisons "humanistes" (si l'on en croit les partisans de l'intervention), pour soutenir la démocratie et les droits de l'homme, quand attaquera-t-on la Chine pour la punir de son comportement totalitaire? Ou décrié comme tel, en tout cas.
Par ailleurs, la Chine s'oppose aux américains. Donc, logiquement, ils soutiennent les russes et la Syrie.
On peut faire remarquer que ces deux points s'appliquent aussi aux russes.
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Et comme je suis fatigué d'écrire sans arrêt, je vais faire une pause et reprendre plus tard.
Je reprend.
Nous avons vu, plus haut, les raisons qui peuvent pousser les différents protagonistes à s'impliquer dans le conflit.
Maintenant, ma position. Pourquoi est-ce que j'estime qu'il ne faut pas intervenir. Tout d'abord, parce que je suis opposé au principe de l'ingérence. Et surtout opposé au principe hypocrite de "l'ingérence humanitaire". De quel droit allons-nous chez le voisin lui dicter ce qu'il faut faire ou non chez lui? De quel droit allons-nous bombarder des pays étrangers au prétexte qu'ils ne sont pas "assez démocratique"? Le principe d'ingérence n'est qu'un impérialisme déguisé. Un colonialisme déguisé.
De plus, ce principe est extrêmement hypocrite. Les Etats Occidentaux prétendent sans cesse voler au secours des populations opprimées, au secours de la "démocratie" et des "droits de l'homme". Or c'est faux. Lorsque l'Occident bouge, c'est lorsque ses intérêts sont touchés. Enfin, les intérêts de l'Amérique. L'exemple de l'Irak est assez révélateur. Il en va de même pour la Lybie.
Par ailleurs, je suis opposé à cette posture néo-colonialiste qui consiste à vouloir étendre au monde entier la démocratie moderne et la droits de l'homme. Sans compter que je vomis les deux.
Déjà, à l'origine, les motivations occidentales d'entrer dans ce conflit sont hypocrites et mensongères. Deux bonnes raisons pour se méfier, donc.
Par ailleurs, prétendre imposer la paix et sauver des vies en larguant des tonnes de bombes sur un pays, voilà une énorme connerie. Le seul résultat obtenu sera plus de morts et plus de chaos. Tout l'inverse de ce que l'on prétend recherche.
Je suis également opposé à cette intervention pour la simple et bonne raison que la guerre civile syrienne ne concerne pas la France. C'est tout. En quoi le fait que les syriens s'entre-tuent nous regarde-t-il?
Nous n'avons absolument aucun intérêts à aller là-bas. Une intervention militaire française nous coûterait extrêmement cher, alors que notre économie est déjà au fond du trou. Par ailleurs, notre armée est en lambeau, notamment grâce aux socialistes. Que peut-on espérer y gagner? Rien. Si la rébellion l'emporte, le nouveau régime sera inféodé à l'Arabie Saoudite et, de façon moins visible, aux américains. Ce ne seront certainement pas nos alliés.
Qu'est-ce qu'on y gagne, alors? Une indépendance énergétique? Non plus: le projet Nabucco n'a pas pour but de rendre indépendants les pays européens sur le plan énergétique mais de les soumettre aux USA plutôt que de les laisser sous l'influence russe. Nous troquerons un maître contre un autre. Mais un autre qui sera bien pire encore.
Que gagnons-nous, alors, à intervenir en Syrie? Eh bien absolument rien, sinon la satisfaction idiote de quelques crétins persuadés d'avoir apportés la Paix et la Civilisation à une autre peuplade barbare. Nous allons y perdre du fric, y perdre des hommes, pour rien.
Donc comme nous n'avons rien à y gagner, je suis totalement opposé à ce que l'on intervienne en Syrie.
Enfin, je suis opposé à une intervention parce que j'estime que c'est la Russie qui est dans le vrai bien plus que les USA ou Hollande. Faire tomber Bachar el Assad ne règlera absolument rien. Cela ne fera qu'empirer les choses. La Syrie subira le même sort que l'Irak, les conflits ethniques et religieux éclateront de toutes part. Les Alaouïtes seront génocidés par les sunnites. Les chrétiens subiront le même sort à plus ou moins brève échéance. Tout espoir de paix sera perdu pour au moins dix ans, sinon plus.
Bref, intervenir "au nom de la paix" n'aura pour effet que d'éloigner la paix. La position russe est bien plus censée: soutenir Bachar el Assad tout en poussant vers une sortie diplomatique négociée.
Je passe sur le fait que je suis favorable à une alliance avec la Russie plutôt qu'avec les USA. Une alliance avec la Syrie nous serait également profitable, j'ai développé ce point il y a quelques jours.
Voilà ma position. Elle n'est pas bizarre ni étrange, elle est argumentée.